Grève des "MACS", un signal fort appelant à assister les hôpitaux académiques dans leur mutation

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Par Une opinion de Annemie Schaus, Jean-Michel Hougardy Michel Verstraeten et Jean-Christophe Goffard

Le mouvement de grève mené par les médecins assistants candidats spécialistes (MACS) se poursuit au sein des hôpitaux francophones du pays. Même si ce type de mouvement est rare pour les médecins, il n’est pas le premier et ne sera certainement pas le dernier. Par le passé, des revendications fortes autour de la récupération après 24h de travail continu et de la qualité de la formation avaient été défendues par différentes associations de MACS. Aujourd’hui, des revendications des MACS touchent aux fondements mêmes de la transmission du savoir et de l’expertise, tant dans leurs contenus que dans leurs formes. En effet, pour beaucoup d'entre eux, la qualité de l'apprentissage au sens large en ce compris l'encadrement de leur formation ou le principe de la séparation employeur/formateur dans l'établissement de leur contrat sont des aspects essentiels de leurs revendications.

Comment nos hôpitaux universitaires pourront-ils poursuivre leurs missions avec un recours réduit au MACS dans la première ligne ?

Le contexte actuel est marqué par la pandémie COVID, tout en étant préalablement grevé par des années de sous-financement. Alors qu’en 2019, 45% des hôpitaux à Bruxelles et en Wallonie étaient annoncés dans le rouge, il est essentiel de reconnaître que notre système de soins, y compris dans sa dimension d’enseignement et de formation, se doit d’entamer une nouvelle mutation. En effet, l’annonce d’une grève au finish des MACS est un coup de boutoir qui fait trembler l’édifice hospitalier. Dès lors une question émerge : comment nos hôpitaux universitaires pourront-ils poursuivre leurs missions avec un recours réduit aux MACS dans la première ligne ? C’est à la fois anticiper une réduction du nombre de MACS dans les prochaines années qui seront marquées par les effets du numerus clausus en médecine, c’est aussi redistribuer une partie du travail de première ligne, celui des MACS, sur des strates plus confirmées, mais déjà fort occupées, au sein de l’hôpital. C’est en même temps prendre plus de temps et améliorer la transmission du métier de médecin.

La place du MACS dans l’hôpital académique est complexe. Dans l’intérêt même de la formation, le MACS est proche du patient. Par cette proximité, il vit le métier et devient progressivement autonome au cours des années de formation. Le MACS est donc nécessairement au cœur même de la mission de soins. En première ligne, il doit bénéficier d’une assistance constante, dans l’intérêt même du patient. Assurer un accompagnement optimal de cette première ligne tout en garantissant la qualité et la sécurité des soins est une mission difficile. Ceci demande nécessairement de l’expertise, du temps et des ressources financées pour l’encadrement. Cela a déjà été souligné, les financements consacrés à ces missions sont aujourd’hui insuffisants et le manque de moyens ne permet pas aux hôpitaux universitaires de répondre pleinement aux revendications des MACS. Il est donc impensable de croire qu’un hôpital académique comme l’hôpital Erasme, qui abrite en son cœur les futures générations de soignants, puisse ne pas être ébranlé à plusieurs titres par un tel mouvement de grève.

L’impact fort d’un arrêt de travail des MACS est un témoin d’une organisation hospitalière fragilisée

Dans les hôpitaux, la relève s’est organisée pour poursuivre nos missions fondamentales de soins. Tous les médecins du cadre, quels que soient leurs statuts, du résident au professeur et chef de service, se sont mobilisés pour assurer la qualité et la sécurité des soins. Cependant, cette mobilisation d’une strate plus âgée et plus expérimentée sur l’ensemble des missions hospitalières aura aussi ses limites, car les médecins du cadre ont aussi de nombreuses tâches à accomplir. Ici, l’impact fort d’un arrêt de travail des MACS est un témoin d’une organisation hospitalière fragilisée et, par essence, fortement dépendante de l’Humain. L’effet est déjà réel, car sans MACS, nous avons été obligés de reporter des activités non urgentes, de la consultation à l’intervention chirurgicale. Sans MACS, les hôpitaux universitaires ne peuvent aujourd’hui poursuivre leurs missions dans l’immédiat. Avec l’effet plein du numerus clausus dès 2023, la réduction du nombre de MACS sera importante et va fortement accentuer l’obligation des hôpitaux à repenser leur organisation et à augmenter le nombre de médecins confirmés dans leur rang.

Repenser notre système de soins de santé est indispensable

Réduire la charge de travail à des horaires de travail plus décents, accorder le temps pour des formations, améliorer les statuts sont d’autant d’initiatives qui solliciteront encore les ressources humaines et financières des hôpitaux. Les MACS dénoncent : ces différents objectifs ne sont pas suffisamment rencontrés. En tant que patrons de l’Hôpital Erasme et doyen de la faculté de Médecine de l’Université libre de Bruxelles nous sommes dans un constat parallèle : la mise en place d'un accompagnement de qualité lors de la formation des MACS que ce soit au travers de conditions correctes de travail, de mécanismes d'évaluation de le qualité des lieux de stage sont autant d'éléments qui progressivement devraient permettre de répondre aux attentes de ces médecins qui constitueront l’avenir de leur profession et participer à l’évolution positive de la qualité de la médecine pratiquée dans notre pays. 

Dès lors, la poursuite du dialogue avec les MACS et repenser notre système de soins de santé est indispensable. De là à penser que le mouvement de grève, ce printemps des MACS peut être entendu comme un appel ferme des générations montantes à repenser nos organisations hospitalières de manière urgente, il n’y a qu’un pas.

 

Annemie Schaus, Rectrice, ULB

Michel Verstraeten, Président du CA, Hôpital Erasme

Jean-Michel Hougardy, Directeur Général Médical, Hôpital Erasme

Jean-Christophe Goffard, Président des masters de spécialités, Hôpital Erasme

Nicolas Mavroudakis, Doyen de la Faculté de Médecine ULB

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