Santé & Bien-être

Grossophobie médicale : des clichés qui freinent les soins

La prise en charge des patients obèses n’est pas toujours optimale dans les hôpitaux

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La discrimination des personnes grosses existe aussi dans le monde de la médecine. Quand on parle de grossophobie médicale, on parle de diagnostics uniquement axés sur le poids, de consultations plus expéditives chez le médecin mais aussi de manque d’équipement dans les hôpitaux pour accueillir des patients obèses. Si certains prennent les devants, d’autres n’investissent toujours pas dans du matériel adéquat.

Des hôpitaux peu adaptés

La grossophobie médicale se marque concrètement dans l’équipements des hôpitaux et des cabinets médicaux. Ils ne sont généralement pas adaptés aux corpulences des patients en surpoids ou obèses. Agathe Régnier, co-créatrice de la web série "5 minutes de gras" qui déconstruit les clichés grossophobes, déplore ce manque d’inclusivité : "Je crois que je ne connais pas un endroit dans la médecine qui ne soit pas grossophobe", conclut-elle.

"Même en allant chez le dentiste. Il n’y a qu’une seule chaise et je prends toute la place quand je m’y installe. Il ne faudrait pas que je prenne cinq kilos", ironise-t-elle. "Il faut une chaise qui corresponde à toutes les morphologies et à tous les corps, mais ce n’est pas du tout le cas".

En effet, se faire soigner quand on est en situation d’obésité est très fastidieux. À la clinique Saint-Jean de Bruxelles, dans l’unité de l’obésité et du surpoids, le docteur Mairiaux, chirurgien digestif, pointe de simples détails à considérer : "Ici, les chaises n’ont pas d’accoudoir afin que le patient puisse tout simplement s’asseoir pendant la consultation."

Mais dans cette unité, les médecins sont évidemment habitués à accueillir des patients obèses : "Nos tables d’opération sont conçues pour que notre patient soit dans une position idéale pour son opération, avec des sangles et un support pneumatique. Ce n’est pas le cas dans toutes les salles d’opération".

Tous les hôpitaux n’investissent pas dans ce genre de matériel : "Je pense qu’il faut avoir une activité liée à la chirurgie bariatrique, donc de l’obésité, pour se fournir dans ce genre d’équipements", précise le docteur.

Et c’est bien là tout le problème. Un patient obèse aura beaucoup plus de mal à être accueilli dans les hôpitaux avec du matériel standard. Il sera souvent confronté à des chaises roulantes trop étroites, des brassards de tensiomètres pas assez larges, des scanners parfois trop petits, … Tant d’aspects qui ne sont pas pris en compte et qui, finalement, rebutent certains patients obèses à se rendre à l’hôpital.

Un rhume ? Il faut maigrir

Se rendre chez son médecin peut être une source d’angoisse. Mais, quand on est en surpoids, un stress supplémentaire s’ajoute.

Agathe Régnier s’attend toujours à une remarque en rapport avec son poids, quel que soit le motif de sa consultation : "Quand je vais chez le médecin, je sais qu’il va encore me dire de perdre du poids et ça va m’énerver", admet-elle. "J’ai eu des soucis médicaux qui n’avaient rien à voir avec mon poids. Pourtant, c’est directement ce que le médecin va pointer".

Selon une étude réalisée au Canada, 67% des étudiants en médecine ont des stéréotypes sur les personnes en surpoids et les expriment devant leurs patients. Pourtant, pour le docteur Mairiaux, chirurgien digestif à la clinique de l’obésité à l’hôpital Saint-Jean de Bruxelles, on parle plus de prévention que de préjugés : "En tant qu’acteur de la santé, on a la responsabilité d’oser dire aux patients qu’ils sont en surpoids et que c’est un élément à surveiller pour ne pas aggraver leur état de santé", relativise-t-il.

Malgré tout, en se référant à cette même étude canadienne du Rudd Center, les médecins traitants passeraient en moyenne 28% de temps en moins avec des patients gros durant leurs consultations.

"Welcome" pour un meilleur accueil

C’est un constat qui a également été posé à la Citadelle de Liège. Un audit réalisé en interne indiquait que l’accessibilité n’était pas acquise pour tout le monde.

Christiane Tomat, responsable du service patients, a alors lancé un service "Welcome", qui permet à tout patient qui en fait la demande d’être accueilli par un agent référent : "Un patient peut déclarer qu’il a un besoin spécifique dans une feuille qu’il remplit au préalable. Ça peut être une personne malvoyante, porteuse de handicap, atteinte de démence ou bien une personne obèse", explique-t-elle.

Une fois les besoins déclarés, l’agent "Welcome" s’occupera de préparer tout le matériel spécifique dont le patient aura besoin. Tout est alors prêt pour le jour son hospitalisation. Les infirmières et médecins sont également prévenus.

"Avant, quand un patient obèse se présentait à la Citadelle, c’était du stress pour tout le monde parce qu’il fallait courir partout pour se fournir le matériel approprié", confie Christiane Tomat. Grâce à cette anticipation, les patients sont mieux pris en charge, sans le stress, et parfois l’humiliation, de ne pas pouvoir être traité comme n’importe quel autre patient. Selon Christiane, ce modèle n’existe cependant qu’à la Citadelle de Liège, bien que certains établissements, comme l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles, envisagent sérieusement de mettre ce dispositif en place.

L’obésité, une maladie chronique

Selon Christiane Tomat, il faut encore faire mieux pour éviter la grossophobie médicale : "On lit pas mal de commentaires de personnes qui évitent d’aller à l’hôpital parce qu’elles savent que, d’emblée, on va leur dire de maigrir, de faire du sport".

Pour éviter cette discrimination des patients obèses, le docteur Mairiaux insiste sur la définition de l’obésité par l’OMS : "C’est une maladie chronique et, à partir du moment où tout le monde comprendra que ce sont des personnes malades, on arrêtera peut-être de les stigmatiser".

En Belgique, Sciensano estimait, en 2021, que 16% de la population adulte était obèse. Derrière ce chiffre se cachent autant d’hommes et de femmes qui méritent d’être soignés dignement et correctement, comme le serait n’importe quel autre patient.

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