Anatolii remplit vite sa remorque avec des pelletés de charbon. Il faut se hâter, même si l’endroit est le moins exposé de Bakhmout, ville du Donbass ukrainien autour de laquelle de violents combats opposent forces ukrainiennes et russes, dans l’est de l’Ukraine.
Six gros tas de roche noire ont été déposés là par les autorités locales, sur le parking d’un supermarché, fermé depuis longtemps, à l’entrée sud-ouest de la ville qui compte encore près de la moitié des 70.000 habitants d’avant-guerre, selon les autorités.
Dans l’est de la ville, depuis quatre mois, les forces de Moscou, en tête desquelles les supplétifs du groupe paramilitaire Wagner, ont pris pied. En face, l’armée ukrainienne défend son secteur.
Sur le parking, les voitures avec leur remorque se succèdent et repartent avec leur chargement pour livrer ceux qui n’ont pas de véhicule.
A l’arrière d’une Lada, posés en vrac sur le siège : un gros sac de rouleaux de papier toilette, un carton de bougies, et des bombonnes d’eau.
"Le fait que nous soyons encore là et que nous aidions les autres, cela signifie beaucoup pour nous. Nous ne restons pas là à ne rien faire. On ne peut pas survivre tout seul", explique Anatolii, 60 ans, entre deux pelletés.
Les derniers résidents de la ville peuvent prendre jusqu’à deux tonnes de charbon par maison. De quoi se chauffer à l’approche du rude hiver ukrainien, là où il n’y plus depuis mi-octobre, ni électricité ni eau.
Les petits monticules de charbon ont presque disparu. Le bruit des pelles raclant l’asphalte pour ramasser les résidus ne couvre pas celui, incessant, des tirs croisés d’obus qui résonnent avec fracas dans Bakhmout.