Guerre en Ukraine

Guerre en Ukraine : l’aide militaire de l’Union européenne est-elle suffisante ?

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Ce lundi 14 novembre, Volodymyr Zelensky était à Kherson, cette importante ville du sud de l’Ukraine reprise aux Russes. Interrogé lors de sa visite sur l’efficacité des HIMARS, les redoutables lance-roquettes multiples livrés par les États-Unis, le président ukrainien a eu ces mots : "Ils aident vraiment. Nous sommes reconnaissants envers Joe Biden et le Congrès américain". Mais dans ses remerciements, il n’a pas oublié l’Europe, "Toute l’Europe nous aide beaucoup", a-t-il déclaré.

Mais en quoi consiste l’aide militaire européenne ? Est-elle efficace ? Est-elle suffisante ? Nous avons abordé ces questions avec Georges Dallemagne, député Les Engagés, et Nicolas Gros-Verheyde, rédacteur en chef du site d’information B2 et spécialiste de l’Europe de la défense.

Une aide de 8 milliards d’euros

En début de semaine, après la reprise de Kherson et alors que la Russie bombardait massivement l’Ukraine, les ministres européens des affaires étrangères et de la défense faisaient le point sur l’aide militaire apportée à l’Ukraine. "Les équipements militaires fournis par les Européens et les Américains aux forces armées ukrainiennes se révèlent d’une extraordinaire utilité. Ces armes, en particulier les antiaériennes, font la différence", a assuré Josep Borrell, le chef de la diplomatie de l’Union européenne. Il a chiffré cette aide militaire à 8 milliards d’euros pour les Européens et 18 milliards d’euros pour les Américains.

Georges Dallemagne salue la mobilisation européenne mais il la juge "relativement modeste" en comparaison de l’effort américain : "Si les Ukrainiens remportent cette guerre, ce sera surtout grâce à l’aide militaire des États-Unis et de la Grande-Bretagne (l’assistance militaire britannique dépasse les 3,5 milliards d’euros, selon le centre de recherche KIEL Institute for the World Economy, ndlr), donc des pays extra-européens. Donc, je pense que l’Europe peut mieux faire. L’Union européenne ne peut pas prétendre peser plus sur la marche du monde et dépendre à ce point-là d’une intervention des États-Unis dans une guerre qui se déroule en Europe, à nos portes".

Un effort militaire inédit

Dans un premier temps, Nicolas Gros-Verheyde fait le même constat. "Si vous vous dites que l’Ukraine est en Europe et que vous vous demandez si l’Europe en fait assez, non." Mais ensuite le journaliste spécialiste de la défense européenne relativise. Le budget défense des États-Unis est trois à quatre fois plus élevé que les budgets de tous les États-membres de l’Union européenne réunis. "Donc si vous regardez ça, le ratio 8 milliards d’euros d’aide européenne, 18 milliards d’euros d’aide américaine est important mais honnêtement c’est pas mal."

Surtout, Nicolas Gros-Verheyde souligne une forme d’agilité politique côté européen. Pour ne pas faire moins bien que le États-Unis, les 27 pays membres de l’Union ont cherché le moyen de débloquer rapidement de l’argent pour aider l’Ukraine. Et ils ont employé la Facilité européenne pour la paix, un outil financier doté de 5,7 milliards d’euros. "Honnêtement, j’avais suivi tous les travaux de création de la Facilité", nous explique Nicolas Gros-Verheyde.

"La question de fournir des armes létales a été un point clé dans cette Facilité", poursuit le spécialiste. "Le consensus avait été de ne pas fournir d’armes létales et encore moins d’armes lourdes à des pays tiers parce qu’on ne pourrait pas en assurer le contrôle. Mais avec la guerre en Ukraine, globalement, toutes les garanties ont sauté. On exige que les Ukrainiens fournissent des rapports mais on ne va pas envoyer des contrôleurs sur place pour vérifier qu’ils utilisent les armes dans les bonnes conditions. Donc on voit que toutes les barrières, financières, juridiques, et même psychologiques des Européens ont cédé.

Aujourd’hui, via la Facilité européenne pour la paix, l’UE a engagé 3,1 milliards d’euros pour l’envoi d’une assistance militaire à l’Ukraine. Au rythme actuel, les 5,7 milliards de la Facilité pourraient être mobilisés d’ici la fin de l’année alors que cette enveloppe devait servir jusqu’en 2027.

Du matériel européen efficace

Mais au-delà des chiffres, est-ce que les armements fournis par les Européens répondent aux besoins de l’armée ukrainienne ? Là encore, l’analyse de Nicolas Gros-Verheyde se veut nuancée : "Les gros armements, type américain, la grosse artillerie, sont très efficaces. Mais je dirais que l’aide européenne a été sûrement plus efficace que l’aide américaine pour une bonne raison : la plupart des pays de l’Est se sont délestés de leur vieux matériel soviétique. Ce n’était pas du matériel hyperperformant, sans doute pas le meilleur technologiquement mais l’avantage, c’est que les Ukrainiens pouvaient le prendre dans l’heure qui suivait et le faire fonctionner. Ils connaissaient ce matériel, car on trouve le même dans toutes les armées de l’ancien bloc communiste".

Comme d’autres, la Belgique peut mieux faire

Mais est-ce que les Européens pourraient faire mieux ? Et la Belgique en particulier ? Le député Georges Dallemagne en est convaincu. "Notre aide militaire atteint entre 70 et 75 millions, c’est-à-dire moins de 1% de l’aide européenne. C’est très modeste. Au départ, quand j’ai interrogé la ministre de la Défense, trois jours avant l’invasion de l’Ukraine, et que je lui demandais d’au moins fournir des gilets pare-balles et des casques, elle me répondait non, ce serait considéré comme une provocation à l’égard de la Russie."

La Belgique a fini par livrer du matériel militaire à l’Ukraine : des casques, des équipements pour l’hiver, des lance-roquettes ou des fusils d’assaut. Mais pas d’armements lourds. La raison ? "On s’est fortement désarmés au cours de ces deux dernières décennies", constate l’élu des Engagés. "Quand on a voulu aller voir dans les stocks, sur les étagères ce que l’on pouvait fournir à l’Ukraine, on s’est rendu compte qu’on n’avait pas grand-chose."

Si la Défense belge n’a plus beaucoup d’armements lourds, elle pourrait fournir certains véhicules à l’Ukraine. Selon Georges Dallemagne, des véhicules déclassés sont abandonnés sur des parkings : "On me dit à la Défense que ces véhicules sont en mauvais état. Moi, j’entends par ailleurs qu’ils ont servi récemment au Mali, qu’on en était très content, qu’on en était très fier. Je pense que ces véhicules, qui sont aujourd’hui en train de rouiller sur des parkings devraient pouvoir aller rapidement en Ukraine. La ministre n’a pas exclu cette option. Elle a dit pour septembre 2023. C’est quand même très loin ! "

Répondre à l’urgence

Les Ukrainiens ont deux demandes pour assurer leur sécurité : rejoindre l’OTAN et, dans l’immédiat, des systèmes de défense antiaérienne. Si la première demande paraît aujourd’hui irréaliste, la seconde devrait être prise très au sérieux par les Européens. "Attention", prévient Nicolas Gros-Verheyde.

"S’il faut faire quelque chose, c’est soutenir l’Ukraine, maintenant, dans la protection de ses infrastructures parce que le but des Russes est de taper sur les infrastructures pour faire fuir la population et donc affaiblir le gouvernement, faire sauter le gouvernement. Et au final, on s’aperçoit que si les Ukrainiens arrivent à avoir une défense antiaérienne efficace, ce sera une préservation aussi du territoire de l’Otan."

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