Guerre en Ukraine

Guerre en Ukraine : Les Pandora Papers démontrent que des oligarques russes échappent aux sanctions grâce à des sociétés écrans

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Par Jean-François Noulet, avec Belga

Des oligarques et politiques russes réussissent à échapper aux sanctions occidentales grâce à une multitude de sociétés écrans obscures, notamment établies dans les îles Vierges britanniques. C’est ce qui ressort d’une nouvelle enquête internationale baptisée "Pandora Papers Russie", relayée par De Tijd et Knack.

Plus de 45 oligarques russes apparaissent dans les Pandora Papers, dont au moins 12 sont visés par les récentes sanctions

Suite à l’invasion russe en Ukraine et dans la foulée des sanctions financières prises contre des personnalités liées au pouvoir russe, le Consortium international de journalistes d’investigation ICIJ publie de nouvelles informations sur des sociétés écrans liées à des oligarques russes.

Le Consortium de journalistes d’investigation ICIJ a collecté des informations, issues de cinq fuites de données précédentes, sur plus de 11.000 sociétés de type "boîtes aux lettres" et d’autres constructions écrans liées à la Russie.

Parmi les fuites de données, celle des Pandora Papers, soit une fuite de près de 12 millions de documents relayée en octobre dernier et faisant état de fraude et évasion fiscales, permet de mettre en évidence l’existence de près de 3700 sociétés dans des paradis fiscaux, cachant plus de 4400 Russes. Cela représente 14% de toutes les entreprises qui apparaissent dans les Pandora Papers.  Aucun autre pays ne compte autant de personnes citées dans ces documents.

Cet énorme entrelacs de constructions écrans rend extrêmement difficile pour les banques, les entreprises occidentales et les autorités de cartographier la fortune complète des centaines de Russes visés par les sanctions.

Dans les Pandora Papers, le consortium ICIJ a découvert 163 structures, principalement dans les îles Vierges britanniques et Chypre, derrière lesquelles se cachent des politiciens russes – parlementaires et (ex-) ministres notamment. Plus de 45 oligarques russes apparaissent dans les Pandora Papers, dont au moins 12 sont visés par les récentes sanctions. Il s’agit de patrons, de banquiers et de milliardaires proches de Poutine.

Suleiman Kerimov, (un peu) connu en Belgique

Suleiman Kerimov, à gauche sur la photo, aux côté du Président turc Ergogan et du Président russe Poutine, en 2015, lors de l'inauguration de la Grande Mosquée de Moscou.
Suleiman Kerimov, à gauche sur la photo, aux côté du Président turc Ergogan et du Président russe Poutine, en 2015, lors de l'inauguration de la Grande Mosquée de Moscou. © Tous droits réservés

Dans la liste des Russes épinglés par le Consortium international de journalistes d’investigation, figure, par exemple le milliardaire Suleiman Kerimov, considéré comme un proche confident du président russe Vladimir Poutine. Suleiman Kerimov est connu en Belgique pour avoir investi dans Fortis en 2008, lorsque le groupe financier était à la recherche d’argent frais pour la reprise d’ABN AMRO. Il avait investi 750 millions d’euros dans Fortis, mais en avait perdu la plus grande partie lors de la débâcle du groupe bancaire belge.

Ce milliardaire a aussi été soigné, à une époque, en Belgique. Après avoir écrasé sa Ferrari dans un arbre en 2006 à Nice, accident lors duquel il avait été grièvement brûlé, il avait été rapatrié en avion à l’hôpital des grands brûlés de Neder-over-Hembeek, où il a été traité durant plusieurs mois.

Dans l’article publié par le consortium international de journalistes d’investigation, on évoque les mécanismes et la galaxie de sociétés écrans employés par Suleiman Kerimov pour dissimuler sa fortune. L’homme, par ailleurs parlementaire russe, a établi sa fortune en rachetant des sociétés russes après la chute de l’Union soviétique. Depuis, ses affaires ont prospéré, notamment grâce à des investissements dans le gaz (Gazprom) et dans l’industrie de l’or. Sa famille possède d’ailleurs Polyus, le plus grand producteur russe d’or.

Alexei Mordahsov, le Russe le plus riche

Russian oligarch and Tui biggest shareholder Mordashov
Russian oligarch and Tui biggest shareholder Mordashov © Copyright 2018, dpa (www.dpa.de). Alle Rechte vorbehalten

Autre personnalité russe dénoncée par le Consortium international de journalistes d’investigation, Aleksej Mordashov, considéré comme le Russe le plus riche. Selon les révélations du Consortium, il utilise aussi des constructions écrans pour échapper aux sanctions, alors qu’il se trouve sur la liste de l’Union Européenne depuis le 28 février.

Selon le magazine Forbes, la fortune d’Alexei Mordashov était estimée, en 2021, à 29 milliards de dollars. Selon l’enquête menée et publiée par le Consortium ICIJ, ce milliardaire russe a pu compter sur l’aide de nombreuses sociétés de conseil en fiscalité et des bureaux d’avocats spécialisés, notamment la société de conseil PwC et son bureau chypriote. Alexei Mordashov dispose ainsi d’une société holding qui n’administre pas moins de 65 sociétés écrans abritées, entre autres, dans les Iles Vierges britanniques.

D’autres documents analysés par l'ICIJ montrent que le milliardaire russe Mordashov s’est servi de cette toile d’araignée de sociétés offshore pour investir dans des sociétés européennes et pour étendre son empire en Russie, dans les industries de l’acier, du charbon, du bois et dans les médias.

Selon l'ICIJ, les compagnies offshore liées à Alexei Mordashov sont impliquées dans des transactions financières mobilisant "des sommes importantes autour du monde de manière suspecte". Il est notamment question d’au moins quatre transactions impliquant des sociétés liées à un proche du Président Russe, Vladimir Poutine. De quoi, selon l’ICIJ, douter lorsqu’Alexei Mordashov affirme ne pas être lié au Président russe.

Selon les journalistes d’investigation de l'ICIJ, la société PwC aurait aussi aidé la compagne d’Alexei Mordashov, Marina Mordashova à être enregistrée comme propriétaire d’un yacht et d’un jet privé. De plus, les conseillers fiscaux et légaux du couple Mordashov les auraient aidés à restructurer le réseau de société écrans, alors qu’ils étaient visés par les sanctions prises contre les oligarques russes depuis 2014.

Herman Gref, ancien ministre russe de l’Economie

Herman Gref, le patron de Sberbank, en discussion avec Vladimir Poutine, en novembre 2019.
Herman Gref, le patron de Sberbank, en discussion avec Vladimir Poutine, en novembre 2019. © Tous droits réservés

Le consortium de journalistes d’investigation épingle aussi Herman Gref. C’est un ancien ministre russe de l’Economie. Lui aussi, contourne, selon les documents analysés par l’ICIJ, les sanctions grâce à des sociétés écrans et à des membres de sa famille qui servent d’hommes de paille.

L’ICIJ explique ainsi qu’Herman Gref, par ailleurs, Administrateur délégué de Sberbank, la plus grande banque russe, a utilisé en 2015 une société Offshore à Singapoure pour restructurer un réseau de compagnies offshore qui détenaient 75 millions de dollars d’avoirs.

Selon les Pandora Papers exploités par l’ICIJ, Herman Gref aurait placé 50 millions de dollars dans une société enregistrée au nom d’un de ses neveux, âgé de 24 ans et vivant à l’étranger. Cela n’empêchait pas Herman Gerf de garder le contrôle de la fortune familiale.

Outre Herman Gerf, les dernières révélations de l’ICIJ basées sur la Pandoras Papers pointent encore six autres hauts dirigeants des cinq plus grosses banques russes (Sberbank, Alfa Bank, VTB, Gazprombank et VEB).

Enfin, le Consortium international de journalistes d’investigation a repéré d’autres oligarques, dont Mikhail Fridman, né en Ukraine, qui aurait également une vingtaine de sociétés "boîtes aux lettres" dans les îles Vierges britanniques et à Chypre.

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