Guerre en Ukraine

Guerre en Ukraine : "On peut s’interroger sur la qualité des troupes" de la mobilisation russe

Sur cette photo d’archive prise le 20 septembre 2022, un panneau d’affichage faisant la promotion du service militaire contractuel avec une image d’un militaire et le slogan « Servir la Russie est un vrai travail » se trouve à Saint-Pétersbourg.

© AFP or licensors

La mobilisation partielle décrétée mercredi par la Russie en Ukraine demeure une annonce symboliquement forte mais ses effets n’interviendront probablement pas avant des mois.  De plus, cette mobilisation pose d’importants problèmes de logistique et de formation.

L’annonce du président Vladimir Poutine concerne dans un premier temps 300.000 réservistes.

Un volume qui pourrait sembler majeur au regard des quelque 220.000 soldats – rotations comprises – envoyés au front depuis le début de l’invasion russe le 24 février, selon les estimations de James Rand, analyste pour l’agence britannique privée de renseignement militaire Janes, interrogé par l’AFP.

Une mobilisation lente…

Il reste cependant à passer du discours à sa concrétisation sur le champ de bataille, une étape qui ne sera pas ressentie immédiatement sur le terrain: "Aucune mobilisation n’est possible du jour au lendemain", assure James Rand à l’AFP, évoquant un délai incompressible de trois mois entre l’émission de l’ordre de mobilisation et l’envoi du soldat formé au combat.

"Ce que nous avons appris jusqu’à présent des ressources en hommes de la Russie suggère qu’ils auront des difficultés dans la mobilisation et l’entraînement, et dans le déploiement des forces sur le front avec les équipements nécessaires".

Dès les premiers jours du conflit, l’armée russe a démontré de grandes difficultés à coordonner ses unités et à déployer la logistique essentielle à la conduite des combats.

Or, mobiliser 300.000 hommes obligera précisément l’armée russe à d’immenses efforts dans ces domaines-là.

… et difficilement efficace

Certains observateurs relèvent que des réservistes pourront être envoyés rapidement pour compléter des unités partiellement détruites et effectuer des tâches simples comme conduire des camions ou faire des patrouilles de surveillance.

En revanche, former un soldat – et s’assurer de sa motivation – pour monter à l’assaut est bien plus complexe. Surtout si son équipement est basique.

De plus, on peut s’interroger sur la motivation de ces recrues.

"Il s’agit d’une population assez diverse, nous dit Alain De Nève chercheur à l’Institut Royal Supérieur de Défense (IRSD), composée d’anciens conscrits, de réservistes qui se sont inscrits à un moment volontairement, des personnes qui sont simplement en âge de combattre ou qui disposent de compétences qui peuvent intéresser l’armée. On sait que cette liste comporte des personnes entre 18 et 60 ans, même si dans un premier temps sont concernées les personnes jusqu’à 45 ans."

De plus, ces personnes mobilisées disposent généralement de peu de compétence. "Les troupes aguerries se trouvent déjà en Ukraine", rappelle Alain De Nève.

On peut s’interroger sur la qualité des troupes

"Ici, on peut s’interroger sur la qualité des troupes qui devront remplacer sur le terrain des forces déjà très éprouvées. On peut s’interroger aussi sur la volonté réelle de ces nouvelles troupes, de combattre, qui pensaient jusqu’ici que cette opération militaire ne les concernait pas", explique le spécialiste.

Et d'ajouter : "Poutine a toujours fait en sorte que la population russe en sache le moins possible et du jour au lendemain, ils vont se retrouver en première ligne, sur le front. On se demande à quoi vont servir ces hommes sur le terrain. On le voit, Poutine est en train de précipiter les choses politiquement. La seule manière qu’il a d’obtenir quelque chose qui ressemble un tant soit peu à une victoire, c’est le référendum dans l’est de l’Ukraine, tenter de rattacher artificiellement les territoires conquis à la Russie."

De fait, la mobilisation décrétée mercredi souligne autant une volonté de monter en puissance que de combler des faiblesses.

"Il y a toute une série de lacunes que l’on a constatées au niveau de l’armée russe", insiste Alain De Nève. "On pensait que l’armée russe était une armée particulièrement aguerrie, préparée, entraînée, et on constate sur le terrain une série de travers en matière de commandement, d’équipement, de défaillance matérielle ou de soutien logistique. Le moral des troupes n’est pas bon. On a vu des soldats étonnés de rencontrer une résistance alors qu’on leur disait qu’il fallait sauver l’Ukraine", détaille le chercheur.

Sur le seul aspect militaire du conflit, l’annonce de Vladimir Poutine apporte donc moins de certitudes que de questions. Avec une donnée qui pèsera dans la balance : chaque jour qui passe rapproche les combattants des terribles rigueurs de l’hiver.

Sur le même sujet : Extrait JT (23/09/2022)

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Sur le même sujet

Articles recommandés pour vous