Guerre en Ukraine

Guerre en Ukraine : pourquoi le débat sur les chars Léopard va se poursuivre après le sommet de Ramstein

Guerre en Ukraine : à Ramstein, pas de décision sur la livraison de chars Léopard, "indispensables" pour contrer l’offensive russe

© Belga images

De nouvelles livraisons d’armes, mais toujours pas de chars lourds. Les pays alliés de l’Ukraine n’ont pas réussi à prendre une décision concernant la livraison de chars Léopard, de fabrication allemande. Ce vendredi, ils étaient réunis à Ramstein, une petite ville de l’ouest de l’Allemagne, connue pour héberger une base militaire américaine.

Pas de décision donc, mais le débat n’est pas clos. Pour Nicolas Gosset, chercheur à l’institut royal de défense et spécialiste de la Russie, les alliés n’ont pas encore abandonné l’idée d’envoyer des chars lourds en Ukraine. Il estime d’ailleurs que ces chars sont "indispensables" pour l’Ukraine.

Des milliards d’euros d’aides supplémentaires

Ces derniers jours, les alliés ont promis un paquet d’aides militaires supplémentaires. Les États-Unis, le Royaume-Uni, la Suède ou encore le Danemark ont par exemple annoncé de nouvelles livraisons d’armes quelques heures avant la réunion de Ramstein. La Belgique a aussi réaffirmé son soutien à l’Ukraine avec notamment des livraisons de mitrailleuses lourdes. Le détail des dernières aides promises à l’Ukraine est illustré ci-dessous (passez la souris sur les drapeaux pour découvrir les aides).

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Et concernant les chars Léopard 2 ? Les Allemands "n’ont pas pris leur décision", a sobrement déclaré le secrétaire américain à la Défense. Ce n’est pas un "non catégorique". Mais ce n’est pas non plus un feu vert.

Les livraisons de ces chars étaient pourtant au cœur des discussions à Ramstein. Dès l’ouverture, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, avait exhorté les pays participants à "lancer un approvisionnement majeur qui arrêtera le mal". "Je peux vous remercier des centaines de fois (pour le soutien déjà apporté, ndlr) mais les centaines de merci ne sont pas des centaines de chars", a-t-il insisté.

Les chars Léopards, une nécessité pour l’Ukraine

L’Ukraine a déjà reçu des chars des Occidentaux. Mais jusqu’ici, il s’agit de chars "légers". "Ils vont s’embourber lors du dégel", explique Nicolas Gosset. Pas de quoi faire face à la Russie donc. "Tandis qu’avec ses 60 tonnes et ses 10 mètres de long, le Léopard 2 passe partout", poursuit-il.

Par rapport aux autres chars lourds des Occidentaux, il semble être le plus adapté aux besoins de l’Ukraine. "Il n’y a pas assez de chars Leclerc français et la maintenance est trop longue. Le char Abrams américain est trop compliqué à utiliser et il prendrait trop de temps à arriver", détaille l’expert.

Plus moderne et plus robuste, le char de fabrication allemande est "indispensable" pour l’Ukraine, selon le chercheur. "C’est quasiment une nécessité pour le dispositif ukrainien en vue de l’offensive russe qui se prépare pour la fin de l’hiver, le début du printemps. Les Russes sont en train de rassembler une grosse masse de chars sur la ligne de front à Louhansk et Donietsk."

D’après Nicolas Gosset, les Ukrainiens ont "une fenêtre d’opportunité dans les deux mois à venir". "L’enjeu est non seulement de tenir le choc face à l’offensive russe mais aussi de reconquérir des territoires comme ça a été le cas à la fin de l’été", analyse-t-il.

La Pologne et la Finlande ont proposé de livrer des chars Léopards qu’ils possèdent, mais Berlin ne veut pas encore donner son feu vert.

Le char Léopard 2, de production allemande, mesure 10 mètres de long avec le canon et pèse 60 tonnes.
La France a promis la livraison de chars AMX-10 RC à l’Ukraine. Plus petits que le Léopard 2, ils "risquent de s’embourber lors du dégel".

Qu’est-ce qui bloque ?

L’Allemagne a un rôle central dans les discussions car le fameux char demandé par l’Ukraine, le Léopard 2, est produit par l’entreprise allemande Krauss Maffei Wegmann (KMW). Pour faire simple, l’Allemagne redoute que sur la ligne de front, l’équipement ukrainien soit 100% allemand. Le pays ne veut pas endosser seul cette responsabilité.

Selon l’expert, "les débats sont vifs en Allemagne autour de la question". "Le pays se présente en faiseur de paix. En même temps, une grande majorité de la population soutient l’Ukraine. Et puis c’est un gouvernement de coalition en Allemagne. Il faut donc que tout le monde s’accorde. Le SPD, les sociaux-démocrates, est divisé sur la question mais les raisons de leurs réticences ne sont pas toujours claires", détaille-t-il.

Certains évoquent la crainte d’une escalade du conflit. "Mais l’escalade est déjà là", estime Nicolas Gosset. "À partir du moment où Moscou tire des missiles de croisière sur des barres d’immeubles de civils à Dnipro, l’escalade, elle est là."

A Ramstein, l’Allemagne a voulu recevoir des garanties de l’OTAN pour être sûre de ne pas devoir assumer cette responsabilité seule devant Moscou. "Jusqu’aux dernières heures, le chancelier allemand, Olaf Scholz, a laissé entendre que ce serait compliqué. Mais beaucoup pensaient que Ramstein suffirait pour mettre la pression sur l’Allemagne. La réunion n’a pas suffi pour rassurer Olaf Scholz, qui voulait que les Etats-Unis livrent des chars Abrams à l’Ukraine", explique Nicolas Gosset.

A l’issue de la réunion, le nouveau ministre allemand de la Défense, Boris Pistorius, a toutefois démenti "l’impression" que son pays bloquait la décision. Il a par ailleurs assuré que Berlin lançait un inventaire des stocks de Léopards dont disposent son armée et l’industrie.

La position de l’Allemagne mise de côté, il y a aussi la question de la disponibilité des armements. Les capacités d’armement des Européens ne sont pas illimitées. "Le stock européen total est de 2000 chars. Il est évident que l’Europe ne va pas céder la totalité, donc les Ukrainiens en demandent plusieurs centaines", expliquait Nicolas Gosset sur la Première, en marge de la réunion.

Un accord prochain ?

Ce samedi, l’Ukraine a déploré samedi "l’indécision" des Occidentaux. "L’indécision de ces jours tue encore plus de nos concitoyens", a critiqué sur Twitter Mykhaïlo Podoliak, un conseiller de la présidence ukrainienne, appelant les alliés de Kiev à "réfléchir plus vite".

"Le scénario le plus probable", selon le chercheur, "c’est que les alliés disent finalement oui." "Mais ça fait perdre du temps et c’est préjudiciable pour l’Ukraine", regrette-t-il.

En Europe, de nombreux pays sont favorables à une livraison de chars lourds à l’Ukraine. Ce samedi, les ministres des Affaires étrangères des trois pays baltes ont lancé un nouvel appel à l’Allemagne pour lui demander d’autoriser les livraisons de chars. Position partagée par Charles Michel, qui, lors d’une visite à Kiev, a déclaré que "des chars doivent être livrés".

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