Politique

Guerre en Ukraine : quelles seraient les conséquences d’un embargo européen sur le pétrole russe ?

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L’Europe se prépare à adopter un nouveau paquet de sanctions contre la Russie. Parmi les mesures envisagées figure l’arrêt des importations de pétrole russe. Quelles seraient les conséquences d’une telle décision ?

Peut-on se passer du pétrole russe en Europe ?

La manière dont le pétrole russe serait sanctionné doit encore être précisée. S’agira-t-il d’un embargo ? Quelle forme prendra-t-il ? Quand sera-t-il d’application ?

Se passer du pétrole russe en Europe n’est pas une décision anodine à prendre. On a vu que pour le gaz, l’Europe dépendait de la Russie pour 45% de son gaz. Pour le pétrole, c’est moins, 25%, mais c’est quand même significatif. En Belgique, la part du pétrole russe dans les importations est même de 29%.

La Belgique, comme l’Europe, peut-elle se passer de ce pétrole russe ? "Si on diminue les 29%, on peut trouver d’autres sources d’approvisionnement en Europe, en Grande-Bretagne, en Norvège, en Amérique, en Arabie saoudite, dans des pays d’Afrique", explique Jean-Benoît Schrans, porte-parole d’Energia, la fédération qui représente le secteur pétrolier en Belgique. "Il y a des alternatives", poursuit Jean-Benoît Schrans. "Le secteur a quand même une grande flexibilité logistique pour pouvoir affréter des bateaux d’autres régions du monde pour pallier ou compenser la perte du pétrole russe", ajoute-t-il.

Un délai d’adaptation nécessaire

Cependant, tempère Jean-Benoît Schrans, "cela ne peut pas se faire du jour au lendemain". Affréter des pétroliers dans d’autres régions du monde "va prendre quelques jours". Donc, estime le porte-parole d’Energie, "on pourrait avoir pendant une certaine période une certaine inquiétude par rapport à l’offre", tout en restant confiant sur la capacité du secteur pétrolier à surmonter rapidement les conséquences de sanctions européennes.

Des conséquences probables sur les prix à la pompe

Il faut s’attendre à ce que les marchés réagissent face à cette incertitude. "La seule certitude qu’on a, c’est l’incertitude des marchés. Il y aura inévitablement un impact sur les cotations, sur la bourse. Cela pourrait effectivement avoir un impact à la hausse à la pompe", estime Jean-Benoît Schrans.

Le porte-parole d’Energie n’a pas de boule de cristal, mais il estime que des prix en augmentation "pourraient être l’effet à court terme". "A plus long terme, on devra trouve un équilibre entre l’offre et la demande qui pourrait rééquilibrer les prix", estime Jean-Benoît Schrans. Impossible cependant pour ce dernier de chiffrer cette augmentation des prix en raison du nombre d’éléments qui influencent les prix pétroliers : offre et demande, valeur de l’Euro face au dollar, notamment.

De son côté, la Banque centrale allemande a estimé, il y a une dizaine de jours, que le contexte actuel pourrait faire grimper le baril Brent, le pétrole de la Mer du Nord à 170 dollars le baril. Le baril de Brent avoisine aujourd’hui les 105 dollars.

Des raffineurs, comme TotalEnergies, ont déjà décidé de se passer du gaz russe

Dans le secteur pétrolier, certains, comme TotalEnergies ont pris conscience de la nécessité de chercher des alternatives au pétrole russe. "Compte tenu de l’aggravation de la situation en Ukraine et de l’existence de sources alternatives pour approvisionner l’Europe, TotalEnergies prend unilatéralement la décision de ne plus conclure ou renouveler des contrats d’achat de pétrole et de produits pétroliers russes, afin d’arrêter tout achat de pétrole ou produits pétroliers russes, dans les meilleurs délais et au plus tard à la fin de l’année 2022", expliquait déjà, le 22 mars la société TotalEnergies.

A Anvers, la raffinerie que possède le groupe TotalEnergies se passe déjà de pétrole russe depuis plusieurs semaines. "Pour le marché belge, cela fait déjà plusieurs semaines que nous avions anticipé cette situation. Aujourd’hui, nous en sommes à quasi 0% d’importations de pétrole russe", explique Pascal De Crem, porte-parole de TotalEnergies en Belgique. La proximité du port d’Anvers permet au groupe TotalEnergies de se tourner plus aisément vers d’autres sources d’approvisionnement que la Russie. "L’avantage que nous avons avec notre plateforme d’Anvers, avec la raffinerie d’Anvers, c’est que, moyennant quelques adaptations techniques, elle peut recevoir pas mal de qualités de pétrole brut différentes", poursuit Pascal De Crem.

A Anvers, c’est donc l’une des principales raffineries d’Europe qui a tourné le dos au pétrole russe. Et chez TotalEnergies en Belgique, on se montre confiant. "Même si cela dure des semaines et des mois, il n’y aura pas de problèmes. Nous pourrons assurer la production. Il n’y aura pas de pénuries", affirme Pascal De Crem, le porte-parole.

Notons que la raffinerie anversoise de Total alimente aussi les pompes d’autres marques en Belgique. En effet, les deux raffineries implantées sur le sol belge, à Anvers, celle de TotalEnergies et celle du groupe Exxon fournissent aussi les pompes de réseaux concurrents.

Le cas du réseau de pompes Lukoil

Les pompes "Lukoil" sont nombreuses en Belgique. Avec près de 300 stations-service dans le pays, Lukoil s’est implanté à la place de l’ancien réseau "Jet", lui-même descendant des pompes "Seca".

Lukoil, c’est aussi le principal groupe pétrolier russe. En Belgique, Lukoil tient à prendre ses distances avec la Russie et le conflit en Ukraine. "Nous ne sommes, en tant qu’entreprise internationale indépendante, pas sous le coup de sanctions. Nous opérons donc, en ce moment d’une manière normale et nous ne nous attendons pas, pour le moment, à des ruptures d’approvisionnement", nous a communiqué la société Lukoil en Belgique.

Lukoil Belgique explique s’approvisionner en essence et pour la plus grande partie de son diesel dans la zone "ARA", soit la zone comprenant les complexes pétroliers de raffinage d’Amsterdam, Rotterdam et Anvers. Dans cette zone, un tiers du pétrole raffiné vient, pour le moment, de Russie et se mélange à d’autres pétroles venus d’ailleurs dans le monde.

Lukoil ajoute que c’est société de trading basée en Suisse qui gère les achats et les ventes de carburants en provenance de tous les continents. Lukoil Belgique peut aussi compter, pour une partie de son diesel, sur sa propre raffinerie, installée à Flessingue, en Zélande. La "Zeeland Refinery" est détenue à 45% par Lukoil et à 55% par TotalEnergies. Contacté, Lukoil n’a, à ce stade, pas été en mesure de nous communiquer d’où provenait le pétrole raffiné à Flessingue.

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