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Guerre en Ukraine : sur l’île de Gotland, en Suède, l’inquiétude face au voisin russe

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Alors que le Royaume de Suède envisage de rejoindre l’Organisation de l’Atlantique Nord, Moscou agite en représailles la menace du déploiement d’armes nucléaires sur son territoire de Kaliningrad situé à 300 kilomètres de l’île suédoise de Gotland. Depuis la guerre froide, Gotland occupe une position stratégique au milieu de la mer Baltique. Ses habitants s’inquiètent et le gouvernement suédois se prépare militairement à l’éventualité d’une attaque.

" C’est difficile de ne pas être inquiet. Dès que l’on entend un avion de chasse, on se demande si c’est un avion de l’armée suédoise qui s’entraîne ou un avion russe qui vient nous attaquer ". Si Christopher amène encore, comme chaque jour ses deux jeunes enfants au parc, il ne parvient plus vraiment à cacher sa peur. Il fait référence à la dernière intimidation en date de Moscou. C’était le 2 mars dernier. Quatre chasseurs russes se sont introduits dans l’espace aérien suédois et ont survolé l’est de l’île de Gotland.

Christopher ne parvient plus à cacher sa peur
Christopher ne parvient plus à cacher sa peur © Pierre Morel

Véhicules blindés dans les rues

Deux mois plus tôt, c’est l’incursion de six navires militaires qui avaient réveillé des tensions, qui depuis la guerre froide, n’avaient jamais vraiment disparu.

Depuis, les habitants de Visby, capitale de Gotland, d’ordinaire habitués à voir passer les touristes sous leurs fenêtres, observent maintenant les soldats suédois et les véhicules blindés défiler dans les rues.

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Carina, 68 ans, a passé toute sa vie à Gotland, elle assiste à ce déploiement de forces armées sans vraiment encore comprendre ce qu’il se passe : " Nos militaires sont arrivés sur l’île, on les voit très souvent et c’est très inhabituel pour nous. Nous avons aidé l’Ukraine en envoyant des armes et on ne sait pas comment Poutine peut réagir. En tout cas, je me sens plus en sécurité de savoir que nos militaires sont là ".

La présence des militaires suédois rassure Carina.
La présence des militaires suédois rassure Carina. © Pierre Morel

Escalade

En réaction à cette potentielle menace russe, Stockholm a déployé des centaines de militaires, venus en renfort des 350 hommes déjà présents en permanence sur l’île. La menace de Moscou de positionner des missiles nucléaires sur les côtes du territoire russe de Kaliningrad si la Suède rejoignait l’OTAN a constitué une escalade de taille dans les tensions entre les deux pays.

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L’État nordique, qui avait largement sabré les dépenses militaires depuis la fin de la guerre froide a corrigé le tir. Entre 2014 et 2025, le pays a gonflé son budget militaire 2,6 milliards d’euros, soit une augmentation de 40%. Et en 2016, la Suède a réintroduit le service militaire obligatoire, qu’elle avait abandonné six ans plus tôt.

Au conseil régional, le vice-président de la région de Gotland, Jesper Skalberg Karlsson se veut rassurant. " Bien sûr que nous sommes soucieux de ces menaces répétées. Mais la situation aujourd’hui est finalement la même que depuis des années. La Russie a toujours essayé de nous intimider. Nous avons des plans prévus de longue date si le pire devait arriver. Les forces armées suédoises de défense se sont beaucoup développées ces dernières années. Nous mettons tout en place pour protéger la Suède et surtout notre art de vivre ".

 

Jesper Skalberg Karlsson, vice-président de la région de Gotland
Jesper Skalberg Karlsson, vice-président de la région de Gotland © Pierre Morel

300 km de Kaliningrad

Depuis la guerre froide, Gotland occupe une position géostratégique cruciale dans la mer baltique. Située au large des côtes sud de la Suède, l’île n’est qu’à seulement 300 km de l’enclave russe de Kaliningrad. Dans ce contexte de tensions, Gotland redevient un enjeu.

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Spécialiste à la Haute École de la Défense, Magnus Christiansson, définit Gotland comme un bouclier que les Russes pourraient dresser face aux menaces occidentales. " Si les États Baltes étaient menacés par les Russes d’une incursion ou d’une agression, la première des options pour porter assistance aux Etats baltes, ce serait de passer par l’espace aérien suédois. Alors, occuper l’île de Gotland permettrait de stopper toute interférence des Occidentaux. Ce serait alors très difficile pour l’Ouest de venir en aide aux États baltes. C’est ce que l’on appelle une bulle d’anti-accès aérien. Voilà pourquoi cette île est considérée comme un lieu si stratégique dans la mer Baltique ".

Magnus Christiansson, spécialiste à la Haute École de la Défense
Magnus Christiansson, spécialiste à la Haute École de la Défense © Pierre Morel

Selon la presse finlandaise, les dirigeants de la Finlande et de la Suède prévoient une rencontre mi-mai et d’annoncer ensuite publiquement leur souhait de rejoindre l’alliance. Alors qu’ils n’étaient que 20%, avant le début de la guerre en Ukraine, une majorité de 51% de Suédois sont désormais partisans d’une adhésion à l’OTAN.

Si la Suède rejoint l’OTAN, le pays deviendra la première ligne face à la Russie.

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