Guerre en Ukraine

Guerre en Ukraine : Ursula von der Leyen et les Européens à Kiev, des visites uniquement symboliques ?

"L’Ukraine marche vers un avenir européen", a déclaré Ursula von der Leyen lors de sa visite à Kiev le vendredi 8 avril.

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Par Sandro Calderon

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen était en Ukraine ce vendredi 8 avril. En visite à Boutcha, elle a dénoncé la cruauté de l’armée russe. A Kiev, elle a menacé la Russie de " décomposition " et a promis un " avenir européen " à l’Ukraine.

Ces dernières semaines, plusieurs dirigeants sont allés voir le président ukrainien Volodymyr Zelensky pour lui exprimer leur soutien. Ce samedi 9 avril, c’est le chancelier autrichien, Karl Nehammer qui fait le déplacement.

Mais au-delà du symbole, quelle est l’importance de ces visites ? Et pourquoi Charles Michel, le président du Conseil européen, est le seul dirigeant des institutions européennes à ne pas – encore – visiter Kiev ? Analyse avec Eric Maurice, responsable du bureau bruxellois de la Fondation Schuman.

Le mardi 15 mars, le président ukrainien Volodymyr Zelensky reçoit la visite surprise des premiers ministres polonais, tchèque et slovène.
Le mardi 15 mars, le président ukrainien Volodymyr Zelensky reçoit la visite surprise des premiers ministres polonais, tchèque et slovène. © Tous droits réservés

Une première visite surprise

Le mardi 15 mars, alors que Kiev vit sous les bombes, le président ukrainien Volodymyr Zelensky reçoit une visite surprise. Ce jour-là, les premiers ministres polonais, tchèque et slovène ont fait un long voyage en train pour lui réaffirmer le soutien de l’Europe. " C’est ici, à Kiev, ravagée par la guerre, que l’histoire est en train de se faire. C’est ici que la liberté affronte le monde de la tyrannie. C’est ici que se joue notre avenir. L’Union européenne soutient l’Ukraine, qui peut compter sur l’aide de ses amis ", écrivait sur Twitter le Premier ministre polonais, Mateusz Morawiecki, en arrivant à Kiev.

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Cette visite, très médiatique, a éclipsé celles, le même jour, du Commissaire européen à l’Environnement, le Lituanien Virginijus Sinkevicius, dont l’épouse est Ukrainienne, et du ministre lituanien des Affaires étrangères, Gabrielius Landsbergis.

Tous ces responsables politiques viennent de l’Est et du Centre de l’Europe. " Pour faire simple, explique Eric Maurice, les Etats de l’Est de l’Union européenne sont beaucoup plus méfiants, voire hostiles à la Russie et beaucoup plus ouverts au soutien à l’Ukraine que certains Etats de l’Ouest de l’Union européenne. Ce n’est donc pas un hasard si les premières visites de responsables de haut niveau venaient de pays de l’Est de l’UE. En fait, certains Etats, notamment les Baltes, la Pologne voudraient aller jusqu’à un embargo total sur le gaz et le pétrole russes alors que d’autres Etats, comme l’Allemagne au premier rang, mais également l’Italie, la France, sont beaucoup plus réticents à payer le coût économique qu’aurait une telle mesure. Quant à la question de l’adhésion de l’Ukraine, évidemment, les Etats de l’Est de l’UE sont traditionnellement, et ce bien avant la guerre déjà, beaucoup plus ouverts et partisans d’une adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne alors que les autres Etats membres encore une fois, l’Allemagne, les Pays-Bas par exemple, sont réticents à accepter l’Ukraine dans le club européen. "

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Deux présidentes à Kiev

Deux semaines plus tard, le vendredi 1er avril, c’est au tour de Roberta Metsola, la présidente du Parlement européen, de se rendre à Kiev. Une visite " héroïque ", selon le président ukrainien Volodymyr Zelensky, au cours de laquelle elle exprimera, elle aussi, son soutien aux Ukrainiens : " Je vous prie de me croire quand je dis que le Parlement européen, l’Union européenne et le peuple européen se tiennent aux côtés de l’Ukraine. " Roberta Metsola promet également l'aide de l’Europe dans la reconstruction des villes et villages ukrainiens après la guerre.

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Arrive ensuite Ursula von der Leyen. La présidente de la Commission européenne était en Ukraine ce vendredi 8 avril (accompagnée par le chef de la diplomatie européenne, Josep Borrell et le Premier ministre slovaque, Edouard Heger). On l’a vue dans la ville martyre de Boutcha où elle a condamné " la face cruelle de l’armée de Poutine ". Quelques heures plus tard, de retour à Kiev, elle a menacé Russie de " sombrer dans la décomposition économique, financière et technologique " en raison des sanctions occidentales. Face aux caméras, la présidente de la Commission européenne a également remis au président Zelensky un questionnaire, aux couleurs de l’Union européenne et de l’Ukraine, pour lancer l’examen de la demande d’adhésion de l’Ukraine à l’Union européenne.

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Un moment avant tout très symbolique car cette question divise les pays européens, souligne Eric Maurice, de la Fondation Schuman : " La Commission européenne a lancé le processus d’adhésion qui est très long, à la demande des Etats membres. Mais pour l’instant, ce n’est que le début du processus. Ursula von der Leyen dit que la première étape ne prendra que quelques semaines au lieu de quelques mois mais on sait bien que, derrière, les vraies négociations prendront du temps. Sur ce point, la présidente de la Commission, en allant à Kiev, rappelle la perspective européenne de l’Ukraine mais elle se garde bien de parler d’adhésion et de donner une date pour l’adhésion parce qu’elle en est bien incapable. Ça dépendra évidemment de la situation sur le terrain en Ukraine, des progrès que pourrait effectuer une Ukraine post-guerre et ensuite ça dépendrait de l’accord des 27 Etats membres à l’unanimité. On voit donc que c’est un processus très difficile mai il est très important de rappeler que l’Ukraine se rapproche des valeurs européennes, de la famille politique européenne et que l’Europe la soutient dans cette guerre contre la Russie. "

Un message répété, avec certaines nuances, par tous les responsables européens qui se sont rendus à Kiev ces dernières semaines.

Et Charles Michel ?

Reste le 3e dirigeant des institutions européennes. Charles Michel, le président du Conseil européen, ne s’est pas encore rendu en Ukraine. Dans l’entourage du dirigeant belge, un tel voyage n’est pas exclu. Mais rien n’est prévu dans l’immédiat. Il faut dire que sa marge de manœuvre est plus étroite que celle d’Ursula von der Leyen ou de Roberta Metsola. " Roberta Metsola est la présidente du Parlement européen et on sait que le Parlement, par nature, c’est l’organe de la représentation démocratique des citoyens européens. Par nature, l’Assemblée soutient le peuple ukrainien dans son combat contre la Russie et pour la démocratie. Roberta Metsola a donc apporté un soutien politique mais elle ne peut pas prendre d’engagement au nom de l’Union européenne puisque le Parlement européen n’est pas seul à décider. Ce soutien politique était donc assez facile à porter. Ursula von der Leyen est dans une position différente. Elle dirige la Commission européenne qui est l’administration de l’UE. C’est elle qui gère les fonds pour l’aide aux réfugiés. Elle gère la procédure d’adhésion mais si elle n’en est qu’à ses débuts. Elle gère aussi la centralisation des fonds pour les achats et la livraison d’armes au nom de l’Union européenne. Elle est donc dans la mise en œuvre de ce qui est décidé par les Etats-membres et elle peut aller à Kiev en rappelant cette action et le message de solidarité qui accompagne cette action. Charles Michel, lui, est dans une situation qui est difficile. Il est le président du Conseil européen, c’est-à-dire l’Assemblée des 27 chefs d’Etat et de gouvernement. Lorsqu’il doit parler au nom des 27, il faut une position commune, claire. Or malheureusement pour l’instant les 27 ne sont pas d’accord sur la question de l’adhésion de l’Ukraine, sur la question de l’embargo sur le pétrole et le gaz russes, par exemple. Donc, Charles Michel n’est pas en position de porter une position claire et unique de la part des 27 et finalement, s’il allait à Kiev, il serait critiqué de toute part et affaiblirait le message européen et sa propre position. "

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Cela dit, malgré les divisions entre les 27, le président du Conseil, Charles Michel, joue sa propre partition. Ce mercredi 6 avril, devant le Parlement européen, il a déclaré que l’Union européenne devra "tôt ou tard" prendre des sanctions sur le pétrole et le gaz russes. Et pendant la visite d’Ursula von der Leyen à Kiev, il a annoncé la tenue les 30 et 31 mai prochains d’un sommet européen sur la guerre en Ukraine, l’énergie et la défense.

Extrait du JT de 13h du 09/04/2022

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