Alors que les grandes économies poursuivent une stratégie " tous azimuts " pour remplacer les combustibles fossiles russes, les mesures à court terme risquent de créer une dépendance à long terme aux combustibles fossiles et de fermer la fenêtre à 1,5°, avertissait fin mars le Secrétaire général de l’ONU, António Guterres. "Les pays pourraient être tellement absorbés par le déficit immédiat d’approvisionnement en combustibles fossiles qu’ils négligeraient ou mettraient à genoux les politiques visant à réduire l’utilisation des combustibles fossiles".
Un constat partagé par Jean-Pascal van Ypersele, qui craint le recours au gaz liquéfié provenant des États-Unis pour pallier le gaz russe. "Si on essaye de rendre l’Europe indépendante de la Russie le plus vite possible, on va faire appel au gaz liquéfié des États-Unis. Or, c’est à nouveau investir dans des infrastructures fossiles. On se dirige à nouveau dans la mauvaise direction, tout comme pour la prolongation des centrales à charbon."
On a l’impression que c’est un réveil brutal pour les pays industrialisés qui se rendent compte de leur dépendance aux énergies fossiles.
François Gemenne, spécialiste de la gouvernance du climat et des migrations, distingue quant à lui l’impact à court terme et celui à plus long terme de ce conflit. "On a l’impression que c’est un réveil brutal pour les pays industrialisés qui se rendent compte de leur dépendance aux énergies fossiles et aux régimes autocratiques", explique-t-il. Selon lui, si la crainte est que ces pays se tournent dans un premier temps vers d’autres ressources aussi voire plus polluantes, il y a aussi la possibilité que cette prise de conscience mène à une indépendance énergétique bénéfique.
C’est d’ailleurs l’hypothèse défendue par les économistes Maksym Chepeliev, Thomas Hertel et Dominique van der Mensbrugghe, qui viennent de publier une recherche intitulée "Réduire les exportations de combustibles fossiles de la Russie : une souffrance à court terme pour un gain à long terme" (Cutting Russia’s fossil fuel exports : Short-term pain for long-term gain). Selon eux, il serait possible de s’affranchir du pétrole et du gaz russes avec des effets bénéfiques sur le climat. Ils concluent notamment que des restrictions sur les exportations russes auraient un coût modeste pour l’économie de l’Union européenne, mais "se traduiraient par d’importants avantages environnementaux connexes grâce à la réduction des émissions de CO2 et des polluants atmosphériques".