Quel est le lien entre l’expression "guerre hybride" et les migrants coincés à la frontière biélo-polonaise ? Ce lien a notamment été réalisé par plusieurs dirigeants et responsables européens. Dans son discours sur l’Etat de l’Europe du 9 novembre dernier, le président du Conseil européen Charles Michel, a déclaré que les Européens étaient confrontés à une "attaque hybride brutale" aux frontières européennes, où la Biélorussie "instrumentalise la détresse des migrants d’une manière cynique et choquante".
Le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki, un habitué de l’expression, déclarait ce lundi 22 novembre que son pays était confronté "à un nouveau type de guerre, une guerre dans laquelle les migrants sont des armes, la désinformation est une arme, une guerre hybride". Si l’on suit le raisonnement du chef du gouvernement polonais, on pourrait comprendre que les migrants constituent une arme et qu’ils sont donc dangereux. Une rhétorique sécuritaire.
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"Lorsqu’on parle de migrants, il y avait jusqu’ici une rhétorique de la criminalisation, c’est-à-dire que l’on transforme un problème de droits humains en problème de crime en disant que des terroristes s’infiltrent parmi les migrants et qu’il y aura un risque d’attentat. On criminalise des personnes qui, en réalité, sont des victimes", analyse Olivier Corten. "Ça s’est déjà beaucoup fait. Ici, un palier supplémentaire est franchi. L’expression guerre hybride est un euphémisme pour dire que c’est quand même une guerre… donc on est en légitime défense… donc on peut construire des murs… donc on peut même utiliser la force."
Le directeur du Groupe d’information sur la paix et la sécurité (GRIP), Yannick Quéau, s’indigne également de l’utilisation de l’expression. "Ces discours-là ne sont pas neutres. Mais on parle d’humains derrière. On n’a jamais traité ces questions-là avec des canons. Pensons seulement à l’image des transfuges du bloc de l’est vers l’ouest. Ici, c’est la même chose et on les traite comme une menace. C’est pareil pour les réfugiés espagnols pendant la guerre civile ou la dictature de Franco. On reprend des vocables qui déshumanisent les personnes, c’est un scandale. Il faut ramener ces gens à leur statut de victime."
Yannick Quéau va même plus loin : "Endosser le vocable de l’extrême droite (sécuritaire, ndlr), c’est le cautionner".