Handicap visuel et nouvelles technologies : pourquoi le braille reste essentiel à l’heure du numérique

Selon les estimations de l’Organisation mondiale de la Santé, une personne sur 1000 en Belgique serait aveugle, alors qu’une sur 100 serait considérée comme malvoyante. Chez nous cependant, comme chez nos voisins français, seulement déficient visuel sur cinq est en mesure de lire le braille.

L’apprentissage de ce nouveau langage n’est pas chose aisée et les obstacles sont nombreux. "Apprendre le braille n’est pas donné à tout le monde. Plus les personnes sont âgées, plus il est difficile de l’enseigner. Il faut que la pulpe du bout des doigts soit souple afin de pouvoir lire en relief. Les enfants l’intègrent plus rapidement", explique Line Brasseur, chargée de communication pour l’ASBL La Lumière qui s’occupe notamment de former les déficients visuels.

C’est d’ailleurs pour cette raison que le braille est enseigné aux enfants le plus tôt possible, selon Line Brasseur, afin qu’ils puissent rapidement devenir autonomes et pour favoriser leur inclusion sociale et professionnelle : "Ils suivent leurs cours en braille, ils ont des machines pour écrire en braille. De notre côté on leur transcrit tous leurs cours en braille et en relief, pour les cours à forte composante visuelle comme la géométrie ou la géographie."

L’arrivée du smartphone et des technologies de synthèse vocale a bouleversé le quotidien des personnes atteintes d’un handicap visuel. Pour celles qui ont appris à utiliser le braille, il existe des "barrettes braille", des claviers connectés qui transforment les données de l’écran en caractères braille, leur permettant ainsi de lire et de saisir du texte. Pour les autres, le grand avantage du smartphone est qu’il permet de fonctionner uniquement via la voix.

Aujourd’hui, la personne souffrant d'une déficience visuelle a la chance de pouvoir dialoguer directement avec son téléphone pour effectuer certaines actions, grâce aux assistants virtuels tels que Siri et Bixby. "C’est un réel avènement dans le sens où ça redonne une autonomie aux personnes malvoyantes et aveugles. Aujourd’hui le smartphone est un couteau suisse qui permet aussi bien d’entretenir des liens sociaux que de gérer son quotidien administratif", explique Julien Rolin, responsable du service d’information sur les adaptations techniques à la Ligue Braille.

Là où pour les personnes valides c’est un must, pour les personnes déficientes, c’est quasiment une nécessité.

Les exemples d’amélioration du quotidien sont nombreux : envoyer et recevoir des messages, accéder à l’information, demander de l’assistance ou encore s’orienter en rue plus facilement. Récemment, une start-up anversoise a développé une application mobile capable de reconnaître la couleur des feux de signalisation et de transmettre ces informations à l’utilisateur grâce aux sons et vibrations du téléphone.

Selon Julien Rolin, les avancées en matière de domotique facilitent également la vie des personnes malvoyantes et aveugles : "Elles peuvent désormais très bien démarrer à distance leur chauffage, leur aspirateur robot, allumer ou éteindre les lumières. Là où pour les personnes valides c’est un must, pour les personnes déficientes, c’est quasiment une nécessité."

Pour autant, l’arrivée de nouvelles technologies sur le marché ne signifie pas la mort du braille, inventé il y a presque deux siècles. Outre le fait de permettre la lecture directe, la barrette braille reste le seul moyen pour le déficient visuel d’accéder à l’orthographe et de pouvoir se relire sur un ordinateur ou un smartphone.

Ainsi, selon Line Brasseur, il est extrêmement important de maîtriser le braille pour jouir d’une autonomie complète et accéder au marché de l’emploi : "Avec la synthèse vocale, vous perdez cette grammaire et cette orthographe. Le smartphone reproduit des sons mais ne se soucie pas forcément de l’orthographe et de la syntaxe, ce qui est fondamental lorsque vous voulez postuler pour un emploi ou avoir accès à des études supérieures. Dans un monde idéal, les technologies vocales devraient être utilisées en complément du braille et non en substitut", conclut-elle.

Barrettes braille, stylos qui scannent le texte en le reproduisant à voix haute, tablettes tactiles qui modélisent le braille et des objets graphiques : les avancées technologiques dans le secteur du handicap visuel sont prometteuses. Elles sont aussi coûteuses, comptez environ 6000€ pour une barrette braille connectée.

"Ce sont des technologies qui restent très chères. Malheureusement, on n’a pas la main mise sur la démocratisation des prix de ces technologies. Le secteur du handicap visuel est un petit marché. L’idéal serait de pouvoir rendre ces technologies accessibles au plus grand nombre", regrette Julien Rolin, responsable du service d’information sur les adaptations techniques à la Ligue Braille.

À noter qu’il existe des fonds régionaux, qui peuvent intervenir pour accompagner les déficients visuels en dessous de 65 ans. Des aides matérielles peuvent également être obtenues auprès de différentes associations et notamment auprès du fonds Zoé pour les plus de 65 ans.