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Harcèlement sexuel et remarques homophobes à la prison de Saint-Gilles : l’auteur des faits obtient gain de cause au Conseil d’Etat

Un agent de la prison de Saint-Gilles a été sanctionné par sa hiérarchie.

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Par Karim Fadoul

Une sanction disciplinaire annulée ! C’est la décision rendue par le Conseil d’Etat fin septembre dernier concernant le recours introduit par un agent de la prison de Saint-Gilles contre l’Etat fédéral et le SFP Justice. Cet assistant de surveillance pénitentiaire affecté au centre médico-chirurgical, pour être précis, faisait l’objet de multiples procédures disciplinaires pour harcèlements sexuel et moral, insultes à caractère homophobe et introduction d’une spycam (mini-caméra) dans l’enceinte de la prison. Sa victime principale : une infirmière du même centre médico-chirurgical.

Avances répétées et de plus en plus insistantes

Remontons à février 2017 lorsque l'infirmière signale à la direction de la prison un "problème de harcèlement" ayant commencé en septembre 2016. Elle expose, comme l’indique le compte-rendu du Conseil d’Etat, "avoir fait l’objet de sa part d’avances répétées et de plus en plus insistantes, qu’elle a toutes refusées".

Mais aussi que l’auteur des faits est "devenu agressif notamment lorsqu’il lui a reproché de lui avoir caché qu’elle était lesbienne, qu’il lui a demandé de révéler les questions "bac à courrier" d’une épreuve de Selor (qu’elle n’avait jamais eues), et qu’il s’est encore permis de l’appeler "DemiLune", soit le petit nom que sa meilleure amie lui a donné et uniquement visible sur son compte Facebook". Une première décision est prise : l’auteur des faits est écarté. La direction lui demande également d’éviter tout contact avec l’infirmière.

Rumeurs

Les contacts ne vont toutefois pas s’arrêter. Le harceleur envoie quelques jours plus tard un mail de menace à sa victime qui porte officiellement plainte en mars auprès de la hiérarchie.

Celle-ci signale également que son collègue fait courir le bruit qu’elle est "lesbienne". En avril, une nouvelle plainte est introduite pour des faits d’homophobie, de divulgation méchante et d’usurpation d’identité suite à la création d’un faux compte Facebook diffamatoire intitulé "Je suis lesbienne et fière".

Harcèlement en ligne : quelle protection pour les victimes ?

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Les mois passent, la pression s’accentue sur la victime qui continue à recevoir des mails. Elle "continue à avoir peur", dit-elle. L’auteur, lui, ne se présente pas aux auditions disciplinaires, se dit également victime pour avoir dénoncé une tricherie à un examen.

Mutation et retenue de salaire

En septembre, la direction rend un rapport circonstancié qui confirme l’écartement de l’agent. La direction ajoute un élément : l’introduction d’une spycam (une mini-caméra espion) dans l’enceinte de la prison, ce qui est interdit.

Nous sommes en octobre 2017. Et malgré le rapport, les faits de harcèlement et de remarques à caractère homophobe continuent. Une nouvelle sanction tombe : interdiction d’accès à l’établissement pénitentiaire avec effet immédiat et nouveau dossier disciplinaire ouvert.

Pendant deux ans, les deux procédures vont suivre leur cours. L’intéressé va être muté, d’abord à la prison de Nivelles puis à celle de Lantin. Décision qui tombe en février 2019 et "motivée, en substance, en raison du comportement inadéquat (de l'auteur des faits) à l’encontre de (la victime) engendrant un malaise sur le lieu de travail et mettant à mal la relation de confiance tant vis-à-vis de la direction que des collègues et également la sécurité de l’établissement ainsi que celle des collègues."

Le dépassement du délai raisonnable

La mutation est doublée d’une sanction : retenue de traitement de vingt pour cent pendant six mois. C’est cette sanction qui a été attaquée au Conseil d’Etat qui a donné raison au plaignant. Pour quel motif ? Le dépassement du délai raisonnable : il s’est écoulé une période beaucoup trop longue entre la première plainte et la sanction, soit deux ans.

"En matière disciplinaire, le principe général du délai raisonnable implique notamment que, dès que l’autorité compétente a une connaissance suffisante de faits susceptibles de donner lieu à une sanction, elle a l’obligation d’entamer et de poursuivre la procédure avec célérité, faute de quoi elle perd la possibilité de prononcer toute sanction", indique le Conseil d’Etat dans son arrêt.

Contacté après ce revers, le SPF Justice n’a pas souhaité réagir. "Nous avons pour habitude de ne pas commenter ce genre de décisions", nous explique Valérie Callebaut, porte-parole de l’administration pénitentiaire.

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