Monde Asie

Haute tension dans les trains nippons : recrudescence d'agressions sexuelles avec le retour des examens

Des rames réservées aux femmes.

© Bernard Delattre / RTBF

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Par Bernard Delattre, correspondant RTBF à Tokyo

A Tokyo comme dans toutes les grandes villes japonaises, les forces de l’ordre sont sur les dents depuis l’ouverture, le week-end dernier, de la saison des examens et des concours d’entrée aux universités ou aux lycées les plus prestigieux. Aux abords des gares et des stations de métro, sur les quais et dans les rames, une armada de policiers veille au grain. Des militantes d’associations féministes distribuent des tracts. Et, en boucle, des annonces sonores mettent les usagères en garde contre les ''chikan''.

Ce terme désigne les hommes qui tirent parti de la cohue dans les transports publics aux heures de pointe pour y agresser sexuellement les femmes : ils profitent de la densité de la foule et de la promiscuité qu’elle induit pour se livrer à des attouchements. Souvent, aussi, ils prennent des photos qui attentent à l’intimité des usagères : des clichés volés d’écolières en uniforme (une jupe plissée assez courte), par exemple. Ou ils se placent sciemment derrière les femmes qui gravissent des escaliers ou empruntent des escalators puis, grâce au dénivelé, tentent de filmer sous leur jupe à l’aide de caméras miniatures.

​​​​​​​Neuf victimes sur dix ne portent pas plainte

Tous les hivers, à l’approche des concours d’admission aux universités et aux grandes écoles, ces ''chikan'' s’échangent fiévreusement " les bons tuyaux ", comme ils disent, sur le dark web, les réseaux sociaux ou les messageries instantanées. Ils repèrent les jours et les heures où les épreuves sont programmées ainsi que les lignes de train ou de métro que les jeunes filles vont emprunter pour s’y rendre. Le moment venu, les intéressées seront particulièrement vulnérables. En effet, arriver en retard à ces examens les contraindrait à attendre une année entière avant d’être autorisées à les présenter. Elles ne peuvent donc pas se permettre de dénoncer leurs agresseurs, ce qui suppose de passer des heures au commissariat. "La chasse aux jeunes filles est ouverte !", se sont réjouis, dernièrement, des ''chikan'' sur Twitter. En réaction, les autorités ont lancé une grande campagne de prévention et de sensibilisation.

A l’échelle du pays, les agissements de ces prédateurs donnent lieu à 2000 poursuites judiciaires par an environ, sans compter les quelque 300 cas annuels d’outrage aux bonnes mœurs qui sont déplorés dans les transports publics nippons (exhibitions sexuelles, etc.). " Ce n’est que la pointe de l’iceberg ", selon une association d’aide aux femmes victimes de violences. " Neuf usagères agressées sexuellement sur dix ne portent pas plainte. Ce chiffre de 2000 reflète donc tout sauf l’ampleur de ce fléau ".

Affiche appelant à venir en aide aux victimes.
Affiche appelant à venir en aide aux victimes. © Bernard Delattre / RTBF

Les collectifs de femmes se mobilisent

Pour tenter de l’atténuer, certaines rames sont réservées aux femmes pendant les heures de pointe. Mais toutes les lignes ne proposent pas un tel service. Des milliers de caméras de vidéosurveillance ont été installées. Mais l’archipel compte 9500 gares, dont 760 rien qu’à Tokyo. Chaque jour, plus de 50.000 trains, empruntés par huit millions d’usagers, circulent dans la région-capitale. Il est budgétairement impossible de généraliser la vidéosurveillance dans un réseau aussi immense et fréquenté. Des applications pour smartphone ont donc été mises au point, qui permettent aux usagères victimes d’attouchements de prévenir la police en temps réel puis, grâce à la géolocalisation de leur smartphone, d’être rapidement assistées.

Au-delà des autorités, les femmes se mobilisent contre les ''chikan''. Des associations organisent des ateliers de prévention ou des démonstrations de self-défense dans les gares. Des lycéennes ont créé des badges éloquents (" Bas les pattes ! ", " Je ne me laisserai pas faire ! ", etc.), qui ornent le cartable de nombre d’écolières. Et un collectif édite en ligne un relevé des gares et des lignes où des agressions ont été rapportées à la police. Cette cartographie permet aux femmes d’éviter, autant que possible, les itinéraires et les horaires de voyage réputés les plus périlleux.

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