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Helena Deland : "J’ai envie de faire de la musique plus directe"

© Tess Roby

Par Diane Theunissen via

Active au sein de la scène indie Montréalaise depuis plusieurs années, la chanteuse-compositrice-interprète Helena Deland a toujours su capter l’attention de son public. Tandis que ses textes poignants résonnent dans les tripes et dans les cœurs, ses mélodies subtiles et sa voix d’ange racontent des histoires bien réelles, sans filtre. Rencontre avec une artiste entière, ancrée et en constante évolution, qui dévoilera ses nouvelles chansons ce soir lors des Nuits Botanique.

Salut Helena ! Comment vas-tu ?

Très bien. Je suis dans le tour bus de Andy Shauf, dont je fais la première partie en ce moment. Ce soir, on joue à Stockholm.

© Tess Roby

Il y a quelques semaines, tu sortais le single “Swimmer”. Ce morceau représente-t-il le début d’une nouvelle aventure musicale pour toi ?

Cette chanson-là existe un peu par elle-même. Elle va faire partie d’un album prochainement. Mais je l’ai faite à cause de l’actualité émotionnelle qu’elle représentait pour moi, au moment de la sortir. C’est une chanson à propos du décès de ma mère, donc ça fait partie de tout un processus de deuil. Ça me fait du bien de pouvoir la jouer en live en ce moment, et que les gens l’entendent pour la première fois. Donc ce n’est pas nécessairement le début d’une nouvelle ère, mais c’est définitivement la porte vers la suite, si on veut.

Est-ce que le fait de mettre tes émotions en musique t’a aidé à faire ton deuil ?

Oui. Cette chanson-là, je l’ai composée avant que ma mère ne décède, puisqu’elle a été malade pendant un moment. Parfois, l’écriture de chanson aide à clarifier l’émotion quelle qu’elle soit. Nommer des besoins, des envies ou juste la réalité d’un sentiment, ça aide. Dans ma vie de tous les jours, j’ai l’impression que parfois ça permet de donner une accélération aux sources de réflexion. C’est comme une façon différente de penser à ce qui nous arrive. Je ne pense pas que ça accélère le processus de deuil parce que je pense pas que ce soit quelque chose dont on sort, mais je pense que ça le modifie certainement. Ça m’offre le sentiment d’être alignée, d’avoir moins peur et d’être moins dépassée par cette réalité.

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Tu fais souvent référence au poème “Clamming” de Mary Oliver. Au-delà de la musique, est-ce que la littérature et la poésie t’aident à poser tes réflexions et à trouver les ressources pour évoluer ?

Totalement. Par exemple avec la poésie, c’est aussi un exercice de créer un monde dans un template, dans un contexte. On évoque quelque chose gratuitement. Je pense que la chanson fait ça aussi. Et la musique en général, c’est la cousine de la poésie dans la mesure où il y a un monde qui est créé dans cette forme assez brève et évocatrice. Puis honnêtement, ce poème-là crée un tableau qui, je l’espère, se retrouve dans mes chansons aussi. Je pense que c’est un peu le bagage de la chanson. Ça m’aide beaucoup de lire, c’est complètement différent comme exercice de création. Mais ça reste dépendant des mots. De la même manière, écouter de la musique m’inspire aussi beaucoup. Peut-être même un peu plus directement.

Justement, est-ce qu’il y a des artistes qui t’ont influencée durant ta carrière ?

Je pense que oui, et je pense qu’il y en a que j’ai découverts plus récemment qui vont continuer à m’inspirer pour le restant de mes jours. Certains artistes ont un impact incroyable. C’est aussi le fait de faire la tournée, de voir des musiciens travailler, c’est vraiment inspirant. Ce qui m’a donné envie de composer à la guitare, ce sont les artistes folks des années 1970-1980. Quand je pense à ma carrière avec un peu de recul, je pense à Nick Drake, Joni Mitchell, qui sont des espèces de piliers intouchables qui m’offrent tout le temps le même genre d’énergie. Et je viens de tomber en amour avec la musique de Grouper, c’est vraiment excitant. Puis il y a quelques temps je suis tombée en amour avec la musique de Big Thief. J’ai vraiment plongé là-dedans à pieds joints (rires).

Musicalement parlant, sens-tu une différence entre “Swimmer” et l’album que tu as sorti en 2020, Someone New ?

Oui. J’apprends beaucoup. Mon premier album était vraiment le résultat d’un moment très tendu pour moi. J’avais beaucoup d’insécurités, dont beaucoup d’insécurités liées à ma validité. Je n’avais jamais fait l’expérience d’écrire un album donc à chaque étape je me disais “est-ce que je vais être capable de faire ça ?”. Maintenant, je pense que je suis riche de la certitude de l’avoir déjà fait une fois. Ça change beaucoup de choses. Cette incertitude-là a été ce qu’il me manquait. Maintenant, je suis capable de passer par dessus cette tension-là. Pour moi, faire de la musique reste toujours un démon que je dois apprendre à dompter (rires). Je dois apprendre à vivre avec et à l’accepter aussi, parce qu’il n’y a jamais vraiment d’étape qui est franchie où tout devient clair. Cela dit, pour le prochain album, je suis dans une phase où j’ai envie de faire de la musique plus directe. C’est un peu l’idée derrière “Swimmer” aussi : j’ai envie que ce soit plus rapide entre le moment d’écrire la chanson et celui de l’enregistrement. Ce que je vise comme son est plus proche de mes démons que ce que j’avais envie de faire avant qui est un peu plus arrangé. Je suis capable de le faire toute seule, ce qui le rend plus excitant et malléable.

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“Swimmer" est accompagné d’un clip réalisé par tes soins, compilant des images du fleuve Saint-Laurent. Qu’est-ce que cet endroit représente pour toi ?

C’est le fleuve qui traverse la ville de Montréal. C’est le fleuve qui passe dans la province du Québec, qui est l’endroit où j’ai grandi. Quand je composais la chanson, je ne pensais pas nécessairement au fleuve comme thème, mais quand j’ai eu le temps de mettre en images cette video, ça a pris tout son sens. Je trouve ça fou d’avoir un cours d’eau glacé en hiver, comme si il y avait un mur entre la possibilité d’interagir avec l’eau, de la même manière qu’il y a une impossibilité maintenant pour moi d’interagir avec ma mère.

Dirais-tu que gérer ton projet de A à Z est crucial pour toi ?

Je pense que la collaboration, c’est vraiment crucial aussi. Pour cette video-là, c’est sûr que le sujet de la chanson était tellement personnel que je n’ai pas trop eu le choix. En fait, j’ai demandé à une amie de la réaliser pour moi et elle a dit non (rires). Elle m’a encouragée à le faire. Ça m’a fait du bien d’être confrontée à quelqu’un qui me l’ai dit en face. Je n’aurais pas nécessairement eu l’idée moi-même de le faire. L’idée de la musique, c’est de dire “voici ce que je vois, voici ce que j’entends”. Je pense que de faire une extension un peu dégrossie via mes capacités en video, ça offre une cohérence. Une cohérence entre la musique et le fait d’ajouter un visuel duquel je suis responsable.

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En plus de ton projet solo, tu fais partie du duo Hildegard avec le producteur Ouri. Comment est-ce que votre projet commun influence ton projet solo ?

C’est drôle parce que c’est Ouri qui a produit, mixé et masterisé “Swimmer”. Nos univers sont comme entrelacés. Au niveau humain, ça a été une belle preuve de ce vers quoi la collaboration peut mener. Je n’avais jamais vraiment écrit avec quelqu’un. On a créé un lien qui est pour moi, un exemple dans ma vie de à quel point la création commune peut être extensible. Nous sommes des êtres d’esprit qui n’ont pas envie d’être tout seuls, je pense. C’est comme dans ma vie personnelle, il y a vraiment un avant et un après cette collaboration-là, étant donné tout ce que ça m’a appris sur le sens que ça apporte de créer avec quelqu’un d’autre. Ouri, c’est un musicien que j’admire beaucoup aussi : j’admire beaucoup sa rigueur, son courage, c’est quelque chose que je traine avec moi aussi. C’est une inspiration. C’est vraiment excitant de savoir qu’on peut toujours très temporellement mettre mon projet sur pause pour s’amuser avec quelque chose de beaucoup plus léger.

La musique d’Hildegard s’éloigne de ce que tu proposes d’habitude, il y a une touche plus électro. Est-ce que tu as ressenti le besoin de naviguer ailleurs en termes de musicalité ?

Oui. C’est drôle que tu dises ça, j’ai l’impression que c’est peut-être grâce à ça que je peux maintenant vraiment être satisfaite avec de la musique plus dénudée, comme celle de mon projet solo. C’est une expression plus ouverte, c’est comme un terrain de jeu plus large avec Ouri parce que c’est électro justement, puis on ne s’appuie pas seulement sur nos instruments analogues. Je pense que oui, il y avait une envie d’aller expérimenter avec d’autres choses. Mais j’ai l’impression aussi que ça ouvre les possibilités pour mon propre projet : je suis moins pressée de vouloir tout mettre dans mes propres chansons. Ça aide vraiment à compartimenter !

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Tu es basée à Montréal. Y a-t-il une emprunte de cet endroit sur l’artiste que tu es devenue ?

Certainement, oui. C’est dur de savoir comment un lieu influence la musique, mais c’est une scène musicale agréable, accessible et inclusive. Ici, c’est assez facile d’oser, justement. Ce n’est pas une très grande ville ni une très grande scène musicale, mais il y a beaucoup de diversité. Il y a une belle énergie.

Tu seras en concert au Botanique le jeudi 05/05. Peux-tu nous donner un aperçu de ce à quoi on peut s’attendre ?

Je joue mes chansons solo. Je fais beaucoup de mes nouvelles chansons, elles me parlent beaucoup en ce moment. Puis cette fois je vais les jouer devant un public qui ne les connait pas. Chaque soir comporte son lot de surprises !

Tu as donc des nouvelles chansons en préparation. Peut-on s’attendre à un deuxième album ?

Exact. Je ne sais pas encore trop donner de détails parce que le produit est encore en préparation : comme je disais, j’ai envie que l’écriture et l’enregistrement soient un peu plus proches dans le temps donc je suis en train d’écrire.

Comment se déroule l’enregistrement ?

Il y a un studio en Ontario à la campagne, où je suis justement aller avec Ouri la première fois. Depuis, c’est là que je vais. C’est un lieu isolé que je trouve très inspirant. Il appartient à des amis, ce qui est vraiment super : ça rend le processus tellement agréable, facile. La rencontre et la période où on apprend à se connaitre est déjà faite, ça facilite les choses !

Dans le cadre des Nuits Botanique 2022, Helena Deland jouera en live ce soir. Si j’étais à votre place, je prendrais mes billets tout de suite !

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