Compositrice, femme de lettres, féministe avant l’heure et religieuse. Hildegard entend des voix toute sa vie. Ce n’est que vers ses 40 ans qu’elle décidera enfin de consigner par écrit ses visions et messages divins que les voix lui confessent. Scivias : Sache les voies du Seigneur. Entre ses écrits religieux, ses écrits touchant la médecine, son implication dans la politique de l’époque, elle composera également près de 70 chants liturgiques, hymnes ou séquences.
Née en 1098 dans une famille noble et nombreuse, très certainement près de la ville d’Alzey en Allemagne actuelle, Hildegard se passionne très jeune pour la religion et les phénomènes mystiques qui résonnent en elle d’une manière très significative. En effet, dès l’âge de 3 ans, elle entend des voix qu’elle considère comme divines et qui ne la quitteront jamais.
Vers ses huit ans, elle entre dans un couvent bénédictin où elle y reçoit une instruction religieuse. Sa vie sera destinée à la religion. En 1136, âgée de 38 ans, elle devient l’abbesse de Disibodenberg, couvent de sa jeunesse. Femme d’Eglise, elle fondera en 1147 son propre monastère destiné aux religieuses bénédictines : l’Abbaye de Rupertsberg, près de Bingen.
A 43 ans, Hildegard est décidée à consigner les visions qu’elle a depuis l’enfance. De cette réflexion naîtra Scivias : Sache les voies du Seigneur, un ouvrage illustré et décrivant près d’une trentaine de visions mystiques. S’enchaîneront alors Liber vitae meritorum et Liber divinorum operum. Mais l’œuvre d’Hildegard est grande et elle s’intéresse également à la nature, à la médecine, à la linguistique mais aussi à la musique.
Considérée comme l’une des premières naturalistes d’Allemagne, Hildegard est aussi médecin. Observatrice, soucieuse de l’Humain mais aussi des plantes et des animaux, Hildegarde, dans ses nombreux écrits, s’adonne à léguer un certain art de vivre qui se voudrait en équilibre avec soi-même et son environnement. A côté, elle invente une langue qu’elle parlera seule, la Lingua Ignota, une langue inconnue s’écrivant avec 23 caractères à laquelle elle consacrera un ouvrage complet bien que cette langue ne se retrouvera que dans un de ses chants. Mais son essai de langue se trouve dans le Codex de Wiesbaden, un codex reprenant une grande partie de l’œuvre et de la correspondance d’Hildegard.
Ces ouvrages et sa façon de traiter certains sujets sont très novateurs pour l’époque. Elle est une femme moderne et engagée, s’intéressant notamment aux questions politiques et religieuses, comme peut en témoigner une riche correspondance entre elle et les grands acteurs de son temps.
Musicienne et poétesse, Hildegard, la Sybille du Rhin laisse derrière elle près de 80 chants liturgiques, hymnes ou séquences. Ses compositions liturgiques, dictées directement par les voies divines sont d’une singularité surprenante. La musique, pour elle permet la remémoration d’une voix originelle mythologique qui transparaîtrait dans les sons mais permet aussi de renforcer la dévotion des fidèles ainsi que de les préparer à recevoir l’enseignement divin. Loin du plain-chant, ses œuvres peuvent avoir des ambitus extrêmes, à la limite du chantable, des mélodies se juxtaposant sans transition en fonction de ce que le texte exprime. Certaines œuvres, notamment ses hymnes et séquences sont quasiment syllabiques, à côté d’une œuvre et de pièces pouvant faire preuve de mélismes complexes et en alternance avec des phrases syllabiques simples. La musique et le texte ne forment plus qu’un, liés par une composition prenant en compte les mots et le sens de ces derniers. Elle a également composé un drame liturgique, Ordo virtutum, Le jeu des vertus, comprenant près de nonante mélodies mettant en scène les tiraillements de l’âme entre les vertus et les démons.
Déjà reconnue à son époque, Hildegard fut parmi les premières âmes à faire l’objet d’une procédure de canonisation après son décès. Mais aucune des quatre tentatives ne fut menée à son terme. Ce n’est qu’en 2012 qu’Hildegard fut enfin canonisée par le pape Benoît XVI, la proclamant Docteur de l’Eglise.