Un jour dans l'histoire

Histoire – Comment le burger a envahi le monde

Comment le hamburger est-il devenu un succès planétaire ?

© Pixabay

Le burger est aujourd’hui devenu le mets le plus populaire au monde, avec la pizza. Les Américains, qui en sont les plus gros consommateurs, en mangent, en moyenne, un tous les deux à trois jours, à savoir 50 milliards par an. Le reste du monde, ou à peu près, a succombé à ce qui est devenu le symbole de ce que l’on appelle la junk food ou malbouffe. Pourquoi ce succès, malgré les critiques incessantes ? Qui a inventé le hamburger ? Comment s’est-il retrouvé au menu de la planète ? Les explications de Pierre Leclercq, membre du Centre de Gastronomie Historique.

Nous sommes à San Francisco, un soir de juillet 1894. Il est 21h et, comme chaque jour, on peut voir les 'lunchs wagons' s’aligner le long des trottoirs de la Market Street, l’une des artères principales de la ville. Ils y resteront jusqu’au beau milieu de la nuit : les fêtards auront faim lorsque les restaurants auront fermé leurs portes. Au fur et à mesure que la pénombre s’installe, des parfums d’oignons envahissent l’atmosphère et appellent les travailleurs du soir : conducteurs de fiacre, messagers, policiers, acteurs courant le cachet…

Au choix : sandwich au jambon ou sandwich au jambon et œufs…
Ou alors, la nouvelle spécialité qui fait fureur : le hamburger sandwich.

Sa préparation est déjà un spectacle, le cuisinier, impeccablement vêtu, s’empare d’environ 150 g de viande hachée. Il l’aplatit à l’aide du plat d’un large couteau et, en quatre coups précis, lui donne la forme d’un parallélépipède rectangle, dont il arrondit les coins. Avec le côté opposé à la lame, il ondule la surface du steak pour lui donner l’aspect d’une semelle de chaussure. Il parsème le tout d’oignons hachés avant d’envoyer la pièce de viande dans la poêle qu’il fait chauffer sur un des trois becs de la cuisinière à pétrole.

Quand il est très habile, le cuisinier peut faire sauter deux steaks à la fois, une poêle dans chaque main : l’assemblée est impressionnée. Il saisit alors un pain et en coupe deux fines tranches qu’il ajuste à la taille du steak. Le tour est joué, le hamburger sandwich est prêt. C’est le début d’une longue aventure.

A quoi est dû le succès du burger ?

Pierre Leclercq explique le succès du burger par le fait qu’il est un plat en lui-même et qu’il répond en cela à toutes les exigences de la vie moderne : manger vite, manger facilement. On peut très bien, en pleine rue, se saisir d’un burger d’une main, d’une boisson de l’autre, et le repas est fait. On peut le commander très facilement au fast food du coin, on le paie très bon marché et on le mange absolument où l’on veut.

"Quand on pense au break de deux heures que l’on faisait à midi il y a encore 30-40 ans, et au break d’une demi-heure, parfois moins, que nous avons aujourd’hui, on voit bien que le burger est très utile !". Les employeurs l’ont d’ailleurs bien compris.

Le burger est si célèbre qu’il y a même des concours du plus gros mangeur de burgers. Une star mondiale japonaise a ainsi englouti pas moins de 96 burgers en 8 minutes ! Ce qui montre bien à quel point le burger est entré dans cette culture alimentaire mondiale.

Depuis une quinzaine d’années, on peut même le retrouver à des tables gastronomiques. On trouve des burgers au foie gras, au homard,… avec une course en avant dans les prix ! Le burger le plus cher au monde peut être dégusté aux Pays-Bas, au restaurant De Daltons : il coûte 5000€ et associe les ingrédients les plus chers : caviar, foie gras, boeuf de Kobé, safran…

Burger = malbouffe ?

Le burger est le symbole de la malbouffe, du recours à l’élevage intensif, de l’hyperconsommation, du libéralisme sauvage, de l’impérialisme américain.

En termes de nutrition, Pierre Leclercq distingue 'le burger' du 'menu burger'. "Il est évident que manger un burger, même tous les jours, ce n’est pas pareil que de manger un burger avec un seau de frites et un litre de coca-cola, comme cela se fait parfois aux Etats-Unis.

Au niveau de la malbouffe, il n’y a aucune raison d’en vouloir particulièrement au burger, qui n’est finalement que du pain avec de la viande et de la salade. Et une sauce, la plupart du temps émulsionnée, donc c’est peut-être là que les critiques des nutritionnistes peuvent s’exercer. Sinon, ce n’est pas bien méchant."

Les premiers hamburger sandwiches vendus dans les lunch wagons américains ont suscité la méfiance, on ne savait pas très bien de quoi cette viande était faite, quel était son état sanitaire. Ces inquiétudes bien légitimes disparaîtront avec la suppression de ces lunch wagons et l’installation de bâtiments en dur, de cafétérias, de lunch bars, beaucoup mieux tenus, et surtout avec les premières chaînes de burger, dans les années 1920. Elles auront un rôle fondamental dans la respectabilité du hamburger, parce que les conditions d’hygiène y seront respectées à la lettre.

Surmonter les réticences, changer les habitudes

La mondialisation du burger débute dans les années 70, avec la propagation des grandes chaînes américaines en Europe et en Asie. Les standards américains auront du mal à s’y imposer au début. En particulier celui qui veut que le personnel sourie à la clientèle a posé pas mal de problèmes en Russie et en Chine.

Le fait de faire la queue pour aller chercher son plateau-repas et de payer avant de manger, a mis plusieurs décennies à se mettre en place aux Etats-Unis, d’abord dans l’entre-deux-guerres, puis dans les années 50 et 60. Ce système est ensuite arrivé d’un seul coup en Europe et en Asie, dans les années 70. Il a fallu une dizaine d’années pour y habituer le public, qui n’était pas encore prêt à ce type de consommation.

L’invasion américaine

Avant les années 70 et la conquête mondiale par les grandes chaînes américaines, le burger était déjà timidement exporté dans le monde occidental. Dans l’entre-deux-guerres, en 1931, on a même vu un restaurant de burgers américains en France, pourtant très jalouse de sa gastronomie. Mais cela reste une initiative isolée. Il faudra attendre 30 ans avant que la première chaîne de burgers américaine, Wimpy, s’installe à Paris, en 1961, avec assez peu de succès. C’est seulement avec l’arrivée de McDonald, fin des années 70, que la burger mania atteindra les Français.

Pendant très longtemps, la culture française a considéré le burger comme une invasion américaine, comme de la malbouffe. "Mais aujourd’hui la France est parmi les premiers pays consommateurs de burgers au monde, donc là on peut dire que les Américains gagnent toujours à la fin !"

Le Canada est le deuxième pays au monde dans la consommation le burger, après les Etats-Unis. Le premier burger apparaît aux Etats-Unis aux alentours de 1894, et dès 1905 on a du burger au Canada. C’est là que commence l’aventure internationale du burger.

Suivront les pays anglo-saxons, l’Angleterre, l’Allemagne de l’Ouest, puis le Japon. "Il y a là une logique historique, puisque ce sont des pays qui ont vu passer ou s’installer durablement les troupes américaines. Cela a eu un impact réel sur les habitudes alimentaires et notamment sur l’adoption du burger. Ce n’est pas étonnant que c’est dans ces 3 pays que les premières chaînes de burger, Wimpy, A&W… s’implantent", observe Pierre Leclercq.

Le burger arrive en Belgique

La Belgique et la Grèce sont les deux seuls pays où la chaîne de burgers locale a toujours tenu tête au leader mondial McDonald. La Grèce, avec la chaîne Goody’s, installée depuis 1975, bien avant l’arrivée de McDonald en 1992. En Belgique, c’est encore une tout autre aventure qui a vu les petits Belges complètement berner les Américains et McDonald.

Jusqu’à l’Expo 58, on connaissait déjà le steak haché, mais le terme hamburger n’était pas connu. En 1958, le burger débarque au Heysel dans les restaurants exotiques et dans le pavillon américain, en particulier. Avec une grande méfiance au début pour cette nourriture qui vient des Etats-Unis et qui 'sort d’une boîte', mais avec ensuite un beau succès !

Au début des années 70, on assiste à une percée du burger en Belgique, indirectement grâce à McDonald. La chaîne américaine a en effet choisi la Belgique comme premier pays d’implantation en Europe et prévoit, selon son plan commercial, de s’installer près des grandes surfaces de banlieue.

A cette époque-là, c’est la chaîne de supermarchés GB, de l’homme d’affaires belge Maurice Cauwe, qui cartonne chez nous. Il va s’inspirer de ce plan commercial et installer, dès 1971, sa propre chaîne de burgers, Quick. McDonald se verra obligée de s’implanter aux Pays-Bas et par la suite, ne parviendra jamais à rattraper, en Belgique, son retard par rapport à Quick !
 

Suivez la suite de cet entretien passionnant dans 'Un Jour dans l’Histoire'


 

>> Et pour aller plus loin…

Pierre Leclercq, membre du Centre de Gastronomie Historique, animateur de la chaîne YouTube 'L’histoire à pleines dents', donnera une conférence sur L’histoire du burger et le mythe de Hambourg.

C’est ce jeudi 16 septembre, à 18h30,
à la Bibliothèque des Riches Claires, à Bruxelles

 


 

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