Le matrimoine, un mot inventé ces dernières années ? Pas du tout. Le terme existe au moins depuis le 12e siècle, pour décrire les biens hérités de la mère.
Il a été progressivement abandonné au profit de celui de patrimoine, qui inféode, dès le Moyen Âge, les femmes aux propriétés des pères et des maris. C’est au 17e siècle, au siècle de l’Académie française, que les grammairiens, lexicologues, à l’imaginaire patriarcal affirmé, vont décider que ce terme est burlesque. Progressivement, la réalité de l’héritage des mères va être inféodée à cet héritage des pères, au patrimoine, et va reconduire une forme de domination masculine.
"A partir des années 2000, cette notion de matrimoine réapparaît pour insister sur le rôle des femmes dans le développement culturel, mais il faut l’émanciper des idées de mère, d’épouse, d’héritière, la réinvestir de manière critique : on ne veut pas faire de la mère cet archétype de la femme, mais plutôt essayer de comprendre comment elle a été réduite à ce statut, comment, au cours de l’histoire, des processus d’invisibilisation ont eu lieu", explique Thomas Franck.
Le rapport entre espace public et espace privé guide aussi les réflexions de ce cahier du CPTM : comment penser la manière dont les femmes ont été privées de l’espace public, comment elles ont été reléguées au foyer. Comment vers le 19e et le 20e siècle, elles ont progressivement occupé une place dans l’espace public, dans les débats politiques, dans les maisons du peuple…
"Chaque fois qu’un conflit apparaît, on tente de renvoyer la femme hors de l’espace public, dans une forme d’essentialisation de la condition de la femme : il y aurait une essence féminine qui l’amènerait vers des formes de soin, liées à la famille." Cette forme de relégation des femmes, en marge du pouvoir démocratique, est un héritage de l’Antiquité.