Il est celui qui aura réussi à hisser la musique classique indienne au plus haut sur l’échelle occidentale et à rendre accessible l’art du raga au monde entier. Musicien respectueux des règles traditionnelles de la musique hindoustanie, la musique d’Inde du Nord, c’est un musicien qui parcourra le monde à la recherche de collaborations croisées avec les maîtres musiciens contemporains occidentaux. Dans Murmures du monde, Hélène Van Loo vous parle de la vie et de l’œuvre du joueur de sitar indien Ravi Shankar. Il aurait eu 102 ans ce 7 avril 2022 dernier.
Ravi Shankar est le plus jeune des cinq fils d’une famille de brahmanes bengalis, où le père Shyama, initié à la musique par des maîtres de Bénarès, a appris à chanter les Veda, les très anciens livres sacrés. Pour égayer une enfance un peu solitaire, le petit Ravi Shankar rêve d’un avenir d’acteur et écoute avec émotion sur le phonographe familial les poèmes chantés de Rabindranath Tagore.
À 10 ans, en pleine scolarité, il quitte l’Inde avec la quasi-totalité de sa famille qui rejoint la compagnie de danse de son frère Uday, invité à se produire à L’Ouest.
Avec la troupe, Ravi Shankar, danseur débutant, découvre ainsi les Etats-Unis, l’Europe et Paris où il poursuivra ses études pendant plusieurs années. Et puis, surtout, il commence à s’intéresser à la musique indienne.
Il regarde répéter les musiciens de son frère et joue avec tous les instruments à sa disposition.
En 1935, le père de Ravi Shankar décède et sa mère, qui disparaîtra peu après, le place sous la protection d’Allaudin Khan, le grand maître de musique hindoustanie et du sarod en particulier. Allaudin Khan qui est engagé alors comme principal soliste de la compagnie du frère de Ravi Shankar.
La rencontre de Ravi avec Allaudin Khan va être déterminante pour l’adolescent. Apres trois ans d’hésitation, Ravi renonce à la vie de danseur indien et rejoint celui qui va devenir son gourou pendant plus de sept ans, a raison de 14 heures de travail par jour sur le sitar.
Ravi Shankar surnomme le grand maître “baba” et épousera même sa fille, la grande musicienne Annapurna Devi.
En 1939, Ravi Shankar donne son premier concert public. Et au milieu des années 40, il commence à composer pour le cinéma, donne des récitals dans toute l’Inde, puis enregistre ses premiers disques avant d’être nommé directeur musical à All India Radio.
Dans les années 50, Ravi Shankar tourne en Europe, aux Etats Unis, et au Canada, où il devient l’ambassadeur par excellence de la musique indienne. Il est invité partout, le plus souvent accompagné aux tablas durant les années 60 et 70 par Alla Rakha.
Ravi Shankar joue dans les festivals pop de Monterey en 67, de Woodstock en 69, n’hésitant pas à pratiquer la fusion des genres musicaux avant tout le monde.
Il devient l’ami de George Harrison, qui le surnomme le parrain de "word music", il devient l’ami aussi de Yehudi Menuhin, de Rostropovitch, compose avec Phil Glass, Jean Pierre Rampal… et avec beaucoup d’autres musiciens occidentaux comme John Coltrane, qui donnera le prénom de Ravi à son fils.
Mais la nouvelle notoriété acquise par Ravi Shankar auprès de la jeunesse occidentale qui découvre tout de la musique indienne, dans un contexte quelque peu excessif de l’univers psychédélique, porte avec elle son contre effet…
En 1975, Ravi SHankar frise la dépression nerveuse au cours de sa tournée avec Geprge Harrison. Dès lors, il n’accepte plus de se produire que dans des salles de concerts classiques ou dans le cadre des festivités traditionnelles indiennes.
À l’occasion de ses 90 ans, Deutsche Grammophon avait réédité, sous forme de coffret, trois enregistrements des années 1978-1981. Entre ragas du matin (Jogeshwari) et du soir (Hameer), figuraient un hommage à Gandhi et un autre à son maître Alla Udin Khan.
EMI Classics édite en 2012 un coffret de dix CDs, The Ravi Shankar Collection, qui témoigne de la vérité de son talent et des relations complices qu’il a su inventer avec d’autres grands solistes indiens ou musiciens occidentaux…
Ravi Shankar n’avait cessé de se produire dans les plus grandes salles du monde, mais avait dû, depuis 2008, annuler plusieurs concerts pour raisons de santé.
Ravi Shankar s’éteint à 92 ans, le 11 décembre 2012, à San Diego (Californie).