Belgique

Hôpitaux saturés : "On doit presque mettre des lits superposés dans les soins intensifs"

Le dernier audit des hôpitaux annonce des retards importants dans les opérations essentielles et non essentielles.

© GETTY IMAGE

La semaine dernière, les hôpitaux Bruxellois ont demandé aux citoyens de ne pas se présenter aux urgences en cas de symptômes des virus d’hiver, particulièrement présents ces dernières semaines. De nombreux lits sont fermés un peu partout et la situation est tendue. Selon les derniers chiffres du SPF Santé, le lundi 2 janvier, 2632 lits étaient fermés dans les hôpitaux belges. Cela représente 5% de l’ensemble des 51.444 places disponibles dans les établissements du pays.

Au grand hôpital de Charleroi, l’un des plus grands de Wallonie, la fermeture des lits en soins intensifs couplé au manque de personnel créent de nombreux soucis, Manfredi Ventura, directeur médical du grand hôpital de Charleroi : "Parfois c’est très compliqué parce qu’on doit presque mettre des lits superposés en soins intensifs ou faire sortir des patients un peu précipitamment. Même si ce sont des interventions sérieuses qui ne peuvent pas être trop différées, nous sommes parfois obligés de postposer d’une semaine ou de quelques jours parce que le jour prévu, nous ne pouvons pas garantir que l’intervention se fera dans les meilleures conditions pour nos patients."

Même son de cloche au CHC de Liège, Yannick Neybuch, directeur médical : "Certaines interventions plus lourdes nécessitent un passage d'un ou deux jours aux soins intensifs. Mais nous avons des lits fermés depuis plusieurs mois, du fait d’une pénurie d’infirmières et d’infirmiers, nous sommes donc contraints de lisser l’activité. Cela veut dire qu’on fixe le nombre de patients que nous pouvons prendre et qui devront bénéficier de soins intensifs après leur opération et on reporte les supplémentaires à la semaine d’après. Mais ce n’est que d’une à deux semaines maximum pour des pathologies moins lourdes et des patients qui peuvent attendre. Une intervention chirurgicale pour un cancer par contre aura évidemment lieu, on ne la reportera jamais. Il y a donc un certain degré de priorisation avec des délais mais qui sont relativement courts."

"Il faudrait un miracle pour que ça change"

Pour l’instant, les hôpitaux arrivent donc à prendre en charge tout le monde dans des délais raisonnables. Mais pour que le quotidien des soignants ne soit plus sous tension permanente, le secteur réclame une revalorisation du secteur et des engagements massifs ainsi que de nouveaux lits. Mais est-ce que ces demandes seront entendues par le politique et surtout est-ce qu’elles seront suffisantes : "Il faudrait un miracle", nous confie Manfredi Ventura, "On manque cruellement de certaines disciplines médicales, même de la plupart des disciplines médicales, y compris les médecins généralistes et d’infirmières et d’infirmiers. Malheureusement il faut changer les mentalités. Il faut permettre aux jeunes de se former davantage et les orienter vers le monde médical."

L’audit du SPF Santé et de l’INAMI

Le constat du dernier audit des hôpitaux réalisé par le SPF Santé, l’agence fédérale des médicaments et l’INAMI. "Pour la plupart des disciplines, le nombre cumulé de prestations de soins non effectuées en mai 2022 était compris entre 12 et 24% de leur activité annuelle normale", explique l’audit. En cause, l’épidémie de Covid et ses différentes vagues bien entendu, mais aussi le manque de personnel et de lits.

En 2020, la baisse du nombre de prestations chirurgicales dans les deux premières vagues de Covid-19 était très frappante : au cours de la vague 1, en avril 2020, seules 5,7% des prestations chirurgicales non essentielles ont été effectuées. Depuis, les choses se sont améliorées, mais pas assez selon ce rapport.

Malgré plusieurs rattrapages entre les différentes vagues, de 12 à 24% des opérations sont encore reportées. C’est le cas notamment dans la chirurgie vasculaire ou la transplantation cardiaque par exemple. La pneumologie et la gériatrie sont aussi à la traîne. Cependant, le rapport note un taux de rattrapage important en oncologie et dans les traitements anticancer. L’audit pointe particulièrement le retard pris, plus de 34% potentiels de report, dans la prise en charge des soins psychiatriques.

Les auteurs expliquent ce phénomène par la pression constante sur les hôpitaux, le manque de lit mais aussi le turnover du personnel : "Au début de l’année 2022, seul un hôpital sur trois fonctionnait à pleine capacité en Belgique. Nous observons qu’un pays voisin comme les Pays-Bas sont confrontés au même problème d’augmentation significative de l’absentéisme, avec seulement un hôpital sur quatre fonctionnant à pleine capacité au début de 2022", ajoute le document.

L’audit explique que depuis la 4e vague le manque de personnel cause aujourd’hui la fermeture de 10% des lits en unité de soins intensifs.

L’audit propose 5 recommandations pour améliorer la situation :

Suivi des données de soins de santé en temps réel. C’est-à-dire recevoir en " temps réel " par exemple des données spécifiques relatives à l’occupation des lits des hôpitaux aigus afin de toujours avoir un aperçu direct de la capacité disponible par site.

Remédier à la surcharge de travail des infirmières et des infirmiers, notamment en investissant dans des technologies supplémentaires qui améliorent l’efficacité et permettent également un meilleur suivi des patients.

- Remédier à la surcharge de travail des médecins. Réduire le temps de déplacement et la charge administrative en rémunérant de manière permanente les formes de travail plus efficaces comme la ‘télémédecine’.

- Faire correspondre la demande des patients à la valeur ajoutée médicale. Cette recommandation propose de promouvoir plus activement les sites web officiels d’information santé orientés patients ou encore de soutenir les patients par l’intermédiaire d’un ‘conseiller médical’, idéalement son médecin généraliste.

- Réduire le recours à certaines prestations par indication plus stricte. Des critères nationaux de priorisation, scientifiquement fondés, sont nécessaires pour aider les médecins chefs et les chefs de service à contrôler un processus du rattrapage d’activité.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous