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Horaires décalés : présenter les journaux matinaux ou du soir, travailler jusqu’au bout de la nuit, un job passionnant et épuisant

Christophe Grandjean, dans la matinale de Vivacité

© RTBF

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Par Annick Merckx, journaliste à la rédaction Info, pour Inside

"Bonjour à toutes et à tous, il est 6 heures" Derrière cette petite phrase anodine qui vous accueille au réveil, lorsque vous allumez la radio ou la télé, entre la douche et le petit-déjeuner, il y a les présentateurs des matinales radio. Un job qui démarre bien plus tôt et qui réclame une hygiène de vie stricte, des rapports sociaux et familiaux bouleversés, des nuits toujours trop courtes. Mais qui résulte avant tout d’une passion pour l’information et de l’envie de la partager.

Christophe Grandjean
Christophe Grandjean © RTBF

"Mon moteur, c’est l’envie d’être en radio le matin, c’est le prime time, c’est là où tout se passe et aussi c’est le moment où il y a le plus d’auditeurs." Christophe Grandjean, présentateur des journaux de 6 et 8 heures sur Vivacité depuis 17 ans l’affirme : "C’est là que je me sens utile : on est les premiers à informer les auditeurs de ce qui s’est passé pendant les heures qui précèdent."

Ce que je préfère, ce sont ces infos qui tombent en toute dernière minute

Même son de cloche pour Florence Hürner, présentatrice des journaux de 7h, 9h, 10h sur la Première et 8h et 10h sur Classic 21 et Musiq3 depuis 2015. Un horaire de 3 semaines d’affilée, sans les week-ends, sauf la troisième semaine, avant une pause de 7 jours. Un rythme épuisant, mais "c’est hyperexcitant : on donne les infos de la nuit, de l’autre bout du monde, on fait des développements, et franchement, moi ce que je préfère, ce sont ces infos qui tombent en toute dernière minute, et que nous sommes les premiers à annoncer." A chaque fois, une belle montée d’adrénaline, et le sentiment d’être là où il faut.

Florence Hürner présente les journaux matinaux sur la Première, Classic 21 et Musiq3
Florence Hürner présente les journaux matinaux sur la Première, Classic 21 et Musiq3 © RTBF

Après la montée d’adrénaline, la descente

Mais qui dit montée d’adrénaline, dit aussi descente… Qui prend parfois un peu de temps. Et qui bouleverse biologiquement. Frank Ruelle, bientôt retraité, qui totalise 20 ans de présentation matinale, sur la Première et sur Vivacité Charleroi, et qui aujourd’hui présente les journaux du soir sur Vivacité depuis 15 ans l’explique très bien. "On peut tourner le problème dans tous les sens : on ne dort jamais suffisamment. Se lever à 2h30 ou 3 heures du matin, ce n’est pas se lever tôt, c’est se lever en pleine nuit ! Il faut pour bien faire aller se coucher à 20 heures, et on ne le fait pas…"

"Non, on ne le fait pas reprend Christophe Grandjean. "Alors on fait des siestes, et finalement moi je vais me coucher à 21h30, 22 heures au plus tard." Chacun son rythme pour Florence Hürner, "moi quand je quitte Reyers, je vais très vite prendre une bonne douche, histoire de faire la coupure entre boulot et maison, et puis moi aussi je fais une sieste de 1h30 à 2 heures, jamais plus."

On ne rattrape jamais les heures où on n’a pas dormi

"Au début, quand on est jeune, on peut se dire 6 heures de sommeil ça suffit, dit Frank Ruelle, "et puis, l’âge venant, on doit faire des siestes, parfois de plus en plus longues, et quand on se réveille d’une trop longue sieste on est vaseux, il faut une à deux heures pour s’en remettre et puis quand on est de nouveau sur pied, il faut déjà penser à aller dormir… Avec toutes les conséquences que ça a sur notre corps, mais aussi sur notre vie familiale et sociale."

Mais, précise-t-il, comme vu dans un article médical, on ne rattrape jamais les heures où on n’a pas dormi. Ce n’est pas parce qu’on fait une grasse matinée le week-end que l’on va rattraper l’impact négatif des nuits écourtées. Le corps, chez Frank, a fini par céder : "à la fin, quand j’ai arrêté ma première tranche de matin en 1998, j’étais sujet à des chutes de tension, des vertiges." Après avoir repris encore des matinales durant quelques années, Frank a fait le grand écart en entamant un parcours de journaux du soir.

Frank Ruelle
Frank Ruelle © RTBF

Journaux du soir : pas si évident

"Je dois reconnaître que physiquement c’est moins impactant. Mais tout de même. Quand on fait les soirs, il suffit de dormir un peu plus longtemps le matin." Mais ce n’est pas si évident que cela : "quand on fait le soir, on rentre chez soi plus ou moins vers minuit, "là il y a deux écoles, soit on va se coucher assez rapidement, soit on lit, on se trouve une petite activité et on va dormir vers 2-3 heures du matin…" Et donc on doit dormir plus le lendemain, avec encore une fois les conséquences pour la vie familiale et sociale. Et Frank de souligner les effets de la lumière bleue des écrans, sur lesquels quoi qu’il en soit, on est rivé durant tout son temps de travail et qui empêche la mélatonine – l’hormone qui favorise l’endormissement - de se développer. Alors aller dormir tout de suite après sa soirée de boulot, ce n’est pas gagné.

Frank Ruelle, journaux du soir sur Vivacité
Frank Ruelle, journaux du soir sur Vivacité © RTBF

"On doit être physiologiquement fait pour supporter des horaires décalés : certains collègues n’ont pas tenu le coup très longtemps. Je dois avoir une bonne constitution pour, tout de même, avoir pu supporter cela si longtemps…"

La nuit blanche au turbin

Sandro Calderon, ex-présentateur des journaux de nuit, actuel journaliste pour la cellule Internationale (Europe)
Sandro Calderon, ex-présentateur des journaux de nuit, actuel journaliste pour la cellule Internationale (Europe) © RTBF

Sandro Calderon, journaliste à la cellule Internationale-Europe, a lui, fait durant deux ans il y a une petite vingtaine d’années, les journaux de la nuit. "Je les faisais une semaine sur deux, entre minuit et 6h30 du matin, le week-end, jusqu’à 7h30." Son secret pour tenir ? "Les semaines où je travaillais, je dormais la journée, je fermais les Velux, je mettais des boules Quiès, et j’essayais de dormir jusqu’en milieu d’après-midi, et puis je m’occupais de mon jeune enfant, ce qui me permettait de profiter d’un peu de vie de famille. La semaine "off", il fallait récupérer. Trois-quatre jours de repos, et puis du sport, qui m’aidait à renforcer mon endurance ! Mais clairement, l’hygiène de vie est essentielle."

Les horaires décalés, c’est aussi le lot des journalistes de terrain

Sandro Calderon, en plateau après des sommets européens à rallonge
Sandro Calderon, en plateau après des sommets européens à rallonge © RTBF

Aujourd’hui, Sandro, à l’image de bien d’autres journalistes en rédaction, et cela dans tous les services, connaît encore des épisodes d’horaires décalés. "Pour ce qui me concerne, il y a, par exemple, les sommets européens, qui sont des sortes de marathons. En général, du jeudi matin jusqu’à la fin, le vendredi soir, c’est presque du non-stop : suivre le sommet, le premier jour jusque tard dans la nuit, puis travailler pour nourrir les matinales, puis recommencer à suivre le sommet et rebelote. A la fin, après avoir tenu, encore une fois grâce à l’adrénaline, totalement concentré, immergé dans le boulot, c’est comme un effondrement. On a, littéralement, tout donné. Il faut tout le week-end pour s’en remettre…"

L’adrénaline, la passion, une certaine habitude, c’est sans doute ce qui fait que Christophe Grandjean n’a jamais connu de pannes de réveil ou de souci particulier. "Je me souviens juste d’un petit couac, lors de Viva for Life, à Tournai, où nous travaillions sur place pour les matinales. Un peu crevé, et hors des habitudes du studio je suis arrivé un matin dans le "cube" sans mes feuilles. Le journal a démarré un peu en retard." Ma grande hantise, c’est la panne de réveil, renchérit Florence Hürner. Du coup, j’ai trois réveils, deux GSM et une montre vibrante au poignet. Imparable."

Florence Hürner : trois réveils pour être sûre de se réveiller
Florence Hürner : trois réveils pour être sûre de se réveiller © RTBF

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