Sur son passage, c’est un tourbillon de feuilles mortes. Annoncé par les rugissements de son moteur, le bolide fonce à travers la campagne du Piémont. Ici, on adore la Juventus, le Barolo et la truffe blanche. Et on aime aussi beaucoup le rallye. Malgré la discrétion entourant les essais de la nouvelle WRC Hyundai i20 N Rally1, des fans se sont glissés le long du parcours. A chaque virage, ils dégainent leurs smartphones pour immortaliser le prototype au look camouflage. Des locaux, pour la plupart, mais aussi quelques Belges, venus découvrir le nouveau joujou de leur chouchou. Hyundai a également convié quelques médias, dont la RTBF. Mais pas question de s'approcher trop près de la voiture...
Après avoir effectué des essais dans le sud de la France, la Finlande et les Vosges, c’est en effet dans le nord de l’Italie que la section Motorsports de la marque coréenne a donc poursuivi cette semaine les tests de la nouvelle version de sa i20 WRC. Après Ott Tänak et avant Dani Sordo, Thierry Neuville en a profité pour reprendre contact avec sa future monture pendant deux jours. Le temps de simuler un rallye, en réalité quelques allers-retours sur de courtes portions de route asphaltées, vallonnées et sinueuses, fermées à la circulation. Un concept assez innovant et finalement très instructif, selon les intéressés.
Le sport automobile se doit d’être un laboratoire technologique
A nouvelle saison, nouvelle voiture, ce n’est pas nouveau. Mais celle-ci représente cette fois une évolution marquante, pour ne pas dire une révolution. A la demande des constructeurs, soucieux de faire entrer le rallye dans l’air du temps, la FIA a en effet décidé de mettre le WRC au régime hybride à partir de 2022. Huit ans après la F1, il était temps. "C’est une évolution logique de la société", explique Yves Matton, directeur des rallyes à la FIA. "Ça fait partie de l’image de l’automobile en général, et le sport automobile se doit d’être un laboratoire technologique et de suivre les grands mouvements qu’il y a autour de l’automobile. Maintenant, nous n’en sommes qu’au début de cette motorisation en WRC. Il est clair que les voitures qui seront utilisées au Monte-Carlo seront moins performantes que celles du Japon en fin d’année. C’est logique et cela fait partie du travail de développement."
Système hybride commun à tous les constructeurs, bio-carburant, aérodynamique simplifiée, boite de vitesse qui passe de 6 à 5 rapports -manuelle et plus au volant-, moins de possibilités de réglage ou encore châssis tubulaire, les changements sont nombreux. De quoi faire sortir les pilotes de leur zone de confort, à commencer par Thierry Neuville, très critique il y a quelques mois, désormais un peu plus en phase : "On a dû réapprendre pas mal de choses, notamment le système hybride qui ajoute une certaine complexité. C’est excitant, même si je n’ai jamais été un grand fan des voitures électriques ou hybrides. Après, par rapport aux voitures actuelles, on nous a enlevé un certain confort et quelques atouts sympas. Mécaniquement, techniquement, c’est un pas en arrière sur pas mal de choses, mais il va falloir faire avec. Il y a aussi le "boost" du système hybride, qui nous amène pas mal de puissance en plus et qui sera très difficile à gérer dans les spéciales. Les ingénieurs et les pilotes vont devoir travailler dur pour trouver le bon équilibre. Il y a encore énormément de travail, mais ça progresse".
On verra plus de crashes que cette année
Ce "boost" du modèle électrique, qui se charge au freinage, et qui permet de bénéficier d’un apport conséquent de 100KW (134cv), est au centre des conversations. Il suscite beaucoup de questions, mais encore peu de réponses. Comment et où va-t-il pouvoir se déclencher, c’est encore un peu flou pour tout le monde. Ce qui l’est moins, c’est le retrait obligatoire de plusieurs éléments liés à l’aérodynamisme, qui "plaque" les voitures au sol. C’est finalement pour moi le changement le plus marquant", précise Neuville. "On sent que la voiture tape plus, qu’elle part un peu plus facilement avec le poids supplémentaire des batteries à l’arrière. Je pense qu’on verra plus de crashes que cette année".
Les fans de la discipline, eux, n’espèrent pas forcément voir plus de crashes. Ils veulent surtout continuer à voir du spectacle entre trois constructeurs (Hyundai, Toyota et Ford) finalement assez proches au niveau des performances. Qu’en sera-t-il au Monte-Carlo, traditionnellement le premier rallye de la saison ? Pour Yves Matton, "les écarts entre les trois constructeurs pourraient encore se resserrer, mais ça pourrait aussi donner l’effet inverse. Il y a peut-être un constructeur qui a une grosse longueur d’avance dans son développement. On ne sait pas. Justement, c’est ça qui va être excitant en début de saison, de voir comment chaque écurie a été capable d’approcher cette nouvelle technologie, mais aussi comment les pilotes seront capables de s’y adapter".
Rendez-vous du 17 au 23 janvier 2022 sur les hauteurs de Monaco pour le premier rallye WRC hybride. Avec forcément un peu d’électricité dans l’air…