Cela fait un an jour pour jour que Joe Biden a été investi en tant que 46e président des Etats-Unis. Douze mois plus tard, quel bilan peut-on faire de ce président qui a succédé à Donald Trump ? Sa cote de popularité a baissé ces derniers mois et Joe Biden semble lucide face aux déceptions engendrées par l’échec de certaines de ses initiatives, mais il assure que le travail n’est pas terminé.
Pour Serge Jaumain, professeur d’histoire contemporaine (Belgique/Amérique du Nord) à l’ULB et codirecteur d’AmericaS, le Centre interdisciplinaire d’étude des Amériques, il y a toute une série de points positifs et négatifs à relever au terme de cette première année à la Maison Blanche : "La première chose, c’est que si l’on compare Joe Biden à son prédécesseur, et pour certains éléments, on est bien obligés de faire cette comparaison, c’est clairement le jour et la nuit, dans le sens où l’on ne doit pas oublier que Joe Biden est arrivé dans un contexte extrêmement difficile, qui était lié à la présidence globale de Donald Trump mais aussi au fait qu’avant de partir, Trump lui a jeté quelques pelures de bananes sous les pieds, que ce soit au niveau international ou au niveau national et puis il y avait tout de même le Covid-19 qui faisait partie du contexte. Ce sont trois éléments qu’il faut avoir en tête pour examiner ces douze premiers mois du président américain".
Avant toute chose, Serge Jaumain souhaite dire un mot de l’équipe choisie par le président Biden : "Il a composé pour s’entourer une équipe plus diversifiée, à l’image de ce que sont les Etats-Unis, une équipe mixte sur les plans des genres homme/femme, avec des représentants des différentes minorités ainsi que des Afro-américains. C’est aussi une équipe beaucoup plus compétente que celle dont s’était entouré Donald Trump, sous lequel on a assisté à une véritable valse des collaborateurs qui ne restaient parfois que quelques mois. Joe Biden est arrivé avec une équipe à la fois très rodée et très solide".
Un capitaine dans le navire face à la pandémie
L’une des priorités absolues du nouveau président a été lutte contre le Covid-19. Hier soir, lors de sa conférence de presse, Joe Biden a expliqué que 210 millions d’Américains étaient désormais pleinement vaccinés, alors qu’il n’y en avait qu’un million lorsqu’il est arrivé à la Maison Blanche. "Si l’on envisage la gestion du Covid-19, on peut dire que globalement, il y avait, cette fois, un capitaine dans le navire, ce qui n’était pas le cas précédemment puisque la Maison Blanche laissait aux Etats et aux gouverneurs le soin de gérer la crise comme ils le sentaient".
L’expert des Etats-Unis estime qu’un deuxième élément positif pour Joe Biden au cours de sa première année se situe au chapitre international, avec le retour des Etats-Unis dans toutes une série d’organisations internationales, dont les Accords de Paris sur le climat ou encore la table des négociations sur le programme nucléaire iranien : "Il l’avait promis, et on a donc retrouvé une forme de diplomatie apaisée, loin des sautes d’humeur de Donald Trump, qui envoyait un tweet rageur après une négociation avec l’un ou l’autre. On a aussi ce que l’on pourrait appeler une diplomatie "prévisible" dans le sens où son prédécesseur était pour sa part totalement imprévisible, ce qui, pour les interlocuteurs avec lesquels il négociait, était tout de même très compliqué".
Des réformes ambitieuses
Serge Jaumain pointe encore un élément à mettre à l’actif de Joe Biden, sa volonté de faire bouger les choses : "Alors que beaucoup pensaient que l’on aurait un vieux président de transition", précise le professeur de l’ULB, "élu parce qu’il y avait Trump en face de lui et qu’il fallait quelqu’un qui fasse l’unité dans le parti démocrate, et il était le seul à pouvoir le faire, il est venu malgré cela avec des réformes extrêmement ambitieuses. Il y a d’abord eu le grand plan infrastructures, des infrastructures qui sont aux Etats-Unis dans un état déplorable, et ce plan-là, il a réussi à le faire passer. L’autre grand plan, le fameux " Build back better " ne passe pas parce qu’il ne parvient pas à convaincre tous les démocrates au Sénat, mais on peut tout de même accorder à Joe Biden le crédit qu’il est venu avec un projet réellement ambitieux alors que l’on ne l’attendait pas sur ce plan-là, et il a vraiment fait tout ce qu’il a pu pour essayer de le faire voter. Il n'y est pas arrivé, mais il n’est pas entièrement responsable de cela".
Une "touche de vert"
Pour Serge Jaumain, il faut encore accorder au président Biden la volonté de défendre une certaine transition écologique : "Il a voulu "mettre du vert" dans tous les grands plans d’investissements qu’il a faits, plus que ses prédécesseurs, même si tous ces projets n’ont pas nécessairement abouti. Il y avait sa part une volonté forte de tenir compte de l’aspect environnemental".
Et puis il y a cette réforme électorale que Joe Biden aurait aimé faire adopter mais qui s’est heurtée à l’opposition républicaine à laquelle se sont ajoutés deux sénateurs démocrates : "C’était une loi fédérale pour protéger le droit de vote des populations les plus pauvres et en particulier des Afro-Américains", explique Serge Jaumain. "C’est un échec puisqu’il n’y est pas arrivé, mais on doit mettre à son actif le fait qu’il ait imaginé ce projet. S’il doit évidemment assumer, en tant que chef de l’Etat, le fait que cela ne passe pas au Congrès, on ne peut pas pour autant entièrement lui jeter la pierre car il ne faut pas oublier qu’il est arrivé au pouvoir avec une majorité très étriquée. On savait depuis le départ que la majorité au Sénat posait un problème puisqu’l suffit d’une voix discordante chez les démocrates pour qu’un projet ne passe pas et c’est ce qui est en train de se produire sur une série de projets, combiné avec le fait que les républicains forment un bloc assez solide et ne veut aucun compromis, ce qui est une évolution assez forte depuis ces dernières années".