Patrimoine

Il y a 100 ans en Égypte, le tombeau de Toutankhamon était découvert grâce à l’aide d’inconnus

Des travailleurs égyptiens participant à la découverte des tombes dans la Vallée des Rois

© - domaine public

Par Johan Rennotte via

Il y a 100 ans, la tombe de Toutankhamon était mise au jour. Si l’Histoire a retenu le nom du Britannique Howard Carter, considéré comme étant le découvreur du pharaon, ce sont pourtant des inconnus, simples habitants égyptiens, qui ont localisé et participé à l’extraction de ce trésor archéologique.

Samedi 4 novembre 1922, dans l’aride Vallée des Rois. Hussein Abdel Rassoul a tout juste 12 ans. Il fait chaud, dans le désert qui borde Louxor. Alors, le jeune garçon, qui habite le village voisin, est chargé d’apporter de l’eau aux ouvriers du chantier de fouilles. Ceux-ci sont occupés à excaver l’ancien campement de bâtisseurs qui ont, mille ans auparavant, construit la tombe de Ramsès VI. Ils ne sont pas spécialement intéressés par ces modestes habitations. Ce qu’ils cherchent, c’est l’entrée d’une tombe légendaire, celle d’un jeune pharaon oublié. Carter, qui commande le chantier, est en effet persuadé qu’il peut encore faire des trouvailles dans cette zone de la Vallée qui n’a pas encore été inspectée.

Selon ce qui se raconte encore aujourd’hui dans la banlieue de Louxor, ce 4 novembre, ce n’est ni Carter ni un ouvrier chargé des excavations qui, le premier, repère l’emplacement de la tombe, mais bien le jeune Hussein. Il aurait, par hasard, trébuché sur une marche cachée sous le sable. En la dégageant, c’est tout un escalier qui est découvert. Celui qui mène vers la tombe de Toutankhamon.

Une découverte égyptienne

Hussein Abdel-Rassoul, 12 ans, porteur d'eau sur la fouille de Howard Carter et qui aurait été celui qui a découvert la première marche du tombeau de Toutânkhamon le 9 novembre 1922. Autour de son cou un collier provenant du trésor.

L’histoire d’Hussein Abdel Rassoul, enfant découvreur de la tombe du plus célèbre pharaon, manque de sources pour être totalement vérifiable. On sait cependant qu’il travaillait bien sur le chantier, et qu’il fut photographié portant un pectoral en or et lapis-lazuli sortant directement de la tombe.

L’implication de centaines d’Egyptiens dans les fouilles, les travaux d’excavation, le recensement et le déménagement des trésors ne fait, elle, aucun doute.

Et pourtant, ce travail colossal n’a jamais été reconnu. En tant que directeur des fouilles, Howard Carter a tiré toute la renommée de la découverte. Les autres ne sont plus que des anonymes dans les livres d’Histoire. Même lorsque l’on connaît les noms des hommes qui ont, parfois de manière fondamentale, permis à Carter d’entrer dans le tombeau, on ne peut les associer à des visages.

Cette célèbre photographie montre Carter et l’un des responsables égyptiens de l’équipe devant le précieux sarcophage. Pourtant, on ne connaît pas le nom de cet homme. "L’Egyptien, pas nommé, pourrait être Hussein Abou Awad ou Hussein Ahmed Saïd", explique l’égyptologue britannique Christina Riggs à l’AFP. Deux des qautre contremaitres qui ont été des piliers de la fouille de la tombe, remerciés par Carter dans ses travaux.

© Tous droits réservés

En deux siècles d’égyptologie, ce sont presque toujours les archéologues occidentaux qui ont récolté les lauriers. Les "petites mains" égyptiennes restant dans l’ombre, comme si elles ne comptaient pas. Comme si cet héritage millénaire sorti du sable, revendiqué comme "patrimoine mondial", ne pouvait pas réellement leur appartenir à eux.

Une situation qui fait aujourd’hui réagir en Egypte. Lésé de son héritage culturel qui repose, souvent sans son accord, dans les musées du monde entier, le pays tente par tous les moyens de se remettre au centre du jeu. Pour nombre de scientifiques et d’archéologues, la situation est claire : non, le patrimoine égyptien n’est pas universel, il appartient d’abord à l’Egypte et à son peuple, sans qui aucune découverte n’aurait pu être faite.

Les Egyptiens sont restés dans l’ombre, anonymes et transparents dans le récit de leur histoire.

A déclaré Mme Riggs à l’AFP. Pourtant, une liste des noms de tous les Egyptiens ayant travaillé lors des fouilles de la tombe de Toutankhamon a existé, mais elle a été perdue, probablement jugée peu intéressante. Au contraire des archives de fouilles réalisées par Carter et son équipe, toutes envoyées au Royaume-Uni dont elles ne sont jamais reparties. Si Toutankhamon et son trésor sont restés en Egypte, l’outil indispensable pour les étudier est une fois de plus soustrait à l’Egypte. "Ils nous ont laissé les objets mais ont pris notre capacité à produire de la connaissance sur Toutankhamon." précise Monica Hanna, doyenne du Collège d’archéologie d’Assouan.

Depuis avril dernier, les archives photographiques de la découverte sont exposées à l’université d’Oxford, dans l’espoir de mettre en lumière la participation des Egyptiens. Elle permet au public d’enfin voir ces visages d’inconnus, d’ouvriers anonymes, parmi lesquels beaucoup d’enfants, sans qui le pharaon n’aurait jamais revu la lumière du jour.

"Les fouilles n’ont pas été réalisées par un archéologue anglais héroïque solitaire, mais par les membres de l’équipe égyptienne moderne, qui ont si souvent été négligés et exclus de l’histoire. Nous espérons que l’exposition contextualisera, célébrera, interrogera et critiquera la célèbre découverte qu’elle commémore." a déclaré le professeur Richard Parkinson, commissaire de l’exposition.

Sous le sable des pyramides

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