Cyclisme

Il y a 20 ans, Andreï Kivilev perdait la vie sur les routes de Paris-Nice… Le dernier drame du cyclisme sans casque

Archive - Cyclisme : le décès d'Andreï Kivilev sur les routes de Paris-Nice 2003

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Par Jérôme Helguers avec Kevin Paepen

Il y a 20 ans, le 12 mars 2003, le coureur kazakh Andreï Kivilev perdait la vie après une chute sur les routes de Paris-Nice. Un accident tragique dont les coureurs et les autorités du cyclisme tireront les leçons en rendant le port du casque obligatoire deux mois plus tard.

Nous sommes en mars 2003, Paris-Nice a commencé depuis quelques jours. Après un prologue remporté par le Belge Nico Mattan et une 1ère étape gagnée au sprint par Alessandro Petacchi, les coureurs filent vers Saint-Étienne, arrivée de la 2e étape. Alors qu’il ne reste qu’une quarantaine de kilomètres, vent de panique dans le peloton. Un coureur a chuté et gît au sol, c’est le dossard 55 de l’équipe Cofidis : Andreï Kivilev.

Aujourd’hui encore, plusieurs hypothèses circulent pour expliquer les causes de cette chute. Certains parlent de distractions, d’un réglage d’oreillette ou de mains qui cherchent quelque chose dans les poches arrière du maillot. D’autres évoquent la chute de l’un de ses coéquipiers, Marek Rutkiewicz, qu’il n’aurait pu éviter. Mais peu importe la raison, Andreï Kivilev est éjecté de son vélo et tombe en avant, tête la première, la face contre le bitume. Le coureur kazakh ne portait pas de casque. Il venait en fait de l’enlever, quelques kilomètres plus tôt, afin d’aborder la dernière montée de la journée plus léger, plus à l’aise.

Décès de Kivilev : le témoignage de Cédric Vasseur, son équipier sur Paris-Nice 2003

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Sans casque, aucune chance de survie

Les images sont glaçantes, la silouhette d'Andreï Kivilev reste au sol, inerte. Rapidement, il perd connaissance et tombe dans le coma. Le cycliste est évacué vers l’hôpital le plus proche où le diagnostic tombe. Il est lourd, trop lourd. Œdème cérébral, hémorragie méningée et fracture de l’os frontal. "On nous a vite expliqué qu'il était dans un état désespéré", témoigne Cédric Vasseur, équipier de Kivilev sur ce Paris-Nice 2003 et aujourd'hui manager de la formation Cofidis. 

Le 12 mars, le lendemain de sa chute, son décès est annoncé dans la matinée. Sur le site départ de la 3e étape de Paris-Nice, l’ambiance est pesante. Après une minute de silence, les coureurs prennent la route mais ont choisi de neutraliser la course. Une longue et douloureuse procession avec les coureurs Cofidis, équipiers de Kivilev, en tête de peloton.

La compétition reprend ensuite ses droits et Alexandre Vinokourov donne tout pour rendre hommage à son compatriote et meilleur ami. Vino gagne la 5e étape et le classement final d’un Paris-Nice qu’il termine en larmes sur le podium, photo de Kivilev dans les bras.

Qui était Andreï Kivilev ?

À 29 ans, Andreï laisse derrière lui sa compagne et un fils âgé d’à peine six mois. L’ironie du sort veut qu’il décède sur des routes qu’il connaît par cœur puisque le coureur de la Cofidis habitait la région de Saint-Étienne. Comme son ami Alexandre Vinokourov, Kivilev a rapidement quitté son Kazakhstan natal pour la France où il roule pour l’équipe amateur EC Saint-Étienne Loire. Ensuite, il va passer professionnel chez Festina-Lotus où il restera deux saisons (1998 et 1999). En 2000, il s’engage avec AG2R mais un an plus tard, il change déjà de maillot pour intégrer la Cofidis en 2001.

Très bon grimpeur, Andreï Kivilev a signé quelques places d’honneur sur les courses à étapes. Son palmarès renseigne deux victoires chez les pros, en 2001, la Route du Sud et une étape du Critérium du Dauphiné. Toujours lors de cette saison 2001, il s’était classé 4e du Tour de France, derrière Lance Armstrong, Jan Ullrich et Joseba Beloki.

Décès de Kivilev : le témoignage de Christophe Brandt, présent sur le Paris-Nice 2003

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La mort de Kivilev comme élément déclencheur du casque obligatoire

En 2003, le port du casque est obligatoire sur les courses cyclistes en Belgique, en Allemagne, aux Pays-Bas et au Luxembourg par exemple. Mais pas en France. Certains coureurs décident donc de le porter et d’autres non. Au départ de cette 2e étape de Paris-Nice, Andreï avait choisi de partir avec un casque mais, quelques kilomètres avant sa chute, il était redescendu à la voiture de son directeur sportif pour l’enlever et s’en débarrasser, histoire d’être plus léger pour passer la dernière difficulté de la journée.

À cette époque, l’UCI sent déjà le danger. Il y a une volonté d’imposer le casque obligatoire sur toutes les courses, mais la fédération se heurte à une véritable fronde du peloton. En 1991 déjà, les autorités du cyclisme ont fait face à une grève des coureurs sur la 12e étape du Tour de France. Le nouveau président de l’UCI, Hein Verbruggen, veut rendre le casque obligatoire et les cadors de l’époque, comme Laurent Fignon, Pedro Delgado ou Greg LeMond, lui répondent en refusant de prendre le départ. Coincée, l’UCI fait marche arrière.

"Quand on repense qu'on atteignait 60 ou 70 km/h dans des descentes ou des sprints, alors qu'on ne portait pas de casque, on se dit maintenant que c'était complètement de l'inconscience", explique Christophe Brandt, participant de ce Paris-Nice 2003 et aujourd'hui manager de l'équipe wallonne Bingoal WB. "Parfois, je dois avouer que je roulais moi-même sans casque. Maintenant, je trouve ça complètement débile mais tout a évolué, on ne peut pas faire le procès des gens qui ont fait ça avant. Les casques de l'époque n'étaient pas aussi évolué qu'aujourd'hui".

Le cyclisme d’aujourd’hui sans casque ? Une folie…

Quand le médecin de l’équipe Cofidis témoigne quelques jours après la chute d’Andreï Kivilev, le débat est relancé. Selon Jean-Jacques Menuet, le port du casque aurait "très vraisemblablement diminué les lésions du coureur car l’endroit où il a subi une fracture du crâne correspond à une zone protégée par le casque". "Je pense aussi que le casque lui aurait peut-être sauvé la vie ce jour-là", appuie aujourd'hui Cédric Vasseur. 

Prise de conscience pour une partie peloton. Le décès tragique de leur collègue Kivilev ramène certains coureurs à la raison. Une majorité est (enfin) prête à accepter la nouvelle réglementation, d’autant que l’évolution technologique permet la fabrication de casques plus légers et plus confortables. L’UCI ne traîne pas, deux mois plus tard, dès le Giro 2003, elle rend obligatoire le port du casque sur toutes les compétitions de cyclisme sur route. Avec une exception, la possibilité de l’enlever pour la dernière ascension, uniquement si l’arrivée est jugée au sommet d’un col. Une réserve qui ne tiendra pas très longtemps puisqu’en 2005, le casque devient obligatoire durant toute la course.

Le décès tragique d’Andreï Kivilev n’aura pas été vain. Sa chute et sa disparation ont provoqué un électrochoc dans le peloton. Et l’obligation de porter le casque a permis de sauver des vies. "Si on doit retenir une chose positive de ce drame, c'est effectivement ça. On a probablement sauvé des vies grâce au casque", confie Cédric Vasseur. 

D’ailleurs, 20 ans plus tard, les coureurs ont un peu de mal à imaginer ce cyclisme sans casque. Une folie selon eux. Que ce soit en course ou à l’entraînement, les professionnels d’aujourd’hui n’enlèveraient ce casque pour rien au monde.

Décès de Kivilev : le témoignage de Didier Rous, présent sur le Paris-Nice 2003

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