C’était il y a tout juste 35 ans. Le samedi 9 mai 1987, un an après la victoire de Sandra Kim en Norvège, la RTBF se retrouve en charge de l’organisation du 32e Concours Eurovision de la Chanson. Mais diffuser le plus grand spectacle de télévision jamais réalisé dans notre pays, ça ne s’improvise pas. Les moyens mis en place sont démesurés et les tensions communautaires ne sont jamais loin…
Lorsque Sandra Kim remporte la victoire en 1986, c’est l’hystérie dans toute la Belgique. Un sentiment d’union nationale se ravive et "J’aime la vie" résonne tel un slogan noir-jaune-rouge. Mais une fois l’euphorie retombée, cette immuable règle du concours revient dans les esprits : le pays qui arrive en tête du classement doit accueillir la prochaine édition du concours. C’est là que ça se complique…
Crispations communautaires
Les premières difficultés apparaissent au moment d’envisager l’organisation de l’événement. Car depuis 1960, les médias francophones et néerlandophones sont complètement indépendants. La RTBF et la BRT (aujourd’hui VRT) s’étaient promis de diffuser l’événement en coproduction en cas de victoire de la Belgique. Mais elles ne parviendront jamais à s’entendre…
L’histoire de ces préparatifs est si particulière qu’elle a fait l’objet d’une étude universitaire en Australie. Oui, oui, vous avez bien lu ! L’historienne Julie Kalman se présente comme une spécialiste de l’émancipation des Juifs en Europe, des migrations en Australie… et du Concours Eurovision de la Chanson. Dans l’ouvrage qui lui est consacré, elle s’intéresse à la façon dont le concours participe à la construction d’une identité européenne depuis sa création en 1956. Le quatrième chapitre de son travail s’intitule Which Belgium won Eurovision ? European Unity and Belgian Disunity (Quelle Belgique a gagné l’Eurovision ? Unité européenne et désunion belge). Les tensions entre RTBF et BRT y sont largement étudiées et documentées.
Les recherches de Julie Kalman dans la presse belge de l’époque montrent que la victoire de Sandra Kim a lieu dans un contexte compliqué sur le plan politique. En effet, les premières lois de régionalisation du pays sont votées au début des années 80. C’est la raison pour laquelle "J’aime la vie" vient raviver un sentiment national tant au nord qu’au sud, comme le serait aujourd’hui une victoire des Diables en Coupe du Monde par exemple.