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Il y a cent ans naissait Jack Kerouac, le père du mythique "Sur la route"

Jack Kerouac

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Ce 12 mars, il y a tout juste cent ans un des écrivains américains les plus illustres voyait le jour : Jack Kerouac. Celui qui aimait se définir comme un visiteur éphémère a pourtant marqué une époque. Récupéré par les beatniks puis par la contre-culture, il a acquis une stature d'auteur classique au même titre que J.D.Salinger ou Carson McCullers.

Jean-Louis Lebris de Kerouac vient au monde à Lowell dans le Massachussetts. Ses parents sont québécois. Son père, imprimeur, a même des origines bretonnes et celui qu'on surnomme "Ti-Jean" ne parle que le français chez lui ou plutôt, le joual,  un dialecte franco canadien. Ce n'est que quand il rentrera à l'école qu'il sera confronté à l'anglais et il ne sera véritablement bilingue qu'à l'âge de quinze ans.  

Enfant, il traine dans l'atelier d'imprimerie de son père et apprend à taper à la machine. Il aime écrire et rédige même un premier roman à onze ans. A l'adolescence, c'est grâce au sport qu'il se fait remarquer. Il excelle en baseball et en course à pied ce qui lui permet de bénéficier d'une bourse et d’aller étudier à l’Université de Columbia à New York. Il rêve de pouvoir devenir journaliste dans un quotidien new-yorkais. Il lit beaucoup, sort, découvre le jazz, une véritable révélation. Il aimera d'ailleurs se définir comme un jazz poet.

Jack Kerouac

Malheureusement il se fracture le tibia, doit arrêter le sport et décide de voyager. La guerre éclate et il s'engage comme matelot dans la marine marchande. De retour à New York, il laisse tomber l'université et commence à brûler la vie par les deux bouts.  Il consomme des drogues, boit beaucoup et  fraye avec des prostituées. C'est à cette époque aussi qu'il fait les rencontres déterminantes d'Allen GinsbergWilliam Burroughs et de Neal Cassidy dont il s'inspirera pour camper le héros de Sur la route.

Jack Kerouac est fasciné par ce dernier. Cassidy est terriblement libre et libertaire. Il a été élevé par un père alcoolique, a connu les maisons de correction et persévère dans sa carrière de délinquant. Cassidy est aussi un passionné de vitesse et d'automobile et inculque à Kerouac son amour des grands espaces, de la route, du grand large. 

En 1947, Jack Kerouac se lance à la conquête des grands espaces. Il ne cessera dans les années suivantes de parcourir les Etats-Unis et le Mexique. 

Beat Generation : ses trois significations

A l'aube des années 1950, les Etats-Unis sortaient de la Seconde Guerre mondiale et allaient bientôt basculer dans la guerre froide. La jeunesse commence à se rebeller et veut rompre avec la conformité de la génération précédente. Ils se relèvent à peine des horreurs de la guerre et vivent désormais sous la menace nucléaire. Ils veulent trouver un sens à leur vie ainsi qu'une place dans la société. Ils rêvent d'évasion, aspirent à un mode de vie nomade à grand renfort de voyages, ne dédaignant ni les drogues ni la spiritualité. 

Jack Kerouac est le premier à employer le terme "Beat Generation" en 1948 pour décrire un groupe d'amis. "Beat" veut dire initialement "fatigué" ou "cassé". Il était souvent utilisé par les Noirs pour dire qu'ils étaient pauvres, écrasés par le système. Par glissement, le terme évoque une génération perdue, pauvre, au bout du rouleau...

Beat fait également référence au rythme : celui du cœur, celui du jazz, de la batterie. Celui des phrases si particulières de l'écrivain. 

Enfin, "beat" est à rapproché de "béat" en français, la langue maternelle de Jack Kerouac, éduqué dans la foi catholique ! 

"Sur la route" de Jack Kerouac

La légende veut que Jack Kerouac ait écrit Sur la route en trois semaines en 1951 sur un rouleau de 36,5 mètres de long en se basant sur ses nombreuses notes de voyage. Le livre met en scène le périple en auto-stop de deux marginaux à travers les Etats-Unis et le Mexique à fort renfort de débauche et d'expériences en tout genre. Dans une lettre à un ami en 1943, Kerouac décrit la débauche comme la libération des contraintes qu’un homme s’impose. En un sens, chaque moment de débauche est une insurrection privée de brève durée contre les conditions statiques de la société

 

Le tapuscrit original est envoyé à différentes maisons d'édition en 1952 mais le texte est refusé partout. L'écrivain devra le retravailler pendant sept avant qu'il ne soit enfin publié par Viking Press.

Gallimard rééditera Sur la route : le rouleau original en 2010.

Un style imagé

Le succès arrive instantanément. Kerouac impose son style unique. Lui qui trainait dans les ateliers d'imprimerie de son père, tape vite et cette vitesse influence son style. Truman Capote qualifiera même les textes de l'écrivain comme "tapés et non écrits". Son écriture se veut concise, tranchante, rythmée à l'image du jazz qu'il affectionne. Il la définit comme suit :

Pas de pause pour penser au mot juste mais l'accumulation enfantine et scatologique de mots concentrés.

L'auteur confesse aussi l'influence de sa langue maternelle : 

Si je manipule les mots anglais aussi facilement c’est parce que ce n’est pas ma langue. Je les remodèle pour qu’ils collent à des images françaises.

Kerouac se voit rapidement propulsé porte-parole de la Beat Generation. Ce qui le met mal à l'aise. Il se rend compte que peu de gens comprennent le sens de Sur la route. Kerouac y parle d'errance, de frasques, de déchirure, de la créature qui oscille entre ange et démon et il y explore ses propres pulsions tout en dénonçant les tares de son époque. Ses lecteurs voit Sur la route comme  un "guide" d'instructions poétiques pour explorer les grands espaces américains tant géographiques que spirituels. Bien vite, le livre devient la bible de ceux que la presse surnomme les beatnik, contraction de beat et de spoutnik laissant supposer un attachement au communisme.

 

Kerouac n'a pas participé à la mouvance hippie

Or Kerouac se sent foncièrement anticommuniste, il n'aime pas la gauche et tente de renier cette filiation forcée. Malgré les apparences, il n'oublie pas ses origines de québécois français né dans l'entre-deux-guerres et élevé dans un milieu profondément pieux. Reconnaissant envers son pays d'adoption, se révélant plutôt conservateur dans ses positions, il se déclare apolitique quand ses anciens compagnons frayent avec l'extrême gauche. 

Il s'enferme dans la solitude et sombre dans l'alcool. Contrairement à ses anciens amis, Allen Ginsberg et Neal Cassidy, il ne participera pas à la mouvance hippie, il perd dès lors en popularité et peine à s'affirmer comme un auteur à part entière. Ses derniers ouvrages sont même boudés par le public.

Contrairement à Céline qu'il admirait tant, Kerouac est entré dans la légende en tant qu'icône de la contre-culture. Alors qu'il souffrit d'être récupéré par le mouvement hippie, Kerouac est encore aujourd'hui irrémédiablement lié à cette image un brin kitsch de l'autostoppeur rebelle sur la route 66 à la conquête des grands espaces de l'Ouest américain.

Jack Kerouac est mort en 1969, à l’âge de 47 ans, d’une hémorragie digestive due à son alcoolisme.

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