De la traite à la vente
La fromagère en herbe a 23 ans quand elle démarre son activité pour de bon. "Les chèvres devaient mettre bas en mars-avril, il y en a une qui a avorté au mois de février. Comme elle avait du lait, j’ai commencé à faire des expériences à ce moment-là." Les premières tentatives de fabrication de fromages se révèlent stressantes et complexes.
Elle prend l’initiative de s’inscrire à une formation auprès de DiversiFerm qui accompagne les producteur·rices de denrées alimentaires artisanales à la commercialisation via les circuits courts. "En parallèle, les chèvres étaient en train de mettre bas donc j’avais le lait et je pouvais commencer à pratiquer. J’ai vite été débordée."
Ses premiers fromages se révèlent...très mauvais. "Lors d’un repas de famille, je voulais les faire gouter à mes proches, mais ce n’était pas bon du tout", rigole-t-elle rétrospectivement. À force de travail et d’essais, elle finit par obtenir de succulents résultats. C’est auprès des restaurants des environs qu’elle commence à se faire connaitre. "Ils ont assez vite accroché, c’est un tout petit village, mais c’est très touristique."
Il arrive que des gens, souvent des hommes d’ailleurs, ne me croient pas quand je leur dis que je suis chevrière
Mais ce n’est pas tout ! Lors de sa première expérience de marché, elle découvre le plaisir du partage du bon produit avec les client·es. Le succès est au rendez-vous, très rapidement, la sauce prend. Ses fromages font parler d’eux et d’elle. Face à la demande, elle fait transformer une partie de l’étable et crée une véritable fromagerie.
Ne pas compter ses heures
Aujourd’hui, cela fait 5 ans qu’Amandine Vanderheyden est devenue fromagère, elle vend sa gamme en Flandre et en Wallonie sur la marché, en direct ou via des petites épiceries. Derrière cette réussite, il y a du travail, beaucoup de travail. "J’ai 27 ans, mais je sens que ces 5 ans m’ont bien fatiguée. Les premières années, c’était plus difficile, je devais me lever vers 4 heures du matin pour préparer le marché et traire les chèvres. Puis il y avait la production du fromage, et comme je n’avais pas beaucoup de techniques, je travaillais jusque 23h, je rentrais en pleurant. Mais au marché, les retours positifs des gens me redonnaient de l’énergie."
Si elle aime son métier, l’année dernière s’est révélée très difficile. "Ce qui me plait beaucoup dans ce que je fais, c’est le contact avec les gens. Pendant le covid, j’ai dû me réinventer : j’ai fait des livraisons, ça a très bien fonctionné, mais c’était juste ‘sonner-déposer-partir’. C’était assez dur."
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Ces derniers mois ont aussi marqué le début de la collaboration avec son père, qui lui aussi est passé à l’élevage de chèvres. Une étape qui n’a pas été facile dans un premier temps. Aujourd’hui, il y a beaucoup plus de chèvres sur l’exploitation, son projet a évolué, mais elle l’accepte. "Je me rends compte que c’est quand même chouette parce qu’on est deux et donc j’ai plus de temps libre. Et garder une vie à côté du boulot, c’est vraiment important pour moi. J’ai vu mon papa quand j’étais jeune tout donner pour le travail et moi je ne voulais pas ça."
Ses ami·es viennent régulièrement lui rendre visite à la ferme. Certain·es ayant fait des burn-out trouvent dans son petit paradis, un lieu où se ressourcer. "Moi aussi, ça me fait du bien d’avoir leur compagnie. Plus j’avance, plus je me structure et j’arrive à me dégager du temps. J’ai pu recommencer le sport cette année, c’est quand même cool ! Mais oui, quoiqu’il en soit je n’ai pas le choix, je dois me lever. Si je bois des verres le soir à Liège, le lendemain, à la traite, je sais que je vais morfler."