Quelques éléments de contexte pour saisir la complexité des enjeux de son métier. Si la victime peut identifier le ou les auteurs (ce sont en grande majorité des hommes !) du cyberharcèlement, celle-ci aura le choix d’introduire une action civile (demande de réparation du préjudice subi) ou pénale, mais lorsqu’une personne exprime une opinion punissable dans une publication écrite et publique (y compris sur les réseaux sociaux), le fait est condamné comme un délit de presse (article 150 de la Constitution). Ce type de délit n’est pas jugé au tribunal correctionnel, mais devant la cour d’assises. Il s’agit d’une procédure chère, compliquée et tout à fait exceptionnelle. En pratique donc, les auteurs ne sont presque jamais poursuivis ou condamnés.
Comme l’indique l’avocate, la loi autour du délit de presse date de la création de la Belgique. "La volonté du constituant était de protéger la liberté d’expression, mais aujourd’hui avec les réseaux sociaux ; tout ça est remis fondamentalement en cause. Le discours haineux bénéficie des mêmes règles que le débat d’intérêt général."
Il existe une exception à la compétence de la cour d’assises, c’est le délit de presse inspiré par le racisme. Depuis 1981 et la loi Moureaux, les faits inspirés par le racisme, la xénophobie ou le négationnisme sont jugés par le tribunal correctionnel. Ce fut le cas de l’affaire autour de Cécile Djunga, défendue par Maître Adam. Pour rappel, l’animatrice de la RTBF était victime d’insultes à caractère raciste et de menaces de mort, et le tribunal a condamné son agresseur. "Des propositions de loi ont été mises en avant pour élargir le cadre des exceptions notamment au sexisme. Mais selon moi, tout discours de haine et de violence, peu importe le critère de discrimination qui motive l’agresseur, devrait être correctionnalisé."
►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici
Une autre difficulté majeure reste que souvent, sur les réseaux sociaux, on ne connait pas l’identité de celui ou celle qui se cache derrière les messages. "Les réseaux sociaux doivent être considérés comme un espace public et non plus un lieu soumis au bon vouloir d’entreprises privées ! Je trouve qu’il faut permettre aux personnes qui sont victimes de recourir à un juge au pénal comme au civil pour identifier les auteurs. Avec la RTBF, j’essaye de faire bouger les lignes dans ce sens." À savoir, en ce moment, le service public compte une dizaine d’actions en justice en cours pour harcèlement. "Ces actions permettent de signifier qu’il y a des limites à ne pas dépasser."