Les Grenades

In Constance Frère We Trust, promouvoir l’ouverture et la construction de l’esprit critique

© Tous droits réservés

Temps de lecture
Par Jehanne Bergé pour Les Grenades

Dans la série In… We Trust (en français : "Nous croyons en"), Les Grenades vont à la rencontre de femmes arrivées là où personne ne les attendait. Pour ce dernier épisode de l’année 2022, discussion avec Constance Frère, journaliste féministe et coordinatrice du programme Move With Africa qui encourage auprès des jeunes le partage et la citoyenneté mondiale.

C’est dans son appartement bruxellois que nous retrouvons notre interlocutrice du jour. À côté de la porte d’entrée, un clitoris 3D accroché au mur. "Parfois les hommes pensent que ce sont des testicules…. Comme quoi il y a encore du boulot !", introduit Constance Frère, 32 ans, en riant.

La déconstruction des stéréotypes, ça la connait, c’est même sa spécialité. Pour Les Grenades, aujourd’hui, elle remonte le fil de son engagement citoyen et féministe.

►►► Retrouvez en cliquant ici tous les articles des Grenades, le média de la RTBF qui dégoupille l’actualité d’un point de vue féministe

Correspondre à la norme

Son histoire commence dans les années 90 à Bruxelles. Enfant, elle développe un esprit libre et frondeur. "On me qualifiait souvent de ‘garçon manqué’. J’aimais bien parler crûment, mais on me répétait que ce n’était pas féminin ! Je ne me retrouvais pas dans les attentes de la société par rapport aux filles, c’est-à-dire de rester douce, attentive, discrète." Encouragée par sa mère féministe, elle se questionne et tente de trouver des réponses à ces injonctions. "Avec le recul, j’observe que sous la pression sociale, malgré tout, je me suis lissée pour me conformer."

À la fin de ses secondaires, elle se dirige sans trop y croire vers des études de droit. "Très vite, j’ai compris que c’était trop carré pour moi, je me sentais assez malheureuse. Vivre cette année d’échec a été difficile, mais il y avait un cours de sociologie du droit et ça, j’ai adoré." C’est ainsi que l’année suivante, elle prend un nouveau départ et se lance dans un cursus de socio-anthropo à l’Université libre de Bruxelles : un coup de cœur académique.

L’approche pédagogique

Après ce cursus, elle plie bagage pour poursuivre une expérience en tant que bénévole à l’étranger. "Je suis notamment allée en Colombie pendant sept mois, où j’ai travaillé dans un centre de réinsertion pour enfants-soldats enrôlés par les forces armées révolutionnaires."

Ces rencontres et apprentissages consolident son engagement citoyen et son intérêt pour l’accompagnement des jeunes. De retour en Belgique, elle cherche un emploi qui lui ressemble et découvre Move With Africa, un projet lancé par le quotidien La Libre en 2012 pour sensibiliser les jeunes à la citoyenneté mondiale et à l’interculturalité. Aujourd’hui, Constance Frère coordonne l’initiative depuis cinq ans déjà. "Nous collaborons avec plusieurs ONG. Durant toute l’année scolaire, les élèves suivent des ateliers. On essaye de leur offrir une grille de lecture différente en abordant les questions de migrations, de genre, de décolonialisme…"

Chaque année, à travers leurs écoles, plus de 200 jeunes de 15 à 20 ans participent au programme.

Des rencontres ici et au-delà des frontières

Toutes les classes peuvent postuler mais les écoles prioritaires sont celles dites à "indice économique faible". Les participant·es assistent aux ateliers en dehors des heures de cours le mercredi après-midi. "Aussi, on organise de grands weekends de formation avec les 200 élèves."

Des jeunes des quatre coins de la Belgique francophone qui discutent de sujets citoyens ; l’expérience se révèle exemplaire pour créer du vivre ensemble. "On propose des débats, des mises en situation, des jeux. L’idée c’est vraiment de casser certains stéréotypes et qu’ils soient préparés à la rencontre une fois qu’ils partent au Sénégal, au Togo, au Rwanda, au Bénin ou en Ouganda."

En effet, la rencontre interculturelle hors des frontières de notre plat pays se veut le climax du programme. Move With Africa compte Brussels Airlines parmi ses partenaires afin d’offrir des billets à moindres coûts à toutes et tous. "Mais il y a quand même des frais, et ce sont les élèves qui s’organisent pour développer des activités collectives pour trouver les fonds et financer le séjour. Il y a un véritable engagement de leur part."

►►► Pour recevoir les informations des Grenades via notre newsletter, n’hésitez pas à vous inscrire ici

Ce voyage, souvent synonyme de première fois pour les jeunes, se révèle une étape importante. "Le but, c’est qu’ils et elles rencontrent des élèves de leur âge et échangent dans le respect de chacun·e et de la culture de l’autre. Nous avons des partenaires locaux qui donnent également des formations dans les pays d’accueil." Au cours de ces semaines à l’étranger, des moments de débats sont organisés, mais selon la spécialiste ce sont des rendez-vous informels dont découle la plus grande richesse. "Par exemple, ils et elles partent une journée chez leur correspondant·e, ça crée vraiment des partages précieux. Certain·es très timides s’ouvrent véritablement."

À la suite de ces expériences, les jeunes livrent leurs récits dans les pages d’un supplément de La Libre ; une bonne manière de visibiliser leurs vécus.

J’ai l’impression que les jeunes filles sont beaucoup plus engagées et révoltées que je ne l’étais à leur âge

Grille de lecture féministe

Concernant la question du genre, lors des ateliers, la sociologue note une évolution des mentalités. "J’ai l’impression que les jeunes filles sont beaucoup plus engagées et révoltées que je ne l’étais à leur âge. Quand on aborde les questions de genre en classe par exemple avec l’outil pédagogique ‘What the foot’, elles pointent les inégalités de prises de l’espace dans la cour de récré. On sent que des choses se réveillent. Par exemple, la série Sex Education, moi, je l’aurais vu ado, j’aurais peut-être vécu ma vie sexuelle différemment. C’est bien que ces histoires soient racontées, mais il reste beaucoup de travail pour plus d’égalité."

Très sensible à cette thématique, Constance Frère suit actuellement le certificat en études de genre et sexualité de l’ULB. D’ailleurs, à côté de Move With Africa, elle travaille en tant que journaliste entre autres comme critique littéraire d’ouvrages féministes. "Depuis #metoo, il y a de plus en plus de livres féministes. Beaucoup de librairies proposent désormais une section dédiée. On donne enfin une place aux femmes et celles qui nous ont précédées. Ces remises en question des normes nous permettent de vivre plus sereinement, même s’il y a encore beaucoup de boulot", conclut-elle.

Loading...

Dans la série In… We Trust (Nous croyons en)

 


Si vous souhaitez contacter l’équipe des Grenades, vous pouvez envoyer un mail à lesgrenades@rtbf.be

Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.

Inscrivez-vous aux newsletters de la RTBF

Info, sport, émissions, cinéma...Découvrez l'offre complète des newsletters de nos thématiques et restez informés de nos contenus

Articles recommandés pour vous