Les Grenades

In Isabelle Prévost We Trust, se reconstruire par la nature, les contes et le yoga

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Par Jehanne Bergé pour Les Grenades

Dans la série In… We Trust (en français : "Nous croyons en"), Les Grenades vont à la rencontre de femmes arrivées là où personne ne les attendait. Dans cet épisode, nous partons à Chassepierre, à la découverte de l’univers d’Isabelle Prévost. Conteuse et prof de yoga, elle a redémarré une nouvelle vie à la campagne. Voici son récit…

Quon se le dise, depuis Bruxelles, Chassepierre ce nest pas la porte à côté. Quelques heures de train, et nous arrivons dans cette superbe région qu’est la Gaume. C’est là que se loge ce petit village, par ailleurs classé comme lun des plus beaux de Wallonie.

Isabelle Prévost vient nous chercher à la gare de Florenville. Un passage à l’épicerie bio, et nous nous mettons en route. Chassepierre est connu pour son Festival international des Arts de la rue, mais en ce milieu de mois de juin, cest le calme absolu. La Semois, les 200 habitant·es, le clocher… ça change de la grande ville ! En arrivant, notre hôte pointe lune des maisons voisines : "Là cest chez mon compagnon, ici cest chez moi, chacun·e chez soi !" Sur sa porte, une plaque indiquant "Isabelle Prévost, yoga et contes” : cest certain, nous voilà à destination. Assise à la table de son jardin suspendu, elle revient sur son histoire…

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Les hasards de la vie

"Mes parents sont français. Ils sont arrivés en Belgique en 1971. Ils se sont rencontrés en juillet et se sont mariés en octobre, alors que mon père se considère comme anarchiste", souligne notre interlocutrice en souriant. Née en 1972, jusqu’à l’âge de cinq ans elle grandit dans une caravane installée dans un camping à Liedekerke, dans les environs de Bruxelles. "Mes parents l’ont achetée pour avoir leur petit bout à eux. C’était une belle époque : jai appris à rouler à vélo dans les allées du camping, je m’amusais dans la plaine de jeux."

La famille déménage ensuite à Gembloux. Après ses secondaires, la jeune femme rêve de quitter le nid et débarque à Liège pour entrer à luniversité. "Un nouveau monde sest ouvert à moi… Passionnée de lecture, au départ, je voulais étudier les métiers du livre, et puis la formation a évolué et je suis arrivée en Anthropologie. Jai adoré, ça ma beaucoup nourrie." À la fin de son cursus, Isabelle Prévost part vivre à Bruxelles. Après quelques mois en tant que professeure de morale, elle entre à la RTBF, un peu par hasard. "C’était supposé être un remplacement durgence pour trois mois, et finalement je suis restée 17 ans comme assistante de production…"

En 2001, elle se rend en Tunisie pour suivre un stage de contes dans le désert. Durant ce séjour par hasard, elle rencontre celui qui deviendra le père de sa fille. "Jai fait des allers-retours entre la Belgique et la Tunisie. On a décidé de se marier pour faciliter notre union."

 

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Maman solo et changement de cap

Quelques années plus tard, en 2007, leur fille nait à Bruxelles. "Nous nous sommes séparés un an après, et un jour il est parti et nous ne lavons plus jamais revu." Cette rupture brutale est bouleversante. "Ça a été un coup dur. Je me suis retrouvée seule avec ma petite dun an et demi, mais nous y sommes arrivées toutes les deux. Et avec le recul, je comprends que même lorsque tu te sens coincée dans une situation vraiment compliquée, des gens peuvent taider, tu nes pas seule au monde…"

Quelque temps après cet événement, elle rencontre par hasard (le hasard encore et toujours !) son compagnon actuel. Lhomme habite alors à Chassepierre tandis quelle est toujours installée à Bruxelles. "Moi je ne souhaitais plus mengager dans une relation. Je voulais vivre au jour le jour."

Pendant cinq ans avec son enfant, elle multiplie les trajets jusquen Gaume. Petit à petit lappel de la campagne se fait de plus en plus fort… Cette relation lui ouvre la voie. Elle prend conscience des possibles en dehors de la ville. "Jaimais vraiment Bruxelles avant davoir ma fille, mais seule avec elle, ce n’était pas la même réalité. Je ne profitais plus des événements culturels et de la vie sociale, je ne voyais presque plus que les inconvénients. Entre le boulot, l’école et l’appartement, je courais partout."

Pour moi, le plus important c’est la respiration

Cependant, on ne renonce pas un CDI dans une grande institution sur un coup de tête… "Étant donné ma situation de maman solo je me sentais responsable, je ne pouvais pas tout quitter du jour au lendemain." Lidée de partir fait néanmoins son chemin… Autour delle, Isabelle Prévost observe alors des collègues qui prennent la décision de changer de cap dun côté, et de lautre des personnes victimes de burn-out… "À un moment, je me suis sentie prête. Ce n’était pas un départ à la campagne idéalisé, javais déjà un petit réseau. Jai trouvé un appartement à louer. Jai demandé un congé sans solde et je me suis donné un an."

En 2013, elle sinstalle à Chassepierre. Sa fille entre en première primaire, une nouvelle vie commence. Entre-temps, elle voit passer une annonce pour un poste danimatrice à la bibliothèque de Florenville. Elle postule et est engagée. Les étoiles salignent. "Jai tendance à croire que lorsquon lâche prise, les choses se mettent en place."

Les histoires et la respiration

Depuis qu’elle vit à loin de Bruxelles et travaille à temps partiel, Isabelle Prévost gagne en liberté pour ses activités complémentaires de conteuse et prof de yoga. Son intérêt pour le conte remonte au début des années 2000. "J’adore les mots et les histoires, et ce depuis toujours. Avec les contes, je trouve que c’est infini, il y a de la matière pour toute une vie et au-delà."

L’art du conte est synonyme d’un long cheminement fait de rencontres avec les histoires, avec le public, avec les autres conteurs et conteuses, et avec soi-même. "Petit à petit, je me suis forgé mon expérience. Je pense que de vivre ici m’aide à être plus apaisée. On entend les oiseaux, la nature verdoie tout autour de nous… Les sens en éveil, ça nourrit les histoires."

La conteuse raconte dans les bibliothèques des environs, dans les résidences pour personnes âgées, dans les crèches, dans les écoles, les centres culturels….

Concernant les relations, nos grilles de lecture se construisent trop souvent par rapport au regard des autres

En parallèle de cette pratique artistique, il y a quelques années, elle s’est lancée dans le yoga. "Ça faisait longtemps qu’on me recommandait de m’y mettre pour calmer ma nervosité intérieure. Je me suis rendue à un cours et ça a été une révélation. J’ai compris que jusque-là je ne respirais pas vraiment…"

Depuis cette première leçon, les choses ont drôlement évolué puisqu’elle enseigne aujourd’hui cette discipline. "À Chassepierre, je donne des cours de yoga inclusifs ; je reçois des personnes de tous les âges. Je souhaite que chacun·e trouve ce qui lui convient et si ça ne convient pas, ce n’est pas grave, je souhaite à la personne de trouver ailleurs… Pour moi, le plus important c’est la respiration. Le yoga se combine d’ailleurs très bien avec le conte, car la respiration est liée à la voix à l’ancrage."

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Que ce soit à travers le conte, le yoga ou la bibliothèque, son moteur principal reste la rencontre. "Je suis curieuse de connaitre le parcours des gens." Elle ajoute : "Ce qui m’importe c’est la transmission, finalement, les histoires c’est ça aussi…"

Un quotidien plus apaisé

Voilà donc 8 ans qu’elle vit dans ce village gaumais. Aujourd’hui, sa fille a 15 ans et c’est elle qui rêve de quitter le nid. Isabelle Prévost, elle, ne regrette pour rien au monde ses choix de vie.

Les sens en éveil, ça nourrit les histoires

Elle a acheté une petite maison, et continue d’entretenir son indépendance en maintenant son logement séparé de celui de son compagnon. "Ça nous va très bien à lui comme à moi. On se voit par le jardin, parfois on mange ensemble, parfois pas, nous écoutons nos envies. Concernant les relations, nos grilles de lecture se construisent trop souvent par rapport au regard des autres, mais finalement, une vie, ce sont des ajustements constants…"

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Toujours aussi passionnée de lecture, il y a un an, elle a mis en place une boite à livres dans le village. Chez elle, on retrouve des caisses d’ouvrages dans toutes les pièces. "Un livre pour moi c’est une porte sur le monde, sur des pensées, ça développe l’esprit. C’est le partage, à la fois intime et universel."

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La cloche sonne : presque 19h, il est temps de se mettre en route, nous passons ensemble devant la boite à livres direction les bords de la Semois. Aujourd’hui le cours de yoga se donne en plein air. Isabelle Prévost accueille les habituées, c’est parti pour la respiration.

Finalement après un bon repas sous le ciel clair des soirées de presque été, nous quittons notre hôte et sa fille pour une nuit sous les étoiles de Chassepierre dans la sympathique auberge du Vieux Logis "ici c’est un petit village qui vit", nous souffle Thérèse, la propriétaire. Mais nous n’avions déjà plus aucun doute là-dessus, la quiétude oui, mais la vie aussi…

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Dans la série In… We Trust (Nous croyons en) :


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Les Grenades-RTBF est un projet soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles qui propose des contenus d’actualité sous un prisme genre et féministe. Le projet a pour ambition de donner plus de voix aux femmes, sous-représentées dans les médias.

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