En Belgique, 8,5% de la population âgée de 65 ans et plus vit en structure de soins résidentielle (maison de repos et de soins, résidence pour personnes âgées). "Il n’y a pas assez d’alternatives aux maisons de repos. Il faudrait plus d’habitats groupés, de logements intergénérationnels pour que ces gens puissent mieux prendre part dans la société."
Elle ajoute : "Par rapport aux maisons de repos, il y a deux solutions : on y va quand on est encore très bien et on décide de s’installer là comme si on allait à l’hôtel. Dès lors, on peut créer des liens à l’intérieur de cette maison avec le personnel et les résident·es et donc, le jour où on tombe malade, on souffre moins parce qu’on a des liens. Ou bien, on attend la dernière minute, mais alors c’est trop tard pour créer tout ça."
On oublie que les gens sont là pour vivre, qu’ils ne sont pas nécessairement malades
Nous lui demandons si un jour, elle aurait envie d’aller en maison de repos. "Personne n’a envie ! Mais fatalement, si j’ai la chance de vieillir, il y a un jour où je devrai me poser la question... Mais si je peux vivre d’une autre manière, ce serait plus chouette."
"C’est un travail qu’il faut faire parce qu’on l’aime"
Le personnel des maisons de repos compte encore une très grande majorité de femmes. "Mais il y a déjà plus d’hommes qu’avant, ça évolue !", s’exclame Maud Van den Brande. Ce qu’elle dénonce, ce sont les conditions de travail. "Il faut que les gens soient bien payés, mais surtout que les conditions de travail soient correctes, parce que ce n’est pas l’argent qui fait tout. Il faut assez de personnel, il faut que la personne puisse s’investir et trouver le temps de s’occuper humainement des patient·es. Tu peux rentrer chez toi épuisée, si tu as eu le temps d’échanger, d’avoir des relations humaines, tu seras nourrie."
Depuis deux ans, elle participe à des présentations organisées par la mission locale de Saint-Gilles à destination des futurs aides-soignantes et aides-soignants. "Je leur dis toujours : ‘quand vous commencez vos études, voyez si vous aimez ça, si oui, foncez, si pas, ne faites surtout pas ce métier, vous serez épuisées et vous ne serez pas heureuses. Ce n’est pas un travail qu’on prend parce qu’il y a des débouchés. C’est un travail qu’il faut faire parce qu’on l’aime.’" Pour elle, c’est clair, ce métier, on le fait avec amour ou on ne le fait pas. Elle conseille aussi aux jeunes générations de se syndiquer. "C’est très important de pouvoir réclamer ses droits et de pouvoir s’affirmer. Certaines maisons de repos sont des machines d’exploitation."
Prendre de la distance
Parmi les multiples difficultés de la profession, il y a la mort. "Il m’a fallu du temps pour devenir raisonnable dans mon rapport à la mort. Les premières années, quand je perdais quelqu’un que j’aimais bien, je pouvais pleurer trois semaines. Au fil du temps, j’ai accepté la perte. Je suis toujours triste bien sûr, mais j’ai beaucoup de photos de personnes chez moi que j’ai soignées. Ça me réchauffe le cœur de voir leurs visages."
Maud Van den Brande a pris sa retraite peu de temps avant la pandémie. "J’ai été très choquée par la situation, j’étais en lien avec mes collègues. C’était l’horreur, mais je me protégeais. La fragilité de la vie, ça me touche trop, j’essaie de me blinder.”
►►► A lire aussi : Evelyne, kiné dans des maisons de repos : "Durant la crise, nous étions leur réconfort"
Dans les maisons de repos, la crise sanitaire a été particulièrement horrible. Plus que jamais, les personnes âgées ont été isolées. "Elles [les épreuves du confinement et les restrictions de libertés, NDLR] ont renforcé des situations d’isolement qui préexistaient et mis sur le devant de la scène la “mort sociale” des résidents. (...) Cette crise a mis en lumière d’autres obstacles structurels majeurs auxquels les MR/S font face depuis longtemps : financement insuffisant, manque de coordination entre le secteur de la santé et le secteur des soins de longue durée, reconnaissance insuffisante accordée au personnel réalisant ces soins, etc. ", rapporte Unia dans une étude.