"Je suis originaire du Rwanda. On a quitté le pays en 1994 durant la guerre. Nous avons passé trois ans au Kenya avant de pouvoir venir en Belgique en 1997." C’est à l’âge de 12 ans que la jeune Médiatrice Mujawamariya arrive à Namur. L’environnement se révèle alors très blanc. "À l’époque, nous étions les seules élèves noir·es de l’école."
Je voulais que mon enfant née fille et noire sache que rien n’est impossible pour elle. Et même chose pour toutes les petites filles
À l’issue de ses secondaires, elle entre à l’Institut Supérieur Industriel de Bruxelles pour étudier la chimie. Elle plonge désormais dans un monde particulièrement masculin. "On était une classe de six : trois filles-trois garçons. Mais en comptant les autres sections, sur les 300 étudiant·es nous n’étions qu’une vingtaine de filles…"
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Rien n’arrête la jeune femme, elle devient chimiste en laboratoire. Un univers alors bien éloigné de celui de l’édition. Et voilà qu’un jour, les livres viennent à elle, comme une nécessité. "J’observais mes nièces nées ici qui avaient parfois du mal à trouver leur place en tant que Belges. On les renvoyait souvent à leurs origines en leur demandant d’où elles venaient. Je voyais qu’elles commençaient à développer des petits complexes par rapport à leur couleur de peau, à la texture de leurs cheveux… J’ai eu un déclic."
Médiatrice Mujawamariya décide alors de créer un livre de coloriage avec l’illustrateur Trésor Ikulu. L’album représente dix femmes noires pour refléter la diversité des coiffures et des couleurs de peau africaines. "Je voulais vraiment porter ce message à mes nièces : ‘tu es une belle fille noire, quelle que soit la texture de tes cheveux’."
L’album de coloriage est mis en vente en 2016 et remporte un franc succès. "C’était génial. Le plus beau souvenir que je garde, c’est cette petite fille métisse qui en ouvrant le livre s’est exclamée ‘maman regarde elle me ressemble’en pointant une page", se remémore notre hôte avec émotion. "Pour les enfants, c’est essentiel de pouvoir se reconnaitre, de voir des personnes qui leur ressemblent dans les livres, dans les dessins animés, de pouvoir s’identifier. Pendant trop longtemps, les seuls personnages noirs ont été les méchants dans les histoires…"