Monde Asie

Inde : l’explosion démographique des villes est difficile à contrôler

Dans le cœur du trafic de Bombay, deuxième ville la plus peuplée d’Inde avec plus de 20 millions d’habitants et une croissance phénoménale due à l’importante migration intérieure.

© Sébastien Farcis

Par Sébastien Farcis, correspondant en Inde

Le long de la grande avenue qui entre dans New Delhi, depuis la ville périphérique de Noida, les champs de blé et de moutarde ont été coupés pour laisser pousser de gigantesques tours en béton et en verre.

Des dizaines d’immeubles en construction, de vingt à trente étages, ponctuent ainsi les abords de la capitale indienne, pour accueillir les millions de nouveaux résidents absorbés dans la pieuvre urbaine de New Delhi.

La grande région de la capitale compte environ 32 millions d’habitants, soit un doublement de sa population en vingt ans, et deviendra dans quelques années le plus grand centre urbain du monde, devant Tokyo.

Selon l’ONU, l’Inde, avec 1,4 milliard d’habitants aujourd’hui, deviendra l’année prochaine le pays le plus peuplé du monde, devant la Chine. Et c’est dans ses villes que la croissance démographique de l’Inde se joue : celles-ci n’abritent que 35% de la population actuellement, mais l’exode rural est phénoménal, ce qui va faire exploser la taille de ces cités. Et cela pose beaucoup de problèmes, car les villes n’arrivent pas à gérer un tel afflux.

Vivre sans eau ou électricité

Sadam Hussein est manutentionnaire dans l’énorme halle centrale d’Azadpur, au nord de New Delhi. Les jours où il y a du travail, il gagne entre 300 et 500 roupies par jour (3,60 à 6 euros) pour charger et décharger les palettes de fruits qui vont nourrir ses habitants. Avec un revenu aussi faible, il ne peut pas louer un appartement dans les nouvelles tours clinquantes – ni même dans l’essentiel des quartiers populaires de la ville.

Ce travailleur originaire de la région pauvre du Bihar a donc emménagé il y a deux ans, avec sa femme et ses trois enfants, sur le terrain vague de Shakur Basti, un bidonville d’environ 10.000 habitants, installé entre la voie de chemin fer et une avenue bruyante.

"C’est très difficile de vivre ici", avoue Sadam, le regard fuyant, en regardant sa hutte posée à même le sol, et composée de bouts de bois et de bâches. "Nous n’avons pas d’eau ni d’électricité. Mais c’est tout ce que j’ai pu trouver pour ma famille. Et au moins à Delhi, j’ai du travail, ce qui n’était pas le cas dans ma région".

Une vie précaire : il y a dix jours, les bulldozers municipaux ont démoli des dizaines de résidences adjacentes, laissant derrière eux des tas de briques, des chaises en plastique écrasées. Et les regards désespérés de ces populations devenues encore plus marginales

À New Delhi, les travailleurs modestes ne peuvent se payer de logements. Et certains vivent donc dans ce grand bidonville de Shakur Basti, sans eau ni électricité, ni même de mur à leur maison.
À New Delhi, les travailleurs modestes ne peuvent se payer de logements. Et certains vivent donc dans ce grand bidonville de Shakur Basti, sans eau ni électricité, ni même de mur à leur maison. © Sébastien Farcis

Le gouvernement fédéral vient de lancer cet été un nouveau plan d’aide à la location, destiné à ces migrants de l’intérieur. 83.534 logements publics ont été identifiés dans les grandes villes indiennes, dont 29.112 à New Delhi, qui pourraient être loués à ces travailleurs modestes. Mais le temps administratif est long, et dans la capitale, aucun n’a encore été mis à disposition.

"C’est une bonne initiative", reconnaît Anagha Jaipal, responsable de programme dans l’association Housing and land rights network, qui vient en aide à ces populations précaires. "Mais la définition des populations éligibles est simplement 'pauvres urbains', ce qui est très vague", ajoute-t-elle, craignant que cela n’aide pas les plus marginaux. Pour Sadam et ses voisins de bidonvilles, un logement en dur serait providentiel – mais la question centrale demeure : pourra-t-il le payer ? Personne ne le sait, car pour l’instant, on ne connait pas encore le loyer de ces résidences subventionnées.

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