Football

Inédit : le Luxembourg exclut Durbuy de la compétition 2023-2024 !

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Par Philippe Bughin

Parce qu’elle se retrouve sans terrain en vue de la prochaine saison, l’Entente Durbuy vient d’être exclue des prochaines compétitions provinciales luxembourgeoises. Une situation qui serait aussi la conséquence de comportements répétitifs déplaisants, selon l’autorité foot de la Province. Meurtri dans sa chair, le manager sportif, Ousmane Sow parle de cabale et organise sa résistance.

"Comme si le ciel m’était tombé sur la tête."

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En ce début de semaine de juin, Ousmane Sow, le Parisien d’origine sénégalaise, à la tête de l’Entente Durbuy (P1 luxembourg) a eu un urgent besoin de partager un courrier, émanant de Guy Van Binst, manager régional du Luxembourg. Celui-ci délivrait une bien mauvaise nouvelle pour le club de foot d’une des plus petites villes du monde : " Le Comité Provincial du Luxembourg a reçu les demandes d’inscription pour la saison 2023-2024 du club de l’Entente Durbuy, dont le numéro de matricule est 03008. Pour la division 1 provinciale en ce qui concerne son équipe première masculine. Pour la division 2 provinciale en ce qui concerne son équipe première féminine.

Ce même comité constate toutefois que le club de l’Entente Durbuy ne dispose plus de l’accord du propriétaire du terrain – la Commune de Marche-En-Famenne – sur lequel il jouait durant la saison 2022-2023, de sorte qu’il ne peut plus y pratiquer le football durant la saison 2023-2024.

Dans ces circonstances, le Comité Provincial du Luxembourg constate que Durbuy ne remplit pas la condition visée à l’article B6.36 du Règlement Fédéral. Celle-ci prévoit qu’un club ne peut jouer sur un terrain mis à sa disposition qu’à la condition de posséder l’accord écrit du propriétaire, lui garantissant qu’il peut disposer de ce terrain pendant la durée de la saison, même à des dates qui n’avaient pas été prévues avant l’ouverture de celle-ci.

Le Comité Provincial du Luxembourg ajoute qu’il ne pourrait remédier à ce problème en trouvant un nouveau terrain sur lequel jouer. En effet, l’article B3.25 du Règlement Fédéral prévoit que l’emplacement du siège d’exploitation (terrain principal) doit rester inchangé durant deux saisons au moins. Or, le club de l’Entente Durbuy n’a fixé son siège d’exploitation (terrain principal) à son emplacement actuel que depuis une seule saison. Il ne peut donc pas le déplacer.

Puisqu’il apparaît que le club de l’Entente Durbuy ne répond pas à la condition visée à l’article B6.36 du Règlement Fédéral, le Comité Provincial du Luxembourg ne peut pas procéder à son inscription telle que demandée.

Les séries/divisions concernées par cette décision seront adaptées en conséquence, en tenant compte des dispositions réglementaires applicables. "
Durbuy et ses joueurs viennent donc d’apprendre qu’ils étaient exclus des compétitions d’une Province, quasiment séance tenante. Ce qui a encore été confirmé lors d’une réunion des clubs en Commission provinciale d’études à Libramont, ce dernier mardi soir.
Une décision lourde de conséquences pour celui qui vient aussi de s’investir chez les Namurois d’Andenne (P2). En étant contraint de mettre son club luxembourgeois entre parenthèses, le risque est réel de perdre pas mal d’argent, mais aussi un reste de crédibilité sur le territoire belge.
C’est que voici un an à peine, Ousmane Sow venait de racheter contre plusieurs dizaines de milliers d’euros un matricule qui, d’un coup va perdre de la valeur.
En ne pouvant plus jouer en compétition officielle et nourrir dans le même temps une série télévisée, des engagements financiers importants avec un grand équipementier allemand sont également susceptibles de tomber à l’eau.

Durbuy-Marloie, la goutte qui a fait déborder le vase

Mais comment donc en est-on arrivé à cette situation presque ubuesque ?
La goutte qui a fait déborder la vase remonte à la fin avril dernier. A la rentrée aux vestiaires du match de D3 acff entre l’Entente Durbuy et Marloie (3-2), les esprits se sont échauffés de part et d’autre. En toile de fond des débats du jour, un match perdu par Marloie pour faits de racisme sur le tapis vert à l’aller, un incident involontaire de jeu entre des joueurs au retour, des insultes venant aussi bien de supporters que de joueurs, des menaces voire des coups, selon certains observateurs et, pour finir une formation de Marloie, morte de peur dans un vestiaire dont la porte est fermée à double tour. Celle-ci appelle les forces de l’ordre à sa rescousse pour sortir des installations marchoises sous bonne garde.
Forcément, le soir même, ce sont les combis de police photographiés sur place qui feront le buzz sur les réseaux sociaux. Et corollaire, l’Entente Durbuy montrée à nouveau du doigt, après d’autres faits survenus curieusement à chaque fois autour d’un match ayant eu lieu dans la province du Luxembourg.
L’affaire des vestiaires de Durbuy-Marloie débouche sur un rapport de police confidentiel, mais semble-t-il plutôt salé. Rapport destiné in fine à la Ville de Marche-en-Famenne, laquelle loue depuis une saison ses installations à l’Entente Durbuy.
Au bout d’une bonne semaine d’examen, la sentence est implacable : la location ne sera pas reconduite ! Elle l’avait pourtant été une première fois quelques semaines plus tôt lorsqu’il avait fallu remplir un document demandé par l’ACFF pour l’obtention de la licence nationale des amateurs.

La lettre envoyée par l’échevin des sports, Christian Ngongang, par ailleurs président de la régie sportive communale autonome de Marche (RESCAM) et par le directeur-secrétaire de la même institution, Jean-François Herin ne laisse place à aucun débat :
" Après analyse de la situation, le CA s’est positionné le 30 mai. Il a confirmé l’orientation de ne plus accorder à Durbuy l’accès à ses installations footballistiques et à son synthétique dès le 1er juin 2023. En tant qu’organisme public, il est devenu nécessaire de prendre les décisions utiles pour ramener de la sérénité au sein du foot provincial en vue du prochain championnat. "

« Pourquoi n’avons-nous connu des soucis que lors de matches disputés sur le territoire luxembourgeois ? »

Ousmane Sow dit être touché au plus profond de son âme. Impuissant, dans un premier temps devant ce qu’il appelle une cabale à son égard, en apprenant par exemple que plusieurs bourgmestres d’entités luxembourgeoises auraient fait pression, via un courrier adressé à l’hôtel de Ville marchoise pour qu’une sanction soit bel et bien prise à l’égard de ceux par qui les tensions arrivent. Injuste, manque de tolérance, d’ouverture dit le manager sportif de Durbuy.
Ousmane Sow reconnaît quand même que ses joueurs sont parfois susceptibles. Qu’il ne ménage pas ses efforts pour contrôler un noyau en même temps que toutes les obligations imposées à un dirigeant de club à l’égard par exemple de la compétition, de l’adversaire, des arbitres et du public. Mais ce qu’il n’arrive pas à admettre, c’est pourquoi le tableau est à ce point… noirci ?
" Nous sommes presque dépeints comme des bandits de grand chemin. Dans le dossier du match face à Marloie, je n’ai été invité à aucune réunion pour défendre mon point de vue. Ni par la police ni par la Régie sportive communale. Même l’arbitre liégeois Bilal El Aayachi Agarbi a expliqué avoir bien senti la tension existant dans le périmètre des vestiaires mais n’avoir rien remarqué de violent à travers sa porte restée ouverte. Il n’a lui non plus jamais été entendu à propos de ces faits.
Dites-moi aussi pourquoi nous n’avons connu aucun souci en championnat face aux clubs liégeois et namurois
, martèle-t-il. Nous avons remporté sur le tapis vert le match aller à Marloie en raison d’insultes racistes d’un supporter, la fin du match à Libramont a été extrêmement tendue et agitée d’abord parce qu’au départ l’équipe visitée, en supériorité numérique n’a pas supporté avoir été rejointe au marquoir. Un accompagnateur de l’équipe et moi n’avons pas non plus pu nous contenir à 100% face à des insultes locales. Lorsque vous êtes provoqués, c’est toujours compliqué de rester stoïques. Si vous êtes attaqués, vous vous défendez, non ? Nous sommes des êtres humains, pas des sauvages comme je l’entends parfois. Je l’admets, les 106 (!) cartes jaunes reçues en championnat montrent que mon équipe a fait preuve de naïveté, de maladresses et d’un certain manque de contrôle. La frustration doit pouvoir mieux se gérer, et c’est aussi mon rôle d’éducateur.
Mais sincèrement, croyez-vous que s’il y avait eu de la vraie violence des Durbuysiens à l’égard de l’adversaire et du public, les arbitres et les instances de l’ACFF ne nous auraient pas sanctionnés durement pendant la saison ? La sanction prise à notre égard est disproportionnée au regard des faits réels. C’est de l’ostracisme. "

Du côté des autorités luxembourgeoises du foot, on se montre inflexibles. Oui à l’idée de soutenir ses clubs, mais pas envers et contre tout. On s’en tient aux décisions d’une Ville, derrière des faits établis dans un rapport de police, mais aussi un règlement.
Contacté ce mercredi pour apporter son éclairage sur ce dossier, le président Daniel Muller est aux abonnés absents, même si sa messagerie automatique promet une réponse.

Maître Grégory Ernes entre dans la danse

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L’inscription écartée de Durbuy en P1 permet aujourd’hui à Houffalize de rester au sein de l’élite, tandis que Melreux-Hotton ne bascule pas en P3. " Même le foot amateur ne se joue plus sur le terrain, et c’est bien triste, ose encore notre interlocuteur.
Depuis mardi soir, la P1 luxembourgeoise est passée à 14 clubs, mais sans Durbuy donc.
Ousmane Sow abandonne-t-il la partie ? Non.
Aux dernières nouvelles, notre homme consulte un spécialiste en matière de questions footballistiques et de droit du sport, Maître Grégory Ernes, du célèbre bureau d’avocats Altius.
Pour faire valoir ses droits et montrer qu’en la circonstance, il n’a jamais voulu ne pas respecter un règlement. Qu’il a plutôt été poussé à ne plus être dans les clous.
Après avoir été éconduit par le club de Soy, dans sa recherche d’un terrain d’accueil, Durbuy parlait ce mercredi avec les dirigeants de Chevron, à cheval sur les provinces de Liège et Luxembourg, à moins de trente kilomètres du siège de l’Entente.
Ceux-ci ont spontanément proposé leurs installations. Mais disputer treize ou quatorze matches dans l’entité de Stoumont pour un club de P1 Luxembourg ne serait plus possible réglementairement parlant.
Avec un petit délai, Ousmane Sow dit encore pouvoir trouver une nouvelle terre d’accueil si… on lui en donne l’occasion. Il doit pouvoir être possible de jouer à quinze clubs en P1 aussi.
On n’en est pas là à ce jour. Va-t-on devoir passer par la case justice ?
N’eût-il pas été préférable de percer l’abcès une bonne fois pour toutes, ensemble et au niveau provincial, de négocier avec des conditions strictes à la clé ? Pour éviter aussi des raccourcis déplaisants et déplacés ? Car au bout du compte, chacun n’a-t-il pas à balayer autour de sa porte au regard de ces querelles de cour de récréation ? N’y a-t-il vraiment qu’un seul détonateur ?

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