Politique

Inondations de l’été 2021 : la commission d’enquête du Parlement wallon fait plus de 150 recommandations

La commission d’enquête du Parlement wallon fait plus de 150 recommandations. Photo d’illustration.

© AFP

Par Jean-François Noulet

La commission d’enquête parlementaire "chargée d’examiner les causes et d’évaluer la gestion des inondations de juillet 2021 en Wallonie", avait été mise sur pied à la fin de l’été. Les parlementaires wallons, indépendamment de l’enquête judiciaire, ont auditionné, au fil des semaines, des experts et des responsables de la chaîne de commandement régionale. L’objectif était, notamment, de tirer les enseignements de la gestion des intempéries de l’été 2021, de comprendre ce qui a dysfonctionné et de mettre en évidence ce qui aurait pu permettre de réduire l’ampleur de la catastrophe.

Près de six mois plus tard, les parlementaires de la majorité PS-MR-Ecolo auxquels sont joints les Engagés (l’ex-cdH) se sont entendus pour formuler des conclusions au travail de la commission d’enquête parlementaire. Le rapport, d’une trentaine de pages comporte 161 recommandations et balaie très large. Les recommandations touchent aux différents aspects qui ont fait polémique ou suscité des questions après les inondations de juillet 2021. Il est ainsi question des prévisions et alertes météorologiques et hydrologiques, de la prévention des risques et de la gestion de crise, des barrages et ouvrages d’art, de la gestion des cours d’eau, de l’aménagement du territoire et du SPW.

La commission "inondations" devrait approuver ce rapport lors de sa dernière réunion ce jeudi 24 mars. Le texte poursuivra son chemin en séance plénière la semaine prochaine. Le PTB ne se rallie pas à ce rapport et propose ses propres conclusions.

Pour des prévisions météorologiques et hydrologiques plus précises

Dans leur rapport, les députés de la commission "inondations" recommandent de renforcer le partenariat entre le Service Public de Wallonie (le SPW) et l’Institut Royal Météorologique (IRM). Ainsi, selon eux, il faudrait "renforcer les capacités de modélisation météorologiques" pour obtenir "des prévisions météorologiques à la maille la plus fine possible". Les députés insistent sur la nécessité de mieux prévoir les pluies intenses et concentrées.

Les députés recommandent aussi d’organiser la communication par l’IRM au SPW de la liste exacte des communes concernées par ses avertissements.

Enfin, toujours pour l’IRM, cette dernière devrait créer un service de "prévisions météorologiques sur les sous-bassins versants comprenant un barrage".

Les députés font par ailleurs toute une série de recommandations en lien avec l’utilisation et la gestion des prévisions hydrologiques. Ils demandent aussi que la Direction de la Gestion hydrologique "adresse une communication compréhensible, signifiante et directement exploitable aux autorités régionales et communales ad hoc ainsi qu’à la population". Bref, sortir du jargon technique difficilement compréhensible.

Mieux prévenir les risques et mieux gérer les crises

Vingt recommandations concernent la "culture du risque". Les députés épinglent la nécessité de former les agents publics à la planification d’urgence et à la gestion de crise. Il faut, pour les députés, "développer un plan d’urgence d’aide psychosociale en cas de crise majeure à l’attention des victimes". Il faut aussi créer une banque de données sécurisée reprenant les numéros d’urgence.

Les députés réclament aussi "une logistique efficace en matière d’aide". Il faut organiser les prêts et les dons de matériels, mettre des logements à disposition, par exemple. Il faudrait aussi "des équipements adéquats" "disponibles en permanence", en coordination avec le Centre national de crise.

Le rapport de la commission épingle également l’absence de "cartes d’évacuation et de mise à l’abri", à élaborer avec les communes concernées. Il faudrait aussi une procédure d’évacuation des camps de vacances et de jeunesse, des campings et des habitats permanents.

Le rôle du Centre régional de crise (CVRC-W) doit aussi être amélioré. Plus de quinze recommandations sont formulées en ce sens pour donner à ce "CRC-W" un meilleur rôle de "coordinateur".

Les députés ont aussi près d’une trentaine de recommandations pour les gestionnaires des centres de crise fédéral, provinciaux et communaux. Il est ainsi souhaité de généraliser l’utilisation de BE-Alert par les autorités locales, d’augmenter le taux d’inscription de la population à ce système d’alerte par GSM.

Une meilleure gestion des barrages et ouvrages d’art

Les députés consacrent aussi une part importante de leur rapport à la gestion des barrages et ouvrages d’art.

Après les inondations de juillet 2021, de nombreuses questions s’étaient posées sur la gestion de certains barrages, notamment celui d’Eupen. Des opérations, comme des lâchers d’eau avant les précipitations auraient-elles dû être effectuées. Avait-on manqué de prévoyance ? Aurait-on pu éviter de telles crues en aval ?

Les députés de la commission "inondations" recommandent un "audit externe des barrages réservoirs". Un tel audit devrait être réalisé tous les cinq ans et comporter des "stress tests".

Il faudrait, pour les députés, une gestion "plus dynamique", des barrages-réservoirs, avec une "réserve d’empotement (volume laissé vide par précaution) évolutive en fonction des moments de l’année, des prévisions et des données météorologiques et hydrologiques".

Les députés ajoutent qu’il faut "revoir en conséquence le contrat de gestion de la SWDE, la convention entre la SWDE et le Service Public de Wallonie et les notes de manutention des différents barrages-réservoirs".

Les barrages devraient être équipés "d’outils de prévision" pour permettre aux gestionnaires de réaliser "des prévisions crédibles de l’impact du ruissellement sur la gestion de l’ouvrage". Les députés suggèrent aussi la mise au point d’un "modèle mathématique pour estimer le volume d’eau entrant dans l’ouvrage en fonction de prévisions météorologiques et d’un ruissellement donné".

Il est aussi question de plans "d’urgence et d’intervention pour l’ensemble des barrages-réservoirs de Wallonie".

Les députés de la commission "inondations", recommandent l’intégration "dans la gestion des barrages un plan d’alarme, avec montée en puissance en différents niveaux d’alarmes, avec des règles à respecter pour chaque niveau, afin de clarifier le rôle des gestionnaires de barrages".

Mieux gérer les cours d’eau

Dans l’objectif de mieux protéger les personnes et les biens, les députés préconisent "une approche pluridisciplinaire par sous-bassin versant, en prenant en compte les enjeux amont-aval".

Ils suggèrent une étude sur l’incidence de l’artificialisation des cours d’eau sur le risque d’inondation. Il faudrait, pour les députés, "développer des dispositifs de prévention des risques d’inondation "en favorisant les mesures de rétention d’eau", telles que des zones d’immersion temporaires, la reméandration ou l’élargissement des cours d’eau.

Les députés recommandent aussi de communiquer aux autorités locales concernées "les cartes d’aléas d’inondations, les cartes des zones inondables et les cartes de risque", chaque fois que ces cartes sont renouvelées.

 

Aménagement du territoire

Il est ici question de "modifier le cadre légal" pour assurer la prise en compte de l’aléa d’inondations lors de la délivrance des permis d’urbanisme.

Les députés recommandent une mise à jour des cartes des zones inondables.

En matière de reconstruction, dans les zones sinistrées, les députés proposent la mise en œuvre de "Master plans". En commençant par le bassin de la Vesdre, par les vallées sinistrées et, pour tout autre bassin où cela s’avérerait nécessaire, les députés préconisent "d’augmenter la capacité de rétention des sols", de "ralentir le ruissellement" (par des plantations), d'"augmenter l’infiltration de l’eau" (par la verdurisation, par la préservation de friches naturelles, l’usage de matériaux drainants), "d’aménager les cours d’eau" pour "réduire la vulnérabilité des zones urbanisées".

Il est aussi recommandé de reconstruire les berges des cours d’eau, par priorité dans les zones urbaines ou urbanisées, en intégrant l’évolution du comportement des cours d’eau à la suite des crues de juillet 2021.

Ce jeudi 24 mars, la commission "Inondations" du Parlement wallon se réunira pour approuver ces recommandations.

Le PTB émet ses propres recommandations

Si les partis de la majorité et les Engagés se sont attendus pour faire des recommandations communes au sein de la commission d'enquête "inondations", le PTB explique ne pas avoir été associé à cette démarche.  

Le PTB a émis de son côté, un rapport, avec les enseignements qu’il tire de l’épisode des intempéries de juillet 2021 et des auditions qui ont eu lieu au sein de la commission parlementaire.

Sur la gestion de la crise, le PTB plaide pour une communication "vers la population, claire, compréhensible et centralisée". Il propose pour cela l’usage d’un "site internet promu et reconnu".

En cas de risque pour la population, le PTB suggère une communication par les voies habituelles, mais aussi "dans les rues, par haut-parleur et par distribution de feuillets d’informations en toutes-boîtes".

Le PTB recommande de développer des "centres en safe zone, capables d’accueillir des populations évacuées ainsi que leurs animaux de compagnie. Les personnes doivent pouvoir y loger, y cuisiner et y être soignées".

Le PTB plaide aussi pour une simplification des démarches administratives pour les sinistrés et de, par exemple, "regrouper un maximum d’aides sous des demandes uniques" ou "appliquer automatiquement les aides qui s’appliquent à tous les sinistrés".

Il demande aussi un renforcement du Fonds des calamités.

Par rapport aux services de secours, le PTB plaide pour le rétablissement des six casernes de la protection civile et un refinancement des zones de secours et des zones de police, à demander au Fédéral.

Concernant les barrages, le PTB réclame qu’on réalise les travaux nécessaires pour augmenter la capacité de délestage des barrages. Sur le thème "moins d’austérité, plus de sécurité, parmi d’autres mesures, il demande aussi de "doubler tout téléguidage des ouvrages d’art par une présence de travailleurs sur le terrain" et de "renforcer la maintenance interne et les équipes de maintenance ".

L’entretien des cours d’eau préoccupe aussi le PTB qui demande d’établir un "agenda de curage et dragage de l’ensemble des cours d’eau en l’absence de solutions alternatives" (du type reméandration).

Le PTB préconise aussi plus de compétences et de moyens pour le SPW qui devrait reprendre les responsabilités d’entretien des cours d’eau et des berges. Il suggère aussi que le SPW reprenne les compétences du Centre de crise régional. Celui-ci devrait être dissous.

Le PTB compte faire part de ses recommandations lors des travaux de la commission d'enquête parlementaire "inondations" de ce jeudi 24 mars. 

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