Les inondations historiques qui ont frappé la Belgique les 14 et 15 juillet dernier ont laissé de nombreuses communes et surtout de nombreux habitants, face à un spectacle de désolation et à une montagne de défis. Entre gérer l’urgence et gérer l’après, les problèmes s’accumulent. A Trooz, le bourgmestre Fabien Beltran, réitère encore et encore ses appels à l’aide. Ils pointent aussi, les difficultés à obtenir une réponse rapide, du matériel et des bras pour reconstruire. Sa commune est sinistrée sur près de six kilomètres carrés. Et pourtant le travail, lui, ne peut se faire que "millimètre par millimètre". Sur la Première, ce mardi matin, Fabien Beltran a exprimé son désarroi.
La solidarité est indispensable
Dès le lendemain des inondations, la commune de Trooz, comme de nombreuses autres, a pu compter sur la solidarité des uns et des autres. Des prestataires de services comme Veolia dont les ouvriers sont venus de Bruxelles remettre l’électricité. Mais aussi de simples quidams venus en renfort. "Si on n’avait pas de bonnes volontés comme celles de Véolia, qui nous a contactés, à un moment donné, on ne s’en sortirait jamais", dit, d’emblée le bourgmestre.
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Et d’ajouter, "notre commune a été touché sur toute sa longueur, ce sont cinq à six kilomètres carrés qui ont été touchés. Ce n’est pas un quartier, c’est cinq à six kilomètres carrés, toute la commune, et le travail est donc colossal".
Et le problème c’est que si les bonnes volontés ne manquent pas, beaucoup doivent retourner à leur quotidien, au travail. Résultat, l’aide commence à s’essouffler. "Évidemment, nous avons eu beaucoup d’aide de communes voisines, d’entreprises et d’entrepreneurs qui sont venus travailler chez nous bénévolement, mais maintenant, beaucoup de personnes retournent au travail, reprennent leurs habitudes dans les communes voisines, et donc l’aide diminue de jour en jour, mais le travail reste colossal". "Colossal", c’est ce mot que répète inlassablement Fabien Beltran ce mardi matin, près d’un mois après les inondations. Car l’ampleur de la tâche semble immense et interminable.
Il y a cinq ou six kilomètres carrés qui sont ravagés, où tout est détruit
"Il y a cinq ou six kilomètres carrés qui sont ravagés, où tout est détruit, des maisons et des quartiers complètement inhabitables, où les gens, tant bien que mal, petit à petit, essayent de se débrouiller pour remettre leurs bâtiments en état", dépeint le bourgmestre de Trooz.
On crie à l’aide
Et à cela s’ajoutent les difficultés. D’abord la météo. Il ne cesse de pleuvoir et cela devient compliqué pour pouvoir ne serait-ce que sécher les habitations pour continuer à travailler. Viens avec ça que l’hiver approche, "le temps jour contre nous", souligne Fabien Beltran. "L’hiver approche et on crie à l’aide aussi pour dire qu’il nous faut plus de gens, plus de main-d’œuvre". Et d’ajouter : "J’ai encore fait un appel hier à mes collègues bourgmestres des communes voisines en leur disant : 'Venez, revenez nous aider parce qu’on ne s’en sortira jamais' ".
Fabien Beltran explique que la commune de Trooz compte environ 40 employés ouvriers. Mais près de la moitié compte parmi les sinistrés. Si beaucoup d’employés ouvriers se donnent corps et âme, allant jusqu’à utiliser leur propre voiture, leur propre matériel -"parce qu’on n’a plus de matériel, on n’a plus rien"- cela n’est pas suffisant face à la tâche titanesque que constitue le sinistre. "Il y a donc une dizaine d’ouvriers sur le terrain et 10 ou 12 employés qui, en plus de gérer le quotidien, doivent gérer la crise. Donc, c’est strictement impossible, sur cinq kilomètres carrés, d’être partout", détaille le bourgmestre.
Mais l’aide peine à venir : une question de capacité ?
Au départ, le fédéral a créé une gestion de crise et cette gestion de crise s’est arrêtée le 26 juillet. Le fédéral a passé la main au gouverneur d’un côté, à la région de l’autre, qui a mis un commissariat à la reconstruction. Ensuite, le 5 août, le fédéral a repris un peu la main en créant une cellule d’appui qui est chapeautée par la région au sein du commissariat de reconstruction. De quoi compliquer un peu les démarches pour savoir à quel saint se vouer.
D’autant que si des instances se mettent en place pour la reconstruction, il s’agit là de l’étape d’après : "Nous avons rencontré la commissaire à la reconstruction, madame Delcourt, mais on n’en est toujours pas à la phase de reconstruction. C’est ça notre souci", explique Fabien Beltran. Pour l’heure, il s’agit encore de déblayer les montagnes de gravats.
Le quotidien des sinistrés ressemble à un jour sans fin et semble relever du "domaine de l’impossible" : "Vous avez une maison, la première étape est de vider tout ce qui est dans vos armoires qui ont été remplies d’eau. On fait des tas, on ramasse, la route est dégagée. Deuxième étape, les gens se rendent compte que les meubles sont foutus, les assureurs sont passés, on met tout sur la rue. Donc, il faut redégager une deuxième fois. Troisième étape, on va dans le grenier, dans la cave, on se rend compte qu’il y a encore des choses à dégager, on remet sur la rue et on redégage. Maintenant, on se rend compte que les murs sont foutus, qu’il faut arracher le carrelage, que le toit ou le plafond sont à réparer, on arrache les murs, on arrache le carrelage, on refait des tas, on redégage. On est pour le moment toujours dans cette phase où les gens accumulent à juste titre des crasses et des crasses qu’on doit évacuer, mais on n’a presque plus personne pour le faire", détaille le bourgmestre de Trooz.
Si j’en avais 20 fois plus, ça irait encore mieux
Si le bourgmestre ne remet pas en cause le travail de la Région wallonne dans l’aide apportée, les dégâts sont tels, et tellement répandus que cela ne peut entièrement remédier aux difficultés des sinistrés. La Région elle-même ne semble pas avoir la capacité matérielle de faire face aux dégâts : "Ils nous ont donné un peu carte blanche pour utiliser leurs hommes et leur matériel, et je les en remercie. Ils sont une petite dizaine sur le territoire avec deux ou trois camions, c’est super, mais si j’en avais 20 fois plus, ça irait encore mieux. Et c’est ça le problème, c’est que je pense que même ces structures au niveau supérieur n’ont pas forcément les capacités d’envoyer tout le monde partout".
Et d’ajouter, "la structure fait aussi avec les moyens qu’elle a et c’est le problème. On n’a pas d’équipe de crise. Contrairement à ce qu’on pense, l’armée n’est pas forcément là pour gérer des crises comme ça. L’armée, ce sont des militaires et ils sont là pour faire la guerre, à la base. Eux non plus ne sont donc pas forcément, si je comprends bien, équipés pour nous aider comme ils voudraient le faire. C’est ça qui est problématique, c’est le temps entre l’action, la demande qu’on a et la réaction du pouvoir derrière".
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Une attente impossible
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Les délais entre les demandes et l’aide effective sont trop longs. "Quand je demande une hydrocureuse pour vider un avaloir, il ne me la faut pas quatre jours après, il me la faut dans la demi-heure parce qu’on annonce des grosses pluies et qu’il faut absolument vide les avaloirs. C’est là qu’est le problème. Le temps de l’action et de la réaction sont toujours très longs", explique très concrètement Fabien Beltran. Et d’ajouter, "quand vous êtes sinistrés, que vous n’avez plus rien, quand on vous dit qu’on arrive dans trois jours chez vous, c’est trop tard".
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Quelles sont les priorités ?
Pour Fabien Beltran, il y a deux priorités qui ne peuvent pas attendre : la remise du chauffage chez les personnes sinistrées qui ont encore un toit et le relogement pour les autres. "Vous imaginez, on est en été, vous avez une maison gorgée d’eau, donc on pourrait imaginer qu’avec le mois d’août, elle pourrait un peu sécher par le fait de la météo. Mais vous voyez la météo que nous avons, il pleut tous les jours. Donc, les maisons ne sèchent pas. Donc, si vous n’avez pas l’électricité et le chauffage pour ramener votre maison au sec, je ne sais pas comment, en hiver, ces gens, parce qu’on parle de centaines de maisons détruites, vont pouvoir rentrer dans leurs maisons avec des murs gorgés d’eau si on n’arrive pas à les faire sécher", décrit-il.
"Notre deuxième priorité, c’est de se dire qu’à un moment donné, on va devoir reloger ces gens parce que ce n’est peut-être pas certain qu’ils auront le chauffage d’ici l’hiver. On doit donc absolument trouver des solutions pour leur relogement". Mais ce n’est pas si simple, "le problème est qu’on n’en a pas, et on n’en a pas parce qu’il n’y a pas de logements en suffisance".