Six mois après les inondations du 15 juillet, les régions et vallées sinistrées portent toujours les traces de ces crues exceptionnelles. Dans le cadre de la matinale spéciale de la Première, Bertrand Henne est à Trooz, le long de la Vesdre, en compagnie du président du CPAS, Etienne Vendy. Le CPAS a été dévasté il y a six mois et et les services ont du s'installer dans un local qui sert initialement de musée. Il est situé un peu en hauteur, à une dizaine de mètres de la Vesdre. Ici, l’endroit n’a pas été touché, mais c’était un torrent il y a quelques mois, juste ici, en bas.
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Aujourd’hui, six mois après, le CPAS est toujours dans un fonctionnement anormal. Vous aidez combien de personnes aujourd’hui encore ?
"Nous aidons plus ou moins 1100 ménages sur une commune de 8500 habitants. En fait, 4000 habitants ont été touchés par les inondations, donc environ 50% de la population, et 1800 ménages ont été lourdement impactés dans leur maison, mais aussi dans leur tête parce que ça a été un choc très émotionnel. Le CPAS a donc souhaité venir dans le seul bâtiment encore disponible sur la commune, c’est aussi simple que ça, au cœur de la zone sinistrée."
Six mois après, ce sont encore des aides matérielles, des aides psychologiques ? On voit ici des containers de la Croix-Rouge, donc on distribue encore de l’aide alimentaire ?
"Oui, c’est ça, nous distribuons encore avec la Croix-Rouge 600 repas par jour sur une commune de 8500 habitants. C’est effectivement beaucoup. Les bâtiments ne sont pas encore prêts. Certains y arrivent tout doucement, mais les cuisines ne sont pas prêtes. Il faut donc que les gens aient une aide alimentaire. Le CPAS s’occupe aussi de l’aide au relogement et c’est un point très important puisque plus de 500 personnes étaient en dehors de leur logement. Nous avons dû ouvrir un centre de crise de plus de 200 lits. Il vient de fermer, donc c’est un signe d’espoir, ça veut dire que les 200 personnes qui n’avaient plus du tout de logement ont pu être relogées. Le CPAS a donc pris en charge plus de 80 logements en gestion et nous en sommes déjà à une trentaine de familles relogées définitivement."
Étienne Vendy, vous êtes aussi psychologue. C’est un profil intéressant et c’est pour ça qu’on voulait vous rencontrer. Quel est l’état psychologique de la population que vous rencontrez aujourd’hui ? C’est vrai qu’on entend parfois du désespoir, parfois des gens qui voient le bout du tunnel, mais vous qui rencontrez en particulier les plus précarisés dans votre CPAS, quel est l’état d’esprit ?
"Je vais peut-être juste dire avant que ce qui nous avait inquiétés, c’est le stress post-traumatique parce que c’est un choc très violent, avec des émotions extrêmement importantes, de la rage, de l’impuissance, de la peur. Là, je dirais que la population ne s’en sort pas trop mal. Il y a eu beaucoup de solidarité, beaucoup de soutiens familiaux, mais aussi de voisinage. Donc, sur ce versant psychologique, on est plutôt content. "
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Vous me disiez notamment que ça ne se passe pas si mal que ça pour les enfants. Vous aviez peur pour les enfants et on voit que ça ne se passe pas trop mal dans les écoles.
"Effectivement, c’est ce qui nous nous revient. Les PMS ne sont pas débordés, les enseignants ont fait beaucoup de choses dans les écoles et permettent aux enfants de s’exprimer, il y a eu beaucoup de groupes d’expression et dans l’ensemble les enfants vont bien. Et tant mieux ! C’est très important pour les parents."
Et aujourd’hui, qu’est-ce que vous assistez comme problèmes ?
"Je pense que le plus important, c’est une espèce de burn-out administratif. Les gens sont fatigués des démarches. Tout traîne et ça donne une forme, je ne vais pas dire de dépression, mais d’énorme fatigue chez les gens. Pour moi, ça va être ça le point d’attention psychologique le plus important. Il y a un autre phénomène qui est l’anxiété ou l’incertitude. Qu’est-ce que vont devenir les maisons ? Qu’est-ce qu’il va se passer dans l’avenir ? Est-ce que la Vesdre va encore déborder dès qu’on a une alerte crue ? Ça joue évidemment sur le moral extrêmement fort. C’est donc plutôt cette fatigue et cette incertitude qui pèsent lourdement."
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