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Inondations : vers une commission d’enquête citoyenne ?

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Par Bertrand Henne

Le parlement de Wallonie lance aujourd’hui une commission d’enquête sur les inondations. Les questions sont très nombreuses, sensibles et surtout importantes. Beaucoup se demandent si la commission d’enquête parlementaire est un outil efficace pour faire éclater la vérité.

Censure

Et cette question revient quasiment à chaque commission d’enquête. Quelle est la capacité des parlementaires à dépasser leurs points de vue partisans et les rapports de force pour honnêtement se mettre au service d’une enquête, au service d’une démarche, d’une procédure de recherche de la vérité. En 1831 déjà, la question s’était posée lorsque le tout jeune parlement avait refusé d’entériner les conclusions d’une commission d’enquête pointant les responsabilités du gouvernement et du Roi sur des questions militaires.

Plus récemment, en 1985, la question s’est reposée face au piètre spectacle de la commission d’enquête sur le drame du Heysel. Un accord de majorité jeta à la poubelle le travail de la commission pour ne pas mettre en danger le ministre de l’Intérieur Charles-Ferdinand Nothomb. Même schéma encore pour la Sabena, 600 pages de rapport et au bout du compte 6 petites feuilles de papier seulement approuvées par la majorité.

Bons exemples

Heureusement il y a aussi des exemples inspirants. Ce fut le cas de la commission Publifin ou de la commission Rwanda. Elle fut remarquable à propos de la mort des 10 paras et le rôle de la Belgique dans le génocide. Il a fallu près de 25 ans à la France pour arriver à un résultat à peu près similaire, et encore il a fallu qu’Emmanuel Macron nomme une commission d’historiens indépendants. D’où l’idée avancée par certains que des experts indépendants remplacent les parlementaires.

Des commissions d’experts ?

L’idée est évidemment légitime puisque dans un parlement, l’élu est toujours déjà dans le rapport de force. On lui demande de défendre les idées pour lesquelles il est élu, de défendre son parti, de défendre la région d’où il vient. La représentation c’est d’abord un rapport de force entre partis, entre courants, entre communautés, et bien sûr, entre majorité et opposition. Idéalement, cette logique de rapport de force est dépassée par la délibération, c’est-à-dire la recherche du meilleur argument.

Or dans une commission d’enquête il ne s’agit pas de décider, il s’agit de chercher à reconstituer une vérité. Cela exige de dépasser la rhétorique ou l’argumentation pour plutôt utiliser une démarche proche de l’enquêteur de police, ou même plutôt celle du scientifique, voire du journaliste. Ces démarches ne sont pas similaires mais ont au moins en commun des exigences comme éviter les conflits d’intérêts, instruire à charge et à décharge, interroger sa propre position de départ. L’idée de se passer de politique pour confier cette mission à des experts paraît donc séduisante.

Vers des commissions citoyennes ?

Pourtant, l’idée de recours aux experts est une fausse bonne idée. D’abord parce que nos démocraties sont déjà massivement bureaucratisées, les experts prennent une place de plus en plus importante. Il suffit d’observer le recours croissant aux cabinets de consultance qui participent à un sentiment de dépossession du pouvoir chez les citoyens. Ensuite parce que l’idée d’un expert hors sol, qui pourrait totalement s’abstraire des rapports de force relève du mythe.

L’idéal serait que le parlementaire puisse montrer qu’il est capable de faire coexister rapport de force et démarche de vérité. Et une bonne manière d’y arriver est de se faire aider. En s’inspirant de la cour d’assises, le parlement pourrait décider d’une commission mixte. Aux côtés des députés, un jury citoyen tiré au sort viendrait épauler les députés. Autant le tirage au sort citoyen pose des questions insolubles de légitimité dans la prise de décision (Qui est responsable ? Les citoyens sont-ils moins divisés que les élus ?), autant dans une démarche d’enquête et de contrôle des autorités il pourrait trouver sa place.

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