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INSIDE - Décrypte : une nouvelle démarche pour vérifier et enrichir l’information

L’équipe de Décrypte, au sein de la rédaction

© RTBF

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Par Annick Merckx, journaliste à la rédaction Info, pour Inside

Utiliser toutes les données à disposition, creuser plus, creuser mieux, pour une information de service public de qualité, authentifiée et fiable. La RTBF, autour de Faky (fact-checking) et de l’exploitation de data données (données chiffrées) à travers le datajournalisme, a décidé de mettre en place une nouvelle initiative pour aller plus loin dans sa recherche et son traitement de l’information.

L’idée de base de Décrypte, qui a vu le jour à la fin de l’année dernière, c’est d’allier ce qu’on fait déjà, à savoir la recherche et le traitement d’une information certifiée, recoupée, enrichie, et l’amener davantage vers le grand public, et sur toutes les plateformes (radio, télé, réseaux sociaux).

Car sur le web se trouve une véritable mine d’or : énormément de bases de données, pleines d’éléments chiffrés en open source (accessibles à tous), mais dont on ne sait pas toujours "comment" les exploiter.

Les cinq journalistes de l’équipe s’activent autour de ce nouveau projet.

"Au départ, explique l’un d’eux, Guillaume Woelfle, "il y a notamment le nouveau contrat de gestion de la RTBF et les objectifs 2027. Il y est précisé qu’il est important de développer de manière plus intensive le fact-checking et de le rendre plus présent sur toutes les antennes du service public."

Fact-checking, quèsaco ?

Le fact-checking, qu’est-ce que c’est ? Ce mot anglais signifie vérification des faits. Il s’agit de la mise en œuvre de techniques permettant de vérifier des déclarations, des chiffres, énoncés ou publiés à destination du public par des acteurs, notamment des personnalités politiques. Ou, également, de vérifier la véracité d’informations qui circulent sur les réseaux sociaux. Avec la notion de "masse critique": il faut que ces informations aient atteint une certaine viralité qui justifie qu’on se penche sur elles.

Toutes les rédactions ne se sont pas doté d’une équipe de "vérificateurs", parce qu’a priori, disent-elles, les journalistes sont censés vérifier les informations qu’ils diffusent. Reste que la multiplication des sources, et la nécessité de travailler dans des délais toujours plus courts compliquent sérieusement le travail des journalistes du quotidien. Et cela a clairement un impact sur la démocratie et les notions de "vivre ensemble".

A l’origine, il y a Faky

À la RTBF, c’est il y a un peu plus de deux ans que la première cellule de fact-checking a vu le jour. À sa tête, Grégoire Ryckmans, œuvrant sur la plateforme Faky. Il a été rejoint par Romane Bonnemé. À deux, leur job consiste à vérifier des informations qui circulent via une méthode, et une série de techniques qui visent à les authentifier en remontant aux sources fiables et en menant des investigations digitales à l’aide d’outils comme ceux qui permettent la recherche d’image inversée.

Grégoire et Romane ont, au sein de Décrypte, été rejoints sur le projet par un autre "ancien", Ambroise Carton, journaliste au web de la RTBF, qui s’est spécialisé pour sa part dans le datajournalisme, qu’il a pu exploiter de manière croissante depuis la pandémie de Covid.

Autour d’eux, Marie-Laure Mathot et Guillaume Woelfle sont arrivés au lancement de Décrypte. Ces journalistes, "multicasquettes" sont aussi largement rodés au travail de la recherche d’info et d’écriture d’articles sur le web.

"Mais c’est clair que nous sommes encore en formation pour aller plus loin dans l’utilisation des datadonnées", explique l’une de ces journalistes, Marie-Laure Mathot : "si Ambroise maîtrise très bien les aspects codage et programmation, nous, nous sommes encore en phase d’apprentissage".

 

Le "geek de la bande"

Ambroise Carton, c’est en quelque sorte le geek de la bande. Journaliste d’abord, mais aussi fondu de codage informatique. "Moi ce dont j’ai le plus envie, c’est de vraiment développer une offre interactive sur le web, avec des grands formats, avec de la data, où on vous prend par la main pour vous expliquer les choses, dans une optique de service public." Faire parler les chiffres, leur donner du sens et s’en servir pour rendre une information plus compréhensible, c’est son challenge au quotidien.

Avec une affinité particulière pour le "scrollytelling". "Le New York Times a été le premier à lancer cela, il y a une dizaine d’années" : un article "déroulant" avec la possibilité de cliquer sur des cartes, des photos, ou d’autres éléments, pour en savoir plus.

La volonté c’est que dans l’équipe, chacun, avec ses forces et ses faiblesses, puisse apporter sa pierre à l’édifice pour avancer dans le domaine. "Nous avons des compétences techniques à acquérir pour compléter les compétences journalistiques." Une autre manière, passionnante, d’aborder le métier. Et Guillaume Woeffle de souligner que c’est à l’image de ce qui se pratique en télé ou en radio, où les journalistes ont aussi acquis des compétences techniques pour pouvoir, par exemple, faire du montage.

Multitude d’outils

 ce stade on a déjà repéré une trentaine d’outils, ajoute Guillaume, mais il y en a probablement 100, ou plus que cela, qu’on peut utiliser pour vérifier des photos. Des outils pour savoir s’il y a d’autres photos du même type qui existent, des outils pour savoir si la photo a été truquée. Et là je ne parle que de photos. On peut faire la même chose avec des vidéos, c’est infini. Et ce sont des réflexes à acquérir : sur n’importe quel sujet on peut utiliser ces compétences-là. Mais il faut y penser."

"On reste généraliste, mais on apprend à se doter d’outils pour aller plus loin, approfondir les recherches, vérifier, et aussi mettre en musique de manière à rendre les articles plus agréables à découvrir pour le public". Marie-Laure Mathot cite aussi en exemple l’article sur la première année de guerre en Ukraine, ou encore le grand format sur le télescope James Webb, reprenant des cartes animées, des images, des citations pour faciliter à la fois compréhension, visualisation et mise en perspective.

Sur toutes les plateformes

Entamée concrètement début janvier, la nouvelle initiative donne lieu pour chaque article publié sur le web à des déclinaisons différentes dans les autres médias. "En radio, via des chroniques dans l’émission Déclic (aussi en télé), sur Matin Première, pour le Marché Matinal, sur Vivacité, ou en vidéo sur les réseaux sociaux, voire en télé si on y arrive", précise encore Guillaume Woelfle.

En osmose avec toute la rédaction

Si l’idée n’est pas forcément que tous les journalistes soient formés aux différentes techniques d’investigation digitale, au traitement de données complexes et à la data visualisation, la volonté est de sensibiliser chacun à l’existence de cette cellule qui peut venir en appoint à chaque journaliste dans ses recherches. Certainement pour les départements International et Belge, note encore Guillaume Woeffle, mais aussi en Economie.

"J’ai pu par exemple passer du temps à vérifier des chiffres concernant Delhaize et les pertes que risquent d’essuyer les employés. L’an prochain, année d’élections, nous aurons de quoi faire avec les programmes, les déclarations, les promesses. Le fact-checking, c’est surtout une méthode, plus encore qu’une technique.

Outil interactif

"Nous pouvons aussi rechercher des sujets sur base de données chiffrées, de tableaux Excel, et en faire tout à la fois des articles assortis de graphiques plus digestes, avec un côté interactif." Un exemple, avec l’évolution du climat dans votre commune, réalisé par Ambroise Carton.

"C’est comme tirer le fil d’une pelote de laine, commente-t-il. Les données sont là, elles existent il suffit de se servir, et cela, dans tous les domaines." Prix des carburants, tableaux de la vaccination Covid, prix de l’électricité, augmentation de la taille des voitures… "Sur le web, on peut tout faire, c’est une page blanche, et y accorder la longueur que tu souhaites, la forme que tu souhaites pour mieux expliquer." Une mission de service public.

On demande développeur

"L’idéal, pour moi, reprend Ambroise Carton, "ce serait d’avoir un développeur à nos côtés en permanence. On a pu bénéficier d’une aide pour réaliser la ligne du temps du covid : on a mis en rapport les chiffres de la pandémie et les événements. A nous de raconter l’histoire, au développeur de nous épauler pour écrire le code, chacun quelque part dans son métier. Cela nous permettrait vraiment d’aller plus loin. Parce que moi, je me débrouille, mais pas comme un vrai pro."

Et aller plus loin

Aller plus loin, toujours, et s’appuyer également sur la communauté des fact-checkers, conclut Grégoire Ryckmans. "Si le travail sérieux a été fait, inutile de le refaire, mais nous pouvons toujours aller chercher, gratter plus loin." Un défi constant et excitant, au moment où l’intelligence artificielle permet de fabriquer de fausses infos ou images (cf. les deep fakes ou hypertrucages – des vidéos de personnalités à qui on peut faire dire n’importe quoi), mais elle permet aussi de faire le tri entre le vrai et le faux. Voir ici le travail réalisé autour des chutes de Joe Biden soulignant sa "sénilité".

Apprendre, explorer les opportunités journalistiques qu’offre le monde digital et se former constamment aux nouvelles techniques : la clé pour aboutir à une véritable plus-value.

Inside: spotted faky

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