Et Ambroise Carton cite également l’exemple de ce journal hongrois qui, avant la visite du pape à Budapest, fin avril, l’avait montré dans des lieux qu’il allait visiter. "Après son voyage, le journal a présenté conjointement les vraies photos à ses lecteurs. Et c’était… Bluffant."
Entre fascination et inquiétude, comment faire pour ne pas y perdre son latin… Et ses moyens ?
Yves Thiran, Responsable de la rédaction régionale bruxelloise est aussi celui qui coordonne ce qu’il appelle joliment un "réseau neuronal"- plus qu’un groupe de travail classique – de journalistes RTBF qui se penchent activement sur la question. "Dans un premier temps, on a rassemblé des éléments sur ce que les autres rédactions font déjà. Dans la foulée, on s’est penché sur les opportunités pour la RTBF, tout en examinant les menaces potentielles." Car il n’est pas question de se borner à attendre et voir.
Johanne Montay, Responsable éditoriale sciences innovations, membre du groupe, le souligne : "Évitons de partir en désordre, ou de craindre l’intelligence artificielle : celle-ci ne vient pas du néant. Il faut comprendre comment ça fonctionne pour pouvoir s’en servir judicieusement." Elle qui "chipote" déjà de son côté, cherche, teste, s’informe, mais ne s’en sert pas dans son travail au quotidien. Elle encourage cependant ses collègues à faire de même, sur le côté, pour éviter de se sentir dépassé.
Oser tester les limites
Ambroise Carton, également dans le groupe, s’en sert déjà pour du codage, qu’il pratique hors de son travail journalistique proprement dit, et chacune de ses démarches lui fait comprendre à quel point on peut pousser l’outil à toujours aller plus loin. "A la base, tant ChatGPT que Midjourney sont des outils très moraux, éthiques. Un exemple, si on demande à ChatGPT de donner les numéros gagnants du futur Lotto, vous obtiendrez des réponses du type c’est un jeu de hasard, qui repose sur des éléments aléatoires, qui empêche de donner une réponse fiable, donc méfiance. Mais en étant habile, il est tout à fait possible de contourner ("jailbreaking") ces réponses convenues et de faire en sorte que l’intelligence artificielle produise des éléments qui vont à l’encontre de ses principes de base !"
Le business de la désinformation a toujours une longueur d’avance
"Le big business de la désinformation s’en est déjà emparé à une échelle industrielle !" s’exclame Yves Thiran. "Parce qu’ils ont une longueur d’avance, déjà." Et le journaliste énumère 5 types de menaces liées à l’IA : la capacité à distinguer le vrai du faux, la fiabilité des contenus d’information produits avec ces outils, la diversité et le pluralisme des contenus produits, l’emploi des journalistes et collaborateurs de l’info, la survie des médias dont la propriété intellectuelle se dissout dans l’algorithme. Avec en exergue le fait que l’outil est à ce stade, indétectable.
Au sein même de la communauté des créateurs de l’IA, les avis divergent : de "attention, cet outil est en train de nous échapper à "pas de panique, ce n’est pas la première fois qu’un soufflé retombe après un fol emballement."