Cinéma

Instinct basique et classique

Bleu crépusculaire ou bleu glacial, Basic instinct c’est du thriller érotique stylé

© StudioCanal

Quasi 30 ans après sa sortie, "Basic instinct" de Paul Verhoeven revient ce mercredi 29 septembre en salles  chez nous dans une version contenant plus de pic à glace, plus de sexe, plus de domination, plus d’ambiguïté ; bref plus longue… de 42 secondes. De quoi relancer les polémiques de l’époque ! ?

Qu’est-ce que vous allez faire ? M’inculper pour fumage ?

La citation est culte et la scène cultissime. Ce croisement de jambes, il en a fait couler de l’encre en 1992 quand est sorti en salles "Basic instinct", le film de Paul Verhoeven. Il a surtout agacé (et le mot est faible) la principale intéressée, Sharon Stone. Dans ses mémoires sorties au printemps dernier, intitulées "La beauté de vivre deux fois" (chez Robert Laffont) l’actrice s’est enfin expliquée. "Paul Verhoeven m’avait demandé de retirer ma culotte en m’assurant qu’on ne verrait rien. Il paraît que le blanc reflète la lumière", écrit-elle. Ce n’est que le soir de l’avant-première du film à Cannes en plein festival qu’elle a découvert le plan. "C’est comme ça que j’ai vu en gros plan mon vagin pour la première fois […] J’ai giflé Paul Verhoeven en pleine figure, je suis allée chercher ma voiture et j'ai appelé mon avocat, Marty Singer."

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Malheureusement, Sharon Stone n’a rien pu faire à l’époque pour interdire le film et/ou couper la scène. Aujourd’hui, c’est différent, il existe de nouvelles règles de la Screen Actors Guild qui protègent davantage les actrices contre ce genre d’abus. Juste comme ça encore, toujours dans ses mémoires, l’icône des années 90 ("Basic instinct" a réellement boosté sa carrière, elle qu’on avait vue dans "Police Academy 4" et "Total Recall" de Paul Verhoeven avec Arnold Schwarzenegger) revient aussi sur son accident qui lui a longtemps paralysé la moitié du visage. "J’ai ouvert les yeux et il était là, penché sur moi, à quelques centimètres de mon visage. Un inconnu me regardant avec tellement de gentillesse que j’étais convaincue que j’allais mourir. Il me caressait la tête, les cheveux ; mon Dieu qu’il était beau. J’aurais aimé que ce soit quelqu’un qui m’aime plutôt que quelqu’un qui s’apprêtait à me dire que je faisais une hémorragie cérébrale…"

Michael et Sharon aka Nick et Catherine
Michael et Sharon aka Nick et Catherine © StudioCanal

Mais résumer le film "Basic instinct" (dont la sortie est une fois de plus programmée ce mercredi 29 septembre en salles chez nous) à cette seule scène serait un peu court. Même si ladite scène fait partie des annales (pardon) de l’Histoire du Cinéma et qu’elle a été maintes fois copiée et parodiée. La version des Nuls dans "La cité de la peur" est à revoir en boucle. Sharon Stone en personne ira même jusqu’à la rejouer cette scène lors de la cérémonie des GQ Awards en 2019.

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À part ça, pour (re) mettre tout le monde d’accord, voici de quoi il parle ce "Basic instinct" : une star du rock est assassinée d’une trentaine de coups de… pic à glace. La principale suspecte se nomme Catherine Tramell (Sharon Stone). C’est une romancière à succès et la petite copine du mort. L’enquête est confiée à l’inspecteur Nick Curran (Michael Douglas). Un inspecteur qui va tomber sous le charme de la belle romancière tout en découvrant que dans son passé, elle a toujours été liée à des morts toutes aussi suspectes que violentes !

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Le film rend hommage au grand Alfred Hitchcock avec, bien entendu, cette blonde platine suspecte qui fait tourner toutes les têtes et chavirer tous les cœurs. Hitch qui disait aussi qu’il fallait réaliser les scènes de meurtre d’un film comme les scènes de sexe. Verhoeven l’a bien compris et appliqué cette consigne à la lettre. Son film va d’ailleurs lancer un nouveau mouvement : le thriller érotique voire le polar porno chic. C’est un peu comme si Hitchcock (toujours lui) avait réalisé "Emmanuelle" ! Du sang et du sexe ; de la tension et du relâchement ; le plaisir et la mort sont autant de principes et d’idées déjà associés au Cinéma (c’est d’ailleurs l’une des règles d’un film d’horreur où les jeunes qui font l’amour sont souvent les premières victimes d’un tueur) mais aussi en Littérature. Sauf qu’ici, rien n’est caché, rien n’est suggéré ; tout est montré, tout est explicite. Ce voyeurisme hyper stylé et on-ne-peut-plus esthétique (avec cette lumière bleue, à la fois crépusculaire et glaciale, chaude et froide) va influencer d’autres productions comme "Sliver" encore et toujours avec Sharon Stone, "Jade" avec Linda Fiorentino, "Sex crimes" avec Neve Campbell, "Bound" avec Jennifer Tilly (soit le tout premier film des Wachowski de la saga "Matrix"), "Color of night" avec Jane March ou, last but not least, "Eyes wide shut" de Stanley Kubrick avec Nicole Kidman.

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Notez que dans les années 80, crimes et sexe font aussi bon ménage avec des films comme "Blue velvet" de David Lynch, "Pulsions" et "Body double" de Brian De Palma, "La Féline" de Paul Schrader (1982), "Liaison fatale" déjà avec Michael Douglas et "Le facteur sonne toujours deux fois" avec Jessica Lange et Jack Nicholson. La différence entre tous ces titres et ceux précédemment cités reste que leurs scènes de sexe étaient davantage suggérées et plus soft.

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La version de "Basic instinct" proposée en salles (mais aussi en DVD chez Carlotta) a non seulement été restaurée (en 4K tout ça tout ça) mais aussi rallongée des… 42 secondes coupées à l’époque par la Censure américaine. Le crime d’ouverture est donc plus sanglant (d’autres coups de pic à glace ont été rajoutés), la mort du collègue de Nick plus explicite, la scène de viol plus éprouvante et les câlins entre notre inspecteur et sa suspecte plus intenses. Mais est-ce que ces secondes vont raviver les polémiques de 1992, la question est posée ? Je ne sais pas si vous vous en souvenez mais le film de Verhoeven avait été interrompu pendant son tournage par les ligues LGBT qui voyaient d’un très mauvais œil l’association d’idées scènes homosexuelles + meurtres + psychopathe = un bon film ! Car, pour terminer et résumer et schématiser en quelques mots, c’est ce que nous proposent ces bas instincts basiques : la traque d’une psychopathe bisexuelle tueuse.

Le retour de Basic instinct au cinéma sera-t-il aussi le retour de ses polémiques comme en 1992 ?
Le retour de Basic instinct au cinéma sera-t-il aussi le retour de ses polémiques comme en 1992 ? © StudioCanal

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