Interview : Jarm0u, streameuse belge, speedrunneuse et ambianceuse !

Tu es donc comédienne de théâtre, gameuse, speedrunneuse et commentatrice ! Comment gères-tu ta vie entre toutes ces casquettes ?

Grâce à l’intermittence notamment ! Je travaille principalement en France et c’est la scène qui me fait gagner ma vie. L’intermittence me permet depuis plusieurs années de ne plus avoir besoin de faire de travail alimentaire à côté, et ça me dégage du temps pour me consacrer à mes projets et mes passions. En général, il y a les périodes où je suis en tournée, et puis, quand c’est plus creux, je retourne à la console.

J’aime aussi mélanger les deux, parce que ce sont des univers qui peuvent cohabiter. J’ai notamment réalisé un court-métrage qui est très référencé et ancré dans un univers vidéoludique, et plus récemment j’ai aussi participé à une "Playformance" à Lyon, où on joue à un jeu sur une scène de théâtre en disant un texte.

Je suis aussi maîtresse de cérémonie des championnats de SMK [Super Mario Kart, ndlr] depuis 2016, j’ai l’habitude de m’exprimer en public et surtout, j’adore parler des choses qui m’intéressent, le tout va ensemble et ce sont des "compétences" qui sont assez perméables d’une catégorie à l’autre !

Tu as commencé à streamer sur Twitch en 2020. Tu avais déjà des objectifs de streaming à l’époque ? Comment se déroule ton évolution sur la plateforme ?

Alors la blague, c’est qu’au départ, je ne connaissais pratiquement rien du tout à Twitch, je voulais streamer uniquement pour pouvoir enregistrer et homologuer mes records sur Super Mario Kart, il n’y avait rien d’autre derrière. Six semaines après mes débuts, le confinement est arrivé, et j’ai rejoint une chaîne communautaire qui diffusait tous les jours pour lutter contre l’isolement social. J’étais confinée seule, et j’ai passé énormément de temps à streamer sur cette chaîne (le Quaranstream).

Au départ je n’avais que du SMK mais je me suis mis la pression en me disant que ça allait sans doute lasser les gens de voir toujours le même jeu sur mes créneaux. Donc, j’ai commencé à ressortir mes autres jeux de cœur et à varier le contenu comme ça.

Pour ce qui est de l’évolution, la chaîne a progressé en trois ans, malgré mes streams irréguliers et mon programme inexistant. Parfois j’ai des castings à l’improviste, des répétitions qui se rajoutent, je dois faire des allers-retours entre Paris et Bruxelles, ça rend l’idée de faire un planning très utopique, donc je streame quand je peux. Il y a cependant encore eu un bond en avant après Speedons, on va voir si ça se dissipe dans quelques semaines ou non. Mais c’est vraiment fou !

L’addiction au speedrun, ça date de quand ? Comment ça t’a pris ? Et avec quel jeu ?

Je crois qu’à l’origine j’ai surtout une addiction à la compétition ! Et que Super Mario Kart est un jeu qui amène naturellement vers le speedrun, puisque c’est un jeu où il faut constamment aller plus vite et battre ses records. Donc je dirais depuis petite, même si je ne savais pas que ça portait un nom et que je ne chronométrais pas. Mais je le faisais aussi sur mes jeux préférés, je les recommençais jusqu’à les faire le mieux possible ou sans perdre de vie. Je ne savais juste pas que ça s’appelait ainsi.

Passons désormais à Speedons, 3e édition ! Quelle a été ta réaction quand tu t’es vue sur le visuel des ambianceurs et ambianceuses ?

J’étais soulagée de pouvoir enfin en parler ! Ça faisait des semaines que je me retenais de lâcher l’info, et j’étais très contente. Sur le moment, j’étais surtout ravie qu’il y ait désormais trois femmes dans l’équipe (DamdamLive qui était déjà là l’an dernier, et Gom4rt qui rejoignait le casting avec moi), mais vu les réactions de mes potes et sur Twitter, j’ai commencé à avoir la pression !

C’était ta première fois pour du caritatif ? Et plus spécialement sur du caritatif d’un événement de speedrun ?

Pas du tout, ça fait plusieurs années que je fais des marathons, des événements caritatifs ET des marathons caritatifs de speedrun. Pratiquement depuis mes débuts dans le stream. J’ai eu l’occasion de participer à Interglitches qui lève des fonds pour l’Institut du cerveau, mais aussi à l’ESA (European Speedrunners Assembly) en Suède, qui récolte de l’argent au profit de la fondation Alzheimer, côté speedrun.

Sinon en termes de marathons purement caritatifs, j’ai été parmi les streameuses qui ont participé à "Stream for Trees" en 2022, organisé par Stream_Her, pour planter une micro-forêt à Bruxelles, et un autre événement qui me tient énormément à cœur "Et Ta Cause" qui soutient des associations qui viennent en aides aux femmes et personnes LGBT victimes de violences. Mais jusqu’ici, j’étais seulement du côté streameuse/runner/commentaire, l’ambiançage, c’était la première fois [à Speedons, nldr], et j’ai adoré !

C’est quoi l’histoire derrière le speedrun du jeu Tintin au Tibet ?

Alors ! Il faut savoir que Tintin a été l’un de mes premiers amoureux et que je connaissais tous les dessins animés par cœur avant même de savoir lire. J’avais joué au jeu quand j’étais petite, mais impossible de passer le niveau de la falaise. Avec mon grand frère, on avait chopé le mot de passe pour passer au niveau suivant et on avait pu finir le jeu, mais j’avais toujours eu un goût de "pas fini".

Fin 2020, j’ai trouvé une cartouche dans un magasin rétro à Liège (coucou le Player !) et je me suis relancée en stream. Une fois la falaise battue, comme j’ai un problème avec la compétition et moi-même, j’ai voulu tenter le speedrun. C’est parti comme ça.

Quand les soumissions [de jeux à speedrunner, ndlr] à Speedons se sont ouvertes, on a voulu soumettre Tintin au Tibet en "run blague" avec Neetsel, sachant que je misais surtout sur Super Mario Kart pour être sélectionné (surtout parce que j’ai bien plus d’expérience dessus que sur Tintin).

Mais la blague s’est retournée contre nous et on a été pris ! Baruch, le troisième larron, s’est greffé à la course, on s’est dit, plus on est de fous, plus on peut montrer à quel point Infogrames [l’entreprise qui a développé Tintin au Tibet, ndlr] peut être cruel parfois. J’ai demandé à MxMyu de commenter la run, Chachamaxx s’est également proposé et, ainsi, on avait nos Dupondt.

Pour retrouver la run entière de Tintin au Tibet avec un cast merveilleux et entièrement déguisé, ça se passe ici !

Selon MisterMV, tu as été au four et au moulin durant tout l’événement ! En plus d’être ambianceuse et commentatrice, quelles autres casquettes as-tu portées durant ces 4 jours ?

C’était déjà pas mal mais je pense qu’il l’a surtout dit parce que j’avais des créneaux chaque nuit et que ce sont des plages horaires plus longues (4 heures en général au lieu de 2 en moyenne sur les autres). Avec mes co-commentatrices et les runners, on a aussi beaucoup insisté sur l’aspect spectacle/showcase d’un tel marathon. Même si la performance est importante et que chacun serait ravi de battre son record lors de Speedons, il se passe souvent des imprévus.

On a donc passé beaucoup de temps à réfléchir à nos costumes ou réécrire des chansons avec MxMyu pour Le Roi Lion. Pendant l’événement, il y avait également un stand de retrogaming et j’en ai profité pour proposer au public de m’affronter sur Super Mario Kart le dimanche, c’était marrant !

On a bien vu que tu aimais te déguiser pour commenter, notamment ! Ce ne serait pas un peu la meilleure liaison entre tes deux passions : le théâtre et le jeu vidéo ?

J’ai déjà un peu répondu mais en effet le marathon, pour moi, est surtout un showcase, à l’inverse d’une compétition. Dans une compétition, la moindre erreur peut être fatale et sonner la fin du parcours. Dans un marathon, c’est important qu’il y ait de la hype, de l’ambiance, que le public soit à fond pour faire monter les dons.

À chaque fois que j’ai été validée pour assurer le commentaire d’une run, la première question que je pose dans la conversation Discord est "Bon, on s’habille comment ?". Je blâme quand même MxMyu qui a forcé pendant des mois pour que je regarde RuPaul’s Drag Race, et ça a complètement contaminé mon esprit.

Depuis, on y va à fond, partout. Cela dit, la run 100% cosplayée de Tintin l’an dernier a eu lieu avant Drag Race, mais ça me paraissait indispensable pour rajouter au spectacle, sachant qu’on allait faire Tintin. Il y a trop de personnages emblématiques pour rater l’occasion !

Comment as-tu abordé tes rôles de commentatrice et d’ambianceuse ?

Pour le commentaire, j’étais assez confiante, je m’étais déjà prêtée à l’exercice lors du dernier Interglitches, toujours avec cette formule cosplay + un commentateur technique + un autre qui est plus là pour les punchlines (et en général, c’est plutôt moi qui me mets du côté du shitpost).

Pour l’ambiançage, j’étais un peu stressée au début, notamment parce que j’ai eu l’honneur de faire le premier créneau. Sauf que RealMyop, qui devait être mon binôme, n’était pas là 5 minutes avant le lancement. Heureusement, Damdam était avec moi, et elle m’a proposé de m’accompagner.

Franchement, je ne pouvais pas rêver mieux. Au départ, on n’avait pas de créneau ensemble et j’en étais un peu triste, mais là, faire l’ouverture de SpeeDons avec un duo de commentatrices, c’était le feu et surtout un symbole fort ! Elle a été très pédagogue et m’a guidée en quelques phrases, et après, la machine a roulé.

Au niveau des rencontres que tu as faites, quelles ont été les meilleures surprises ?

Damdam !

Sinon, version longue, j’ai pu (re) découvrir des runners, certains que je suivais sur Twitch ou bien avec qui je partageais des serveurs Discord. Canblaster déjà, qui a fait le concert d’ouverture, envoie du très lourd. C’était le meilleur démarrage possible et c’est une excellente découverte.

J’ai absolument adoré Linkorange et sa run no-hit de Zelda A Link to the Past, mais encore plus parce qu’il avait spécialement ramené une cartouche japonaise de Super Mario Kart et voulu qu’on joue ensemble (et il est bon, en plus !).

Rencontrer Nitrostarch aussi m’a fait très plaisir, parce que j’ai suivi son entraînement sur Hades les deux dernières semaines. Il y en a tellement. Le couronnement de Qlex sur Tetris est peut-être l’un des moments les plus marquants du week-end.

Côté ambiançage, animer la nuit a quelque chose de privilégié parce que c’est long et qu’on a le temps de discuter avec son binôme. Aelthan a un univers qui me fait beaucoup rire, on a pas mal discuté avec MisterMV, quant à Chachamaxx, on se connaissait déjà, ça roulait facilement.

Mais il y a aussi tout ceux qu’on ne voyait pas en stream, les bénévoles qui tenaient les nuits, les community managers avec qui j’ai énormément rigolé et qui m’ont inspirée à inventer des bêtises à mettre sur Twitter, les kinés qui avaient un stand sur place pour sensibiliser aux soins à s’apporter quand on pratique de l’e-port à haut niveau et qui étaient adorables.

C’était vraiment une bulle pendant quatre jours avec une ambiance et une énergie exceptionnelles.

Rendez-vous à Speedons 4, l’année prochaine ?

J’espère ! A voir si je tente le 100% cette fois en retournant aussi du côté des runners en prime ! Qui sait ?

Pour revivre l’événement qui a récolté plus d’un million d’euros au travers des yeux de Jarm0u, son thread animé durant toute la durée de l’événement vous replongera dans les quatres jours de Speedons 3. A l’année prochaine !