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#Investigation : administration de biens, un paradis pour les fraudeurs ?

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Une maladie, un accident de la vie, nous pouvons tous un jour nous retrouver sous administration de biens, et cela quel que soit notre âge. En Belgique 120.000 personnes, soit un Belge sur 100 se voit désigner un Administrateur de biens qui gère son argent. La plupart du temps, ces administrateurs sont des avocats qui brassent des millions d’euros. Mais peut-on leur faire confiance ? #Investigation a mené l’enquête.

Du meilleur au pire

Notre enquête sur les administrateurs de biens nous emmène à la rencontre d’Anny Lejour. Comme la majorité des administrateurs de biens professionnels en Belgique, elle est avocate.

Elle nous l’apprend : chez nous, toute personne qui estime que quelqu’un mérite une protection peut en faire la demande. Elle peut déposer une requête en ce sens et joindre un rapport médical. S’il n’en a pas, on désignera un expert pour vérifier quel est l’état de santé de la personne à protéger.

En clair, n’importe qui peut demander de mettre quelqu’un sous protection, même votre voisin.

Les maisons de repos, comme les hôpitaux, en font souvent la demande pour garantir le paiement des factures, ainsi qu’en cas de conflit familial. Un juge de paix décide alors du bien-fondé de la demande.

Anny Lejour gère avec beaucoup d’attention de nombreux dossiers. Elle est au four et au moulin, très souvent sur la route. "J’essaie en premier lieu de rencontrer les personnes chez elles parce que je découvre un univers de vie, explique l’avocate. Dans mon GSM, j’ai à mon avis 10 numéros de chauffagistes, de plombiers, etc. parce que si le vendredi à 16 heures, il faut trouver quelqu’un, je vais tenter de trouver une solution pour que la personne ne soit pas sans chauffage tout le week-end. Ça, c’est le quotidien des administrateurs de biens."

Le travail des administrateurs est évidemment logiquement rémunéré. Ils touchent 3% des revenus de la personne protégée. Ils peuvent également demander des frais administratifs, comme les courriers adressés ou les kilomètres effectués. Mais ils ont aussi, parfois, la main sur de grosses fortunes.

Manne providentielle ?

Anny Lejour elle-même le précise : certains de ses confrères voient dans cette mission une manne providentielle. Elle évoque le cas récent d’une consœur qui payait 13 fois au lieu de 12 la maison de retraite. "La 13e fois, c’était sur son compte, précise Anny Lejour d’un air ébahi. Le plus hallucinant, c’est que ça a duré des années".

Notre enquête nous fait découvrir d’autres dossiers plus qu’interpellant, comme celui d’un avocat bruxellois qui s’est aujourd’hui retiré du barreau. Il a géré, à une certaine époque, plus de 300 dossiers et laissé sur sa route des victimes bien impuissantes… Comme Maria Castronovo, qui, au décès de sa mère, découvre ce qu’il reste du patrimoine.

J’ai reçu des papiers avec ce qui restait, j’ai été choquée. J’ai été vraiment choquée car cet argent est parti, et je ne sais pas où il est parti. Une histoire de 160.000 à 170.000 euros.

Une autre victime, Laurence Dechene, a entamé une procédure contre cet administrateur. Il aurait spolié le grand-père de Laurence. Là, ce sont 80.000 euros qui se sont envolés. Après 10 ans, elle vient d’obtenir un début de réparation devant le tribunal civil. Pour avoir triché sur les prestations et les travaux surfacturés, l’administrateur doit rembourser 20.000 euros. On est loin des 80.000 euros du grand-père et ce n’est d’ailleurs pas l’administrateur poursuivi, mais son assurance en responsabilité professionnelle, qui paiera.

Laurence, elle, espère simplement que cet administrateur soit neutralisé et qu’il ne puise plus dans le patrimoine d’autres personnes.

Nous avons voulu vérifier si cet avocat exerçait encore. Après vérification dans le Moniteur belge, là où sont publiées les désignations des administrateurs de biens, l’ex-avocat bruxellois est encore désigné. Il administrerait encore les biens de 25 personnes.

Les contrôles insuffisants et un conseil…

Comment arrive-t-on à de pareilles situations ? N’y a-t-il aucun contrôle sur les activités des administrateurs de biens ? Normalement, tout administrateur de biens doit rendre, une fois par an, un rapport au juge de paix, pour chacun de ses administrés. On s’est évidemment demandé si ces rapports étaient fréquemment contrôlés par les juges de paix. La réponse d’Anny Lejour nous a surpris :

Je suis avocate depuis 1999 et, sur 200 dossiers, j’ai eu… un contrôle.

Comme dans d’autres départements de la justice, le constat est donc récurrent : faute de moyens, la Justice se montre bien impuissante face à de possibles fraudeurs. Pour éviter cela, un conseil peut être utile : chacun est libre de désigner un administrateur de biens, au cas où un jour il ne serait plus en état de les gérer.

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