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#Investigation : Andrew Wakefield, antivax à tout prix

#Investigation : Andrew Wakefield antivax à tout prix

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Andrew Wakefield est, pour beaucoup, un visage inconnu. Pour d’autres, néanmoins, il incarne la vérité, il incarne un mouvement : le mouvement antivax. Réalisateur, scénariste, producteur, auteur, chercheur, chirurgien, médecin, ses casquettes sont nombreuses. Mais ce qu’on retient surtout de lui, c’est qu’il a construit sa notoriété sur une fake news. Rétrospective sur le destin d’un scientifique pas comme les autres.

Un traitement médiatique bénéfique

En 1998, la revue scientifique The Lancet publie une étude menée par Andrew Wakefield et son équipe. Ils s’intéressent aux potentiels effets secondaires du triple vaccin contre la rougeole, la rubéole, et les oreillons (le vaccin RRO). Au terme de cette expérience, sur les 12 enfants vaccinés, 8 enfants auraient développé une forme d’autisme.

Les médias britanniques relaient cette étude en nombre. Paul Offit, pédiatre et conseiller vaccinal du gouvernement américain, déplore l’attitude de ces médias : "Ce qui est incroyable, c’est que les médias ont relayé cette étude comme si elle détenait la seule vérité. Il aurait très bien pu publier une étude sur des enfants qui, un mois après avoir mangé des tartines beurrées, auraient développé une leucémie".

On peut sans exagérer dire que cet article a tué des enfants

Cette étude vient semer la panique. La méfiance envers le vaccin RRO augmente significativement : "Quand l’article est sorti, les médias l’ont présenté comme un fait avéré : des dizaines de milliers de parents n’ont plus vacciné leurs enfants, des milliers d’enfants ont été hospitalisés, et certains en sont morts. On peut sans exagérer dire que cet article a tué des enfants", déclare Paul Offit, pédiatre et conseiller du gouvernement américain sur la vaccination.

Une fake news qui sème le chaos

Non convaincue de ces résultats, Fiona Godlee, rédactrice en chef du British Medical Journal, décide d’analyser les dossiers médicaux des enfants étudiés. Elle découvre alors que Wakefield a tout inventé. En effet, certains enfants avaient été diagnostiqués autistes avant même de recevoir le vaccin.

Elle découvre ensuite qu’un cabinet d’avocats payait Wakefield pour qu’il falsifie ses résultats. L’objectif était qu’ils construisent ensemble un dossier judiciaire contre le fabricant du vaccin. Au total, Wakefield aura gagné plus de 450.000€. Alors qu’il met en garde contre un vaccin, il tente en parallèle d’en faire breveter un autre. Pour Wakefield, le vaccin triple "serait trop puissant pour le système immunitaire". Il propose donc un vaccin unique contre la rougeole qui, "s’il est approuvé, pourrait lui rapporter des millions", conclut Godlee.

En 2010, l’Ordre des Médecins Britanniques lui retire son titre de médecin pour malhonnêteté et mépris envers ses patients. Il fuit aux Etats-Unis et il emmène ses convictions avec lui. Arrivé outre-Atlantique, son succès ne fait que grandir. Au Texas, les demandes d’exemptions/dispenses vaccinales dans les écoles doublent après l’arrivée de Wakefield. Le "Texas est devenu un véritable épicentre de la résistance vaccinale aux Etats-Unis", souligne Lucie Guimier, docteure en géopolitique et spécialiste de la santé publique.

Un succès planétaire

Après avoir conquis les USA, son succès prend une ampleur mondiale en 2016, à la sortie de son film conspirationniste "Vaxxed : From Cover-Up to Catastrophe". Il y dénonce, une fois de plus, les effets indésirables du vaccin RRO, alors même que ces effets ont été infirmés par des recherches qui font consensus dans le monde scientifique.

Plus son film est banni des salles de cinéma, plus son succès grandit, notamment lorsque le Tribeca Film Festival, fondé par Robert De Niro, décide de le retirer de l’affiche suite à plusieurs polémiques. Cette réduction au silence convainc d’autant plus les sceptiques : "Les antivax pensent que Wakefield a vu de l’intérieur ce qu’il se passait, il vient dénoncer le gouvernement qui essaye de nous faire croire n’importe quoi et de cacher la vérité", explique Lucie Guimier.

La figure du médecin martyr

Ce personnage du médecin injustement déchu et réduit au silence plaît aux foules et le mouvement antivax grandit à mesure que ses théories sont dénoncées. Selon le pédiatre Paul Offit, Wakefield doit une grande partie de son succès à "son charisme, son côté théâtral et son investissement. Des caractéristiques qui correspondent parfaitement à la télévision". A tel point qu’il sera incarné à l’écran par Hugh Bonneville, l’acteur de Downtown Abbey, dans une mini-série télévisée. Plusieurs célébrités comme Jim Carrey, Donald Trump, ou encore Jenny McCarthy, soutiennent également Wakefield. Jenny McCarthy, actrice américaine, clame que son fils a développé l’autisme suite à la vaccination. Elle a d’ailleurs publié plusieurs livres sur le sujet et elle appelle les parents à dire "non au vaccin, à se réveiller, et à ne plus mettre en danger [leurs] enfants". De nombreux experts craignent l’influence de ces stars. Ils parlent d’ailleurs de l’effet Jenny McCarthy, qui revient à s’attribuer des compétences scientifiques que l’on ne détient pas, sous prétexte d’avoir effectué ses "propres recherches sur le sujet".

Les conséquences du mouvement

La méfiance envers la vaccination a été décuplée lors de la crise sanitaire du Covid-19. Cette méfiance est également l’une des causes de l’épidémie mondiale de rougeole survenue en 2019 et qui a fait plus de 200.000 morts. L’Organisation Mondiale de la Santé insiste : "Les flambées épidémiques de rougeole se produisent lorsque des personnes qui ne sont pas immunisées contre le virus sont infectées et transmettent la maladie à des populations non vaccinées ou insuffisamment vaccinées".

Une notoriété qui survit à tous les scandales

Malgré tous les mensonges, les falsifications avérées, les salaires frauduleux et les scandales de Wakefield, ses admirateurs continuent leur soutien infaillible. Guimier explique ce phénomène : "Il est beaucoup plus simple, en tant que parent, de croire à un discours qui va nous dire "le vaccin est dangereux", plutôt que d’aller lire des études scientifiques compliquées".

Il est censé se faire discret. Il n’est pas censé vivre sur une plage tropicale avec Elle Macpherson

Les livres de Wakefield, ses films, ses conférences lui rapportent des millions. Il vit aujourd’hui en Floride, où il est l’heureux propriétaire d’une fortune bâtie sur des théories mensongères. Robby Boyd, journaliste d’investigation financière, s’indigne : "Il est censé se faire discret. Il n’est pas censé vivre sur une plage tropicale avec Elle Macpherson. Ça ne devait pas se passer comme ça".

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