Pauvreté, obéissance et célibat. Ce sont les trois vœux auxquels s’engage chaque prêtre en fonction. Cette dernière obligation est pourtant vécue comme un fardeau pour une partie des membres du clergé catholique, dont les prêtres, qui sont de plus en plus nombreux à témoigner de leur souffrance affective. Près de cinquante pour cent ne respecteraient pas le vœu de célibat. Plusieurs d’entre eux se sont confiés dans l’émission Investigation.
De tous les cultes, l’Eglise catholique romaine est la seule qui impose le célibat à ses prêtres.
Les questions de mœurs sont taboues, celles concernant la sexualité sont proscrites. Les prêtres sont instruits d’une telle façon que l’affection et les plaisirs de la chair sont considérés comme des vices auxquels il ne faut pas succomber… Jusqu’au jour où tout bascule : l’amour frappe à la porte et fait vaciller les convictions religieuses.
Un mal schizophrénique
L’Église catholique condamne fermement l’union des membres du clergé mais sait pertinemment qu’un nombre conséquent de ses prêtres vit ouvertement en couple. Selon le prêtre Paul Zulehner, cette situation schizophrénique de l’Église catholique est profondément problématique: "Il est urgent de changer".
Ce paradoxe toléré dans l’institution est dû à un manque criant de vocation et d’adhésion au clergé. Les évêques n’ont d’autre choix que de garder le peu de prêtres qu’il leur reste, même si ces derniers ne sont plus chastes. Une question de réputation. "La seule préoccupation, c’est de préserver l’Église dans son honorabilité" explique Bernard Chalmel, ex-prêtre et père de deux enfants.
Les enfants de la honte
Le célibat des prêtres n’est en effet qu’une illusion : nombreux sont ceux qui mènent une double vie malgré l’interdiction. Ils se voient obligés de vivre leurs liaisons cachées, parfois pendant plus de 40 ans. Leurs compagnes vivent dans l’ombre, sans aucune reconnaissance. Le pire, pour l’Eglise, ce sont les enfants qui naissent de ces unions: ils sont considérés comme le fruit du péché.
Ils ne veulent pas officiellement admettre qu’ils ont des enfants. On leur enseigne dès le début que Dieu les a choisis pour prêcher la parole de Dieu et que […] tous les autres dommages dits collatéraux sont acceptables, qu’il s’agisse de femmes abandonnées ou de leurs propres enfants abandonnés.
L’association "Les enfants du silence" dénombre cinquante mille jeunes qui n’ont pas été reconnus ou éduqués par leur père ecclésiastique. Ces filles et fils de prêtres ne savent généralement pas qui sont leurs géniteurs, car ces derniers ne les reconnaissent pas à la naissance. Tomek Kucharski, fils de prêtre, témoigne: "Ils ne veulent pas officiellement admettre qu’ils ont des enfants. On leur enseigne dès le début que Dieu les a choisis pour prêcher la parole de Dieu et que […] tous les autres dommages dits collatéraux sont acceptables, qu’il s’agisse de femmes abandonnées ou de leurs propres enfants abandonnés".
Un prêtre n’a par ailleurs aucune obligation d’assumer ses responsabilités parentales si la paroisse ou l’Eglise soutient la mère financièrement. "On essaye de donner de l’argent aux mères pour qu’elles se taisent, pour que l’enfant disparaisse et puis qu’on n’en entende plus parler" dénonce Isabelle Ballasteros, fille de prêtre.
Appel à la désobéissance
Même si certains se résignent, d’autres religieux se battent sans relâche pour changer cette doctrine imposée par le catholicisme romain. C’est notamment le cas du père Helmut Schüller qui a porté, en 2006, un projet collectif de désobéissance et de réforme basé sur des sondages d’opinion. La réponse de l’Eglise n’a pas tardé. Virulente, elle a mis en garde ses membres de possibles représailles telles que la perte de leur ministère et l’interdiction de prêcher.
Plus récemment, Charles Delhez, prêtre jésuite, s’est directement adressé au Pape par courrier. Sa lettre supplie le Saint-Père de bien vouloir accorder le droit marital aux prêtres… Sans succès. Le Pape a pourtant eu plusieurs opportunités afin de reconnaître l’ordination des hommes mariés. La dernière date de 2019, lors du Synode pour l’Amazonie. Mais il a refusé.