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#Investigation : le pellet, un combustible pas si parfait

Pellets et bois de chauffage : Pas que des avantages

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"Le pellet renouvelable, durable, belge et bon marché ! ", la pub passe en boucle. Toutefois, cette promesse de combustible pas cher, vertueux pour la planète et l’économie nationale mérite que l’on s’y attarde un moment, histoire de voir si, des fois, la mariée ne serait pas trop belle.

La poule aux œufs d’or

En moyenne, les Belges brûlent un million de tonnes de pellets par an pour se chauffer. Mais seule la moitié de ce volume est produite sur le sol national. Il faut savoir que la matière première des pellets est essentiellement constituée de sciure provenant des résineux découpés dans les scieries situées pour la plupart dans le sud du pays. En plus de la sciure, les pellets contiennent une bonne proportion de copeaux (20%, selon les chiffres de la filière bois). Ces copeaux sont le résultat du broyage de troncs impropres à un usage noble, comme la construction ou l’ameublement.

Pour devenir des pellets de chauffage dignes de ce nom, ces montagnes de sciure et de copeaux doivent d’abord être séchés. Il s’agit en effet d’une matière issue d’arbres à peine coupés, donc particulièrement humide. Son séchage est donc crucial. Et pour ce faire, les usines à pellets alimentent d’énormes fours avec des quantités spectaculaires de résidus de bois en tout genre.

Dans cette biomasse on trouve un peu de tout : écorces, produits d’élagages divers et variés ou encore de la végétation coupée sur les bords des autoroutes. Les producteurs de pellets au nez fin, profitent de cette combustion massive pour produire de l’électricité dite "verte" qu’ils revendent évidemment au prix du marché (qui a atteint des sommets l’année dernière). Cerise sur le gâteau, ils raflent au passage des paquets de certificats verts, car ce type de production d’électricité considéré comme renouvelable est encore et toujours subsidié par les pouvoirs publics régionaux. Une véritable poule aux œufs d’or.

Ce n’est pas tout : le prix du pellet s’est envolé depuis le printemps dernier. Il a dépassé celui du mazout et même talonné celui du gaz. Pour la filière du pellet, 2022 aura vraiment été "A Very Good Year".

Des pellets venus de loin

Le pellet d’importation représente 50% de notre consommation. Du pellet de chauffage qui vient parfois de loin comme des pays baltes, de Finlande, de Bulgarie, de Roumanie… Des distances de transport importantes qui alourdissent évidemment le bilan carbone de cette filière. Cela est d’autant plus problématique que la matière première est parfois très douteuse. A ce propos, Greenpeace-Roumanie dénonce régulièrement les coupes sauvages pratiquées dans des forêts Natura 2000 qui bénéficient pourtant d’un très haut degré de protection.

L’ONG roumaine a pu démontrer que des milliers de troncs entiers provenant de sites Natura 2000 sont directement envoyés vers des unités de production de pellets. Les données GPS des transporteurs routiers analysées par Greenpeace ne laissent guère de doutes quant à la nature frauduleuse de cette chaîne d’approvisionnement.

Ce que devient ensuite le pellet pose aussi question. La provenance du combustible figure normalement sur le sac de pellet. De quoi informer le consommateur sur l’origine du produit. Malheureusement, le sac ne fait pas toujours le pellet.

Des organismes privés (et payants) confèrent bien des garanties d’origine et de qualité au produit, mais il y a des trous dans la raquette… Lors de notre enquête, nous avons repéré des revendeurs qui manifestement jouent avec les étiquettes en toute impunité.

Le dogme de l’immaculée combustion

La filière du bois de chauffage et du bois énergie répète en boucle que le bois, lorsqu’il brûle ne fait que restituer le gaz carbonique qu’il a stocké lors de la croissance de l’arbre dont il est issu. C’est sur ce postulat qu’est basée l’affirmation que la combustion du bois a un bilan carbone neutre.

Le problème est que pour retrouver la capacité d’absorption de CO2 d’un arbre coupé, il faudra patienter plusieurs dizaines d’années. Faut-il encore qu’un nouvel arbre ait été planté pour remplacer le précédent. On parle dans ce cas de figure de " dette carbone ". Vu l’urgence climatique, ces dizaines d’années sont un luxe que la planète ne peut pas se permettre.

La théorie de la neutralité carbone du combustible bois n’est en fait valide que si et seulement si le patrimoine forestier mondial est en forte croissance. Mais au rythme où l’on déboise au Brésil ou en Afrique centrale, on est loin du compte. A cela il faut encore ajouter la surexploitation forestière en Scandinavie et en Europe de l’Est.

Une question de santé publique

Le problème passe encore largement sous les radars, mais la pollution engendrée par le chauffage au bois (bûches et pellets) devient une question de santé publique. En France, ce type de combustible domestique est à l’origine de plus de la moitié des particules fines, toutes origines confondues. Plus encore que le transport routier… Le médecin radiologue Thomas Bourdrel, de Strasbourg, pointe d’ailleurs une menace sanitaire aiguë dans certaines régions comme en Alsace et en Auvergne-Rhône-Alpes.

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Voilà des années que le praticien strasbourgeois pointe, avec des dizaines de confrères, les poêles à bûches et à pellets qui rejettent des substances particulièrement dangereuses comme des composés organiques volatiles (COV) et des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP). Avec à la clé un risque fortement augmenté de cancers du poumon, de maladies cardiaques et vasculaires, voire de danger pour le développement des fœtus.

La fumée dégagée par ce type de combustion équivaut, selon le Docteur Bourdrel, à du tabagisme passif intensif, surtout avec les feux ouverts, mais aussi avec les anciens poêles à bûches et à pellets. Ceux-ci contaminent significativement l’air respiré à l’intérieur des habitations, mais pas seulement.

Ce qui sort des cheminées est aussi respiré par les voisins, notamment ceux-ci habitent dans une maison passive dotée d’un système de ventilation qui capte à l’extérieur l’air contaminé. Autant le savoir.

Sur le même thème : JT du 13 janvier 2023

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