Début du Printemps. Un ballet de bulldozers anime la célèbre plage de Raversyde, à Ostende. Un va-et-vient incessant de machines qui déplacent des quantités impressionnantes de sable. À la plus grande surprise de certains passants. "Je ne sais pas ce qu’il se passe. J’ai envie d’aller à la commune pour demander ce qu’il se passe", nous lance une touriste.
L’explication est simple. Et loin d’être une nouveauté : on renforce la plage. Au total, deux kilomètres de plage sont totalement surélevés. 600.000 m³ de sables puisés au fond de la Mer du Nord, par la société de dragage Jan De Nul. "Les plages sont surélevées par sécurité, pour protéger l’arrière-pays. Il s’agit d’une protection spécifique contre les conditions météorologiques plus extrêmes et l’élévation du niveau de la mer. C’est pour cela que nous devons nous armer", explique Bart Praet, responsable de ce genre d’opérations. L’eau serait-elle devenue un ennemi contre lequel il faut s’armer ?
Notre pays n’échappe pas aux conséquences du réchauffement climatique. Chaque année, l’eau monte en moyenne de 3 millimètres. Un changement lent, mais loin d’être anodin.
" La montée des eaux est due en particulier à deux phénomènes concomitants ", analyse François Gemenne, spécialiste des questions de géopolitique de l’environnement. "Le premier, c’est l’expansion thermique des océans. Plus la température de l’eau se réchauffe, plus elle occupe de la place. Le deuxième phénomène, c’est la fonte des glaciers de montagne et des glaces qui se trouvent au Groenland et dans l’Antarctique".
Sur le littoral belge, on estime généralement qu’il existe un rapport de 1 à 100 entre le niveau des mers et le recul du trait de côte. Autrement dit, si l’eau monte de 1 mètre, nous perdons 100 mètres de territoire. Les constructions qui sont dans cette zone sont alors directement menacées. Pour préserver les 67 kilomètres de la côte, les autorités flamandes ont débuté en 2011 un gigantesque plan d’aménagement. Budget total : 300 millions d’euros. "Il existe plusieurs manières de se protéger", raconte Peter Van Besien, l’un des ingénieurs responsables du projet. " La première solution possible, c’est celle du rechargement de plages, comme cela a été fait au printemps, à Ostende. On va remplir la plage avec une grande quantité de sable. Cela va faire en sorte que les vagues s’écrasent sur la plage. Cela permet d’augmenter la sécurité et la stabilité. Une deuxième option, si cela ne suffit pas, c’est de construire une barrière anti-tempête sur la digue. Cela aussi peut être conçu de manière élégante comme un banc posé sur la digue de mer. Enfin, la troisième solution, c’est une construction en béton avec un double mur anti-tempête. Ce dispositif permet de casser les vagues et d’amortir leur énergie, avant qu’elles ne puissent se répandre plus loin".
Pour les autorités flamandes, l’objectif c’est de permettre au littoral et à l’intérieur des terres de limiter les impacts de la montée des eaux jusqu’en 2050, au minimum. Johan Bultiauw et Filip De Bodt, militants écologistes, sont perplexes. Pour eux, tout cela arrive trop tard. "Nous vivons une situation d’urgence. Même si la Belgique se dote des meilleurs ingénieurs. Même si ces ingénieurs dessinent les meilleures inventions. Il peut toujours arriver quelque chose d’inattendu qui rend tous ces plans inutiles", réagit Filip De Bodt.