Investigation

#Investigation : Nicolas Sarkozy a-t-il vendu la Coupe du monde au Qatar pour sauver le PSG ?

Le focus: "Qatar : Les secrets de la coupe du monde"

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The winner to organize the 2022 World Cup is… Qatar !

Nous sommes en décembre 2010. Ces mots, c’est Sepp Blatter, l’ancien Président de la FIFA qui les prononce. La planète foot semble incrédule. Comment un si petit pays, au climat aride, sans infrastructure ni tradition footballistique a-t-il pu l’emporter face aux Etats-Unis, grandissime favori ?

Quelqu’un a-t-il œuvré en coulisse ? Mais qui et pourquoi ?

Depuis 2016, ce sont autant de questions que se pose la Justice française, avec une autre interrogation très claire : Nicolas Sarkozy a-t-il offert la Coupe du Monde à ses amis qataris ?

Pour asseoir son enquête, diffusée ce mercredi soir dans #Investigation, notre confrère français Pierre-Stéphane Fort a eu accès à des notes de l’Elysée, des PV d’auditions et d’autres documents confidentiels. Pour lui, ces documents dévoilent les coulisses d’une affaire d’Etat : le Qatargate.

Le Qatar au menu d’un déjeuner à l’Elysée

Tout commence autour d’une table. Le 23 novembre 2010, très précisément neuf jours avant le vote d’attribution de la Coupe du monde, Michel Platini est invité par le Président Nicolas Sarkozy à un déjeuner à l’Elysée. Michel Platini est alors l’influent patron de l’UEFA, l’union du football européen. En tant que président de l’UEFA, il fait partie de ceux qui voteront pour désigner l’organisateur du Mondial 2022. Autour de la table prendront place aussi le cheikh Tamim, aujourd’hui émir du Qatar mais à l’époque Prince héritier et le Cheikh Hamad Ben Jassim, vice-Premier ministre et ministre des Affaires étrangères et, surtout, cerveau de la candidature qatarie.

J’ai cru comprendre que la France serait contente si je votais pour le Qatar.

Dans une interview accordée à Complément d’enquête en 2014, Michel Platini racontait ce déjeuner avec légèreté (c’était avant le début des procédures judiciaires) : "J’ai cru comprendre que la France serait contente si je votais pour le Qatar, mais personne ne m’a jamais rien demandé." Comprenez : Michel Platini affirme qu’il a bien compris pourquoi le Président l’avait invité à dîner avec les Qataris, mais que Nicolas Sarkozy ne l’a pas obligé, ne lui a pas textuellement demandé de voter pour le Qatar. L’ancien footballeur français affirme par ailleurs qu’il avait déjà choisi le Qatar avant d’arriver à l’Élysée. Pourtant, une note préparatoire à ce déjeuner adressée à Nicolas Sarkozy raconte une autre vérité.

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L’ancien directeur de la communication de Michel Platini a d’ailleurs confirmé, devant les policiers, que Michel Platini avait une sorte de mépris pour la candidature du Qatar. Il la trouvait loufoque mais son avis a changé… après le déjeuner à l’Elysée.

Ce que l’on comprend mieux dans une autre note émanant de l’Elysée, c’est que la France et le Qatar connaissent l’influence non négligeable de Michel Platini sur le vote des membres de la FIFA. C’est un des facteurs qui pourrait faire basculer le vote. Sur les 22 votants, le Président de l’UEFA pourrait notamment apporter quatre voix européennes contre les Etats-Unis, grand favori.

Le 2 décembre 2010, lors du vote, le Qatar l’emporte avec finalement 14 voix contre 8. Pour les enquêteurs français, le vote des Européens a pu faire basculer le scrutin.

Le Président Sarkozy a-t-il offert la voix de Platini en échange de contreparties ?

Notre confrère Pierre-Stéphane Fort se pose clairement la question. Les Qataris auraient-ils promis des contreparties en échange du soutien de la France ? À nouveau, une réponse semble se dessiner dans une autre note de l’Elysée, préparée par la Cellule diplomatique et jamais dévoilée jusqu’ici.

En réalité, d’autres points étaient au menu du déjeuner. Et notamment des contrats d’armement, avec comme enjeu majeur la vente du nouvel avion de chasse français, le Rafale. Jusque-là, cet avion est boudé par de nombreux pays… sauf par le Qatar qui, en novembre 2010, fait savoir qu’il est intéressé.

Une rencontre entre autorités qataries et le secrétaire général de l’Elysée a même lieu au lendemain du déjeuner avec Michel Platini. Mais selon Claude Guéant, précisément secrétaire général de l’Elysée, cette rencontre ne serait en rien liée à l’enjeu de l’attribution de la Coupe du monde. Finalement, la commande de 24 avions rafales ne se fera qu’en 2015. Et c’est le successeur de Nicolas Sarkozy, François Hollande qui en raflera la mise.

Le PSG en dessert ?

Et ce n’est pas tout. Pierre-Stéphane Fort insiste : même sans avoir vendu les Rafales, le Président Nicolas Sarkozy aurait tout de même réalisé un très beau coup. En 2010, son club de cœur, le Paris-Saint-Germain, va mal. Proche de la relégation, ses finances sont dans le rouge depuis des années. À l’époque, le club est détenu par un fonds d’investissement dirigé par Sébastien Bazin… un proche de Nicolas Sarkozy. Quelques mois après l’attribution du Mondial au Qatar, QSI, le fonds d’investissement qatari, rachète le Paris Saint-Germain.

Alors Nicolas Sarkozy a-t-il abusé de son influence pour pousser la candidature qatarie pour obtenir, en échange, l’aide du Qatar pour sauver le PSG et son ami Sébastien Bazin ? Les enquêteurs français travaillent sur cette piste.

Le PSG perdait en tout cas des millions d’euros depuis des années lorsqu’en 2011, coup de théâtre, Sébastien Bazin réussit à revendre le club aux Qataris presque trois fois son prix d’achat.

Nicolas Sarkozy dément avoir négocié la voix de Michel Platini contre le rachat du PSG à un prix avantageux.

Pourtant, dans le dossier judiciaire, on retrouve des messages envoyés par Sébastien Bazin à un proche à propos du fameux déjeuner à l’Elysée. Il explique qu’il a eu le Président Sarkozy au téléphone et qu’il lui a transmis "les messages clés". Le lendemain, Sébastien Bazin renvoie un SMS:

Nicolas Sarkozy m’a rappelé. Tamim confirme que le deal se fera après le 2 décembre.

Le 2 décembre, c’est précisément le jour du vote de l’attribution de la Coupe du Monde au Qatar.

En plus de ces SMS envoyés par Sébastien Bazin, un autre élément semble confirmer la manœuvre de Nicolas Sarkozy. En juin 2019, alors qu’il est en garde à vue, Michel Platini raconte une anecdote aux enquêteurs : "Je me souviens que, alors que je me trouvais au Qatar, j’ai demandé une fois à l’émir pourquoi il rachetait le PSG. Il m’a répondu que c’est parce que Nicolas Sarkozy le souhaitait."

Dans cette affaire, la justice n’a prononcé aucune mise en examen. En 8 mois d’enquête, nos confrères français ont sollicité six fois Michel Platini, envoyé quinze messages aux autorités qataries et trois emails à Nicolas Sarkozy.

Toutes ces demandes d’interview sont restées lettres mortes.


"Qatar : les secrets de la Coupe du monde", à voir ce mercredi 19 octobre à 20h15 sur La Une ou sur Auvio.

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